Le magasin d'antiquités, Tome II. Чарльз Диккенс

Le magasin d'antiquités, Tome II - Чарльз Диккенс


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et cintrée afin de s'y abriter contre la pluie, et, de là, se mirent à examiner la physionomie des passants, pour voir s'ils ne trouveraient pas sur quelque visage un rayon d'encouragement ou d'espérance. Les uns étaient refrognés, les autres souriants; d'autres se parlaient à eux-mêmes; d'autres faisaient des gestes saccadés comme s'ils devançaient la conversation qu'ils allaient bientôt engager; d'autres avaient le regard brillant de l'avidité du gain et de la fièvre des projets; d'autres paraissaient pleins d'anxiété et d'ardeur; d'autres allaient lentement et tristement; dans le maintien de ceux-là était écrit le mot: «Gain;» dans le maintien de ceux-ci le mot: «Perte.» Il suffisait, pour pénétrer le secret de tous ces hommes affairés, de se tenir debout et de s'arrêter à examiner leur visage à mesure qu'ils passaient. Dans les endroits dévolus aux affaires, là où chaque homme a son but, et sait que tous les autres ont aussi le leur, son caractère et ses projets sont écrits ouvertement sur sa figure. Dans les promenades publiques d'une ville, dans les centres d'élégante flânerie, on va pour voir et être vu; et là, sauf très-peu d'exceptions, une expression uniforme se répète sur tous les visages: mais celui des gens qui sont livrés à un travail quotidien est bien plus transparent et laisse bien mieux lire la vérité sur leurs traits.

      Plongée dans cette espèce de rêverie, qu'une pareille solitude est bien propre à éveiller, l'enfant continua de tenir sur la foule qui passait ses yeux fixés avec un intérêt extraordinaire, qui lui faisait oublier un moment sa propre position. Mais en proie au froid, à la faim, trempée par la pluie, épuisée de fatigue, n'ayant pas une place pour y poser sa tête malade, bientôt elle reporta ses pensées vers le but dont elle s'était écartée, mais sans rencontrer personne qui semblât remarquer les deux infortunés ou à qui elle osât faire un appel. Au bout de quelque temps, ils quittèrent leur lieu de refuge et se mêlèrent à la foule.

      Le soir arriva. L'enfant et le vieillard continuèrent d'errer çà et là, moins pressés par les passants, qui étaient devenus plus rares, mais avec le sentiment intérieur de leur solitude extrême, mais au milieu d'une égale indifférence de la part de ceux qui les entouraient. Les lumières des rues et des boutiques vinrent ajouter à leur désespoir; car il leur semblait que ces feux, en s'allumant sur une longue ligne, précipitaient encore la venue de la nuit et des ténèbres. Vaincue par le froid et l'humidité, malade de corps, malade de coeur jusqu'à la mort, l'enfant avait besoin de sa suprême fermeté, de sa suprême résolution même pour avancer de quelques pas.

      Ah! pourquoi étaient-ils venus dans cette ville bruyante, lorsqu'il y avait tant de paisibles campagnes où la faim et la soif eussent été accompagnées pour eux de moins de souffrance que dans cette odieuse cité! Ils n'étaient là qu'un atome dans un immense amas de misère dont la vue venait encore abattre leur espoir et accroître leur terreur.

      Non-seulement l'enfant avait à supporter les peines accumulées d'une position désolante, mais encore il lui fallait essuyer les reproches de son grand-père qui commençait à murmurer, à se plaindre qu'on lui eût fait quitter leur dernier séjour et à demander d'y retourner. Ne possédant pas un penny, sans secours, sans perspective même d'être assistés, ils se mirent à marcher de nouveau à travers les rues désertes et à retourner dans la direction du port, espérant retrouver le bateau qui les avait amenés, pour obtenir la permission de dormir à bord cette nuit. Mais là encore ils subirent un désappointement: car la porte du débarcadère était fermée; et quelques chiens féroces, aboyant à leur approche, les contraignirent à se retirer.

      «Nous dormirons cette nuit en plein air, mon cher grand-papa, dit l'enfant d'une voix faible, au moment où ils s'éloignaient de ce dernier lieu de refuge; et demain nous nous ferons indiquer un endroit tranquille dans la campagne, où nous puissions essayer de gagner notre pain par un humble travail.

      – Pourquoi m'avez-vous amené ici? répliqua le vieillard avec amertume; je ne puis plus supporter ces éternelles rues sans issue. Nous étions bien où nous étions; pourquoi m'avez-vous contraint de partir?

      – Parce que j'y faisais ce rêve dont je vous ai parlé, voilà tout, dit l'enfant avec une fermeté passagère, qui bientôt finit par des larmes; parce que nous devons vivre parmi de pauvres gens, sinon, mon rêve me reviendra. Cher grand-papa, vous êtes âgé, vous êtes faible, je le sais; mais regardez-moi. Jamais je ne me plaindrai si vous ne vous plaignez pas, et cependant j'ai bien souffert aussi pour ma part.

      – Ah! pauvre enfant errante, sans asile, sans mère! s'écria le vieillard joignant les mains et contemplant comme pour la première fois le visage de Nelly, contracté par la souffrance, ses vêtements de voyage tout tachés, ses pieds meurtris et gonflés, voilà donc où l'a conduite l'excès de ma tendresse! Moi qui étais si heureux autrefois! C'est donc pour en arriver là que j'ai perdu mon bonheur et tout ce que je possédais!

      – Si nous étions maintenant dans la campagne, dit l'enfant, reprenant de la force tandis qu'ils marchaient et cherchaient des yeux un abri, nous trouverions quelque bon vieil arbre étendant ses bras ouverts comme un ami, agitant son vert feuillage et frémissant comme pour nous inviter à venir goûter le sommeil sous son toit protecteur d'où il veillerait sur nous. Plût à Dieu que nous y fussions bientôt, demain ou après-demain au plus tard, et en même temps croyons bien, ô cher père, que c'est une bonne chose que nous soyons venus ici: car nous sommes confondus au milieu du mouvement et du bruit de cette ville; et si des méchants nous poursuivaient, sûrement ils auraient perdu nos traces. C'est au moins une consolation. Tenez! voici une vieille porte renfoncée, très-sombre, mais sèche et chaude sans doute, car le vent n'arrive pas jusque-là. Ah! mon Dieu! …

      Poussant un cri étouffé, elle recula devant une figure noire qui sortit tout à coup de l'endroit obscur dans lequel ils étaient prêts à chercher un refuge, et resta là à les regarder.

      «Parlez encore, dit cette ombre; il me semble que je connais votre voix?

      – Non, répondit timidement l'enfant; nous sommes des étrangers, et n'ayant pas de quoi payer notre logement pour la nuit, nous nous disposions à nous arrêter ici.»

      Il y avait à quelque distance un quinquet peu lumineux, le seul qui éclairât l'espèce de cour carrée où ils étaient, mais il suffisait pour en montrer la nudité et l'état misérable. Le fantôme noir indiqua du geste cette lumière, et en même temps il s'en approcha, comme pour témoigner qu'il n'avait pas l'intention de se cacher ni de tendre un piège aux étrangers.

      Ce fantôme était un homme misérablement vêtu, barbouillé de fumée, ce qui le faisait paraître plus pâle qu'il ne l'était peut-être par le contraste qu'elle offrait avec la couleur naturelle de son teint. Sa pâleur habituelle, son extérieur chétif, ressortaient suffisamment de ses joues creuses, de ses traits allongés, de ses yeux caves, non moins que d'un certain air de souffrance patiemment supportée. Sa voix était rude mais sans brutalité; et bien que son visage fut en partie couvert par une quantité de longs cheveux noirs, l'expression n'en était ni féroce ni cruelle.

      «Comment en êtes-vous réduits à venir chercher ici un abri? demanda-t-il. Ou plutôt, ajouta cet homme en examinant plus attentivement l'enfant, comment se fait-il que vous cherchiez un abri à cette heure de nuit?

      – Nos malheurs en sont la cause, répondit le grand-père.

      – Vous ne savez donc pas, reprit l'homme dont le regard, en lui répondant, s'attachait de plus en plus sur Nelly, vous ne savez donc pas comme elle est mouillée! Vous ne savez donc pas que des rues humides ne sont pas un lieu convenable pour elle!

      – Je le sais bien, par Dieu! répliqua le vieillard. Mais que puis-je y faire?»

      L'homme regarda de nouveau Nelly et toucha doucement ses vêtements d'où la pluie coulait en petits ruisseaux.

      «Tout ce que je puis faire pour vous, c'est de vous réchauffer, dit-il après une pause, mais rien de plus. Mon logis est dans cette maison; et il montra le passage voûté d'où il était sorti d'abord; cette enfant y sera bien mieux qu'ici. L'endroit où se trouve le feu n'est pas beau, mais vous pouvez y passer la nuit à votre aise, si du reste vous avez confiance en moi. Voyez-vous là- haut cette lumière rouge?»

      Ils levèrent les yeux et aperçurent une lueur terne


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