David Copperfield – Tome I. Чарльз Диккенс

David Copperfield – Tome I - Чарльз Диккенс


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devait venir me chercher à neuf heures. Je me levai à huit heures, un peu fatigué par une nuit si courte, et j'étais prêt avant le temps marqué. Il me reçut exactement comme si nous venions de nous quitter quelques minutes auparavant, et que je ne fusse entré dans l'hôtel que pour changer une pièce de six pence.

      Dès que je fus monté dans la voiture avec ma malle, le conducteur reprit son siège et le cheval partit à son petit trot accoutumé.

      «Vous avez très-bonne mine, monsieur Barkis, lui dis-je, dans l'idée qu'il serait bien aise de l'apprendre.»

      M. Barkis s'essuya la joue avec sa manche, puis regarda sa manche comme s'il s'attendait à y trouver quelque trace de la fraîcheur de son teint mais ce fut tout ce qu'obtint mon compliment.

      «J'ai fait votre commission, monsieur Barkis, repris-je, j'ai écrit à Peggotty.

      «Ah! dit M. Barkis qui semblait de mauvaise humeur et répondait d'un ton sec.

      – Est-ce que je n'ai pas bien fait, monsieur Barkis? demandai-je avec un peu d'hésitation.

      – Mais non, dit M. Barkis.

      – N'était-ce pas là votre commission?

      – La commission a peut-être été bien faite, dit M. Barkis, mais tout en est resté là.»

      Ne comprenant pas ce qu'il voulait dire, je répétai d'un air interrogateur:

      «Tout en est resté là, monsieur Barkis?

      – Oui, répondit-il en me jetant un regard de côté. Il n'y a pas eu de réponse.

      – On attendait donc une réponse, monsieur Barkis? dis-je en ouvrant les yeux, car l'idée était toute nouvelle pour moi.

      – Quand un homme dit qu'il veut bien, dit M. Barkis en tournant lentement vers moi ses regards, c'est comme si on disait que cet homme attend une réponse.

      – Eh bien! monsieur Barkis?

      – Eh bien, dit M. Barkis en reportant son attention sur les oreilles de son cheval, on est encore à attendre une réponse depuis ce moment-là.

      – En avez-vous parlé, monsieur Barkis?

      – Non… non… grommela M. Barkis d'un air pensif, je n'ai pas de raison d'aller lui parler. Je ne lui ai jamais adressé dix paroles. Je n'ai pas envie d'aller lui conter ça.

      – Voulez-vous que je m'en charge, monsieur Barkis? demandai-je d'un ton timide.

      – Vous pouvez lui dire si vous voulez, dit M. Barkis en me regardant de nouveau, que Barkis attend une réponse. Vous dites que le nom est?..

      – Son nom?

      – Oui, dit M. Barkis avec un signe de tête.

      – Peggotty.

      – Nom de baptême ou nom propre? dit M. Barkis.

      – Oh! ce n'est pas son nom de baptême. Elle s'appelle Clara.

      – Est-il possible! dit M. Barkis.»

      Il semblait trouver ample matière à réflexions dans cette circonstance, car il resta plongé dans ses méditations pendant quelque temps.

      «Eh bien, reprit-il enfin. Dites: «Peggotty, Barkis attend une réponse. «Une réponse, à quoi? dira-t-elle peut-être. Alors vous direz «à ce dont je vous ai parlé. «De quoi m'avez vous parlé?» dira-t-elle. Vous répondrez, «Barkis veut bien.»

      À cette suggestion pleine d'artifice, M. Barkis ajouta un coup de coude qui me donna un point de côté. Après quoi il concentra toute son attention sur son cheval comme d'habitude, et ne fit plus d'allusion au même sujet. Seulement au bout d'une demi-heure, il tira un morceau de craie de sa poche et écrivit dans l'intérieur de sa carriole: «Clara Peggotty» probablement pour se souvenir du nom.

      Quel étrange sentiment j'éprouvais: revenir chez moi, en sentant que je n'y étais pas chez moi, et me voir rappeler par tous les objets qui frappaient mes regards le bonheur du temps passé qui n'était plus à mes yeux qu'un rêve évanoui! Le souvenir du temps où ma mère et moi et Peggotty nous ne faisions qu'un, où personne ne venait se placer entre nous, m'assaillit si vivement sur la route, que je n'étais pas bien sûr de ne pas regretter d'être venu si loin au lieu de rester là-bas à oublier tout cela dans la compagnie de Steerforth. Mais j'arrivais à la maison, et les branches dépouillées des vieux ormes se tordaient sous les coups du vent d'hiver qui emportait sur ses ailes les débris des nids des vieux corbeaux.

      Le conducteur déposa ma malle à la porte du jardin et me quitta. Je pris le sentier qui menait à la maison, en regardant toutes les fenêtres, craignant, à chaque pas, d'apercevoir à l'une d'elles le visage rébarbatif de M. Murdstone ou de sa soeur. Je ne vis personne, et arrivé à la maison, j'ouvris la porte sans frapper. Il ne faisait pas nuit encore, et j'entrai d'un pas léger et timide.

      Dieu sait comme ma mémoire enfantine se réveilla dans mon esprit au moment où j'entrai dans le vestibule, en entendant la voix de ma mère quand je mis le pied dans le petit salon. Elle chantait à voix basse, tout comme je l'avais entendue chanter quand j'étais un tout petit enfant reposant dans ses bras. L'air était nouveau pour moi, et pourtant il me remplit le coeur à pleins bords, et je l'accueillis comme un vieil ami après une longue absence.

      Je crus, à la manière pensive et solitaire dont ma mère murmurait sa chanson, qu'elle était seule, et j'entrai doucement dans sa chambre. Elle était assise près du feu, allaitant un petit enfant dont elle serrait la main contre son cou. Elle le regardait gaiement et l'endormait en chantant. Elle n'avait point d'autre compagnie.

      Je parlai, elle tressaillit et poussa un cri, puis m'apercevant, elle m'appela son David, son cher enfant, et venant au devant de moi, elle s'agenouilla au milieu de la chambre et m'embrassa en attirant ma tête sur son sein près de la petite créature qui y reposait, et elle approcha la main de l'enfant de mes lèvres. Je regrette de ne pas être mort alors. Il aurait mieux valu pour moi mourir dans les sentiments dont mon coeur débordait en ce moment. J'étais plus près du ciel que cela ne m'est jamais arrivé depuis.

      «C'est ton frère, dit ma mère en me caressant, David, mon bon garçon! Mon pauvre enfant!» et elle m'embrassait toujours en me serrant dans ses bras. Elle me tenait encore quand Peggotty entra en courant et se jeta à terre à côté de nous, faisant toute sorte de folies pendant un quart d'heure.

      On ne m'attendait pas sitôt, le conducteur avait devancé l'heure ordinaire. J'appris bientôt que M. et miss Murdstone étaient allés faire une visite dans les environs et qu'ils ne reviendraient que dans la soirée. Je n'avais pas rêvé tant de bonheur. Je n'avais jamais cru possible de retrouver ma mère et Peggotty seules encore une fois; et je me crus un moment revenu au temps jadis.

      Nous dînâmes ensemble au coin du feu. Peggotty voulait nous servir, mais ma mère la fit asseoir et manger avec nous. J'avais ma vieille assiette avec son fond brun représentant un vaisseau de guerre voguant à pleines voiles. Peggotty l'avait cachée depuis mon départ, elle n'aurait pas voulu pour cent livres sterling, dit-elle, qu'elle fût cassée. Je retrouvai aussi ma vieille timbale avec mon nom gravé dessus, et ma petite fourchette, et mon couteau qui ne coupait pas.

      À dîner, je crus l'occasion favorable pour parler de M. Barkis à Peggotty, mais avant la fin de mon récit, elle se mit à rire et se couvrit la figure de son tablier.

      «Peggotty, dit ma mère, de quoi s'agit-il? Peggotty riait encore plus fort, et serrait contre sa figure le tablier que ma mère essayait de tirer; elle avait l'air de s'être mis la tête dans un sac.

      «Que faites-vous donc, folle que vous êtes? dit ma mère en riant.

      – Oh! le drôle d'homme, s'écria Peggotty. Il veut m'épouser.

      – Ce serait un très-bon parti pour vous, n'est-ce pas? dit ma mère.

      – Oh! je n'en sais rien, dit Peggotty. Ne m'en parlez pas. Je ne voudrais pas de lui quand il aurait son pesant d'or. D'ailleurs je ne veux de personne.

      – Alors, pourquoi ne le lui dites-vous pas?

      – Le


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