Micah Clarke – Tome III. La Bataille de Sedgemoor. Артур Конан Дойл

Micah Clarke – Tome III. La Bataille de Sedgemoor - Артур Конан Дойл


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qu'on livrerait bataille, et cela pour l'excellente raison qu'il était impossible de faire autrement, il montra un caractère plus digne d'un soldat et d'un homme.

      Pendant les premiers jours de juillet, aucun moyen ne fut négligé pour donner du cœur à nos troupes et les raffermir en vue de la prochaine bataille.

      Du matin au soir, nous étions à l'œuvre, apprenant à notre infanterie à se former en masses compactes pour recevoir une charge de cavalerie, à s'appuyer les uns sur les autres, à attendre les ordres de leurs officiers.

      Le soir, les rues de la petite ville, depuis la pelouse du château jusqu'au pont sur la Parret, retentissaient de prières et de sermons.

      Les officiers n'eurent plus de désordres à combattre, car les troupes les répugnaient elles-mêmes.

      Un homme, qui s'était montré dans les rues échauffé par le vin, faillit être pendu par ses camarades, qui finirent par le chasser de la ville comme indigne de combattre dans ce qu'ils regardaient comme une sainte querelle.

      Quant à leur courage, il n'y avait pas lieu de l'exciter, car ils étaient aussi intrépides que des lions, et le seul danger à craindre était une témérité capable de les entraîner à de folles entreprises.

      Ils souhaitaient de fondre sur l'ennemi comme une horde de fanatiques musulmans, et ce n'était pas chose aisée que d'imposer par l'exercice, à des gaillards à tête aussi chaude, le sang-froid et la prudence qu'exige la guerre.

      Le troisième jour de notre halte à Bridgewater, les provisions diminuèrent d'inquiétante façon par suite de ce fait, que nous avions déjà épuisé auparavant cette région, grâce aussi à la vigilance de la cavalerie royale, qui battait le pays et nous coupait les vivres.

      Lord Gray décida donc d'envoyer deux escadrons, à la faveur de la nuit, faire tout ce qu'ils pourraient pour regarnir notre garde-manger.

      Le commandement de cette petite expédition fut confié au Major Hooker, vieux soldat des Gardes du Corps, au langage grossier et bref, qui s'était rendu utile en imposant une sorte d'ordre à ces fortes têtes qu'étaient les fermiers et les yeomen.

      Sir Gervas Jérôme et moi, nous demandâmes à Lord Grey à faire partie de la troupe de fourrageurs.

      Cette faveur nous fut accordée avec empressement, car on ne se remuait guère dans la ville.

      Nous partîmes de Bridgport à onze heures par une nuit sans lune, dans l'intention de reconnaître le pays du côté de Boroughbridge et d'Athelney.

      Nous étions prévenus qu'il n'y avait pas de grandes forces ennemies dans cette région, que c'était un pays fertile et où nous pouvions compter sur des quantités suffisantes de provisions.

      Nous emmenions avec nous quatre charrettes vides, pour emporter ce que notre bonne chance nous ferait trouver.

      Notre commandant décida qu'un escadron marcherait devant les charrettes, et un autre derrière, avec une petite troupe d'avant-garde sous les ordres de Sir Gervas, qui le précéderait de quelques centaines de pas.

      Nous sortîmes de la ville dans cet ordre au moment où résonnaient les derniers coups de clairon et nous suivîmes à grand train les routes sombres et silencieuses, en faisant apparaître aux fenêtres des cottages, qui bordaient les chemins, des figures anxieuses, qui nous regardaient disparaître dans l'obscurité.

      Cette chevauchée se représente très distinctement à mon esprit lorsque j'y pense.

      Le noir contour des saules taillés en têtards passe rapidement devant nous.

      La brise gémit à travers les osiers.

      Les silhouettes vagues et confuses des soldats, le choc sourd des fers sur le sol, le tintement des fourreaux contre les étriers, autant de souvenir de ces temps passés que l'œil et l'oreille peuvent également évoquer.

      Le baronnet et moi nous marchions en tête, côte à côte.

      Ses légers propos où il contait l'existence qu'on mène à la ville, les fragments de chansons ou de tirades empruntés à Cowley ou à Waller, étaient un véritable baume de Galaad pour mon humeur sombre et pas très sociable.

      – On se sent vraiment vivre, en une nuit comme celle-ci, disait-il, pendant que nous aspirions l'air frais de la campagne avec les senteurs des moissons et du lapereau. Par ma foi! Clarke, mais il y a de quoi être jaloux de vous, qui êtes né et avez vécu à la campagne. Quels plaisirs la ville peut-elle offrir qui vaillent les dons généreux de la nature, à la condition toutefois qu'on y trouve à sa portée un perruquier, un marchand de tabac à priser, un parfumeur, et un ou deux tailleurs passables? Joignons-y un bon café, un théâtre, et je crois que je pourrais m'arranger pour mener pendant quelques mois une vie simple, pastorale.

      – À la campagne, dis-je en riant, nous avons toujours la sensation que le séjour des villes a pour effet d'exprimer sous le poids de la science et de la philosophie tout ce qu'il y a de véritable vie dans l'homme.

      – Ventre Saint-Gris, ce que j'y ai acquis de science et de philosophie se réduit à bien peu de chose, répondit-il. À dire vrai, j'ai plus vécu et j'en ai appris davantage en ces quelques semaines que nous avons passées à faire des glissades sous la pluie, en compagnie de vos gars en guenilles, que je n'en appris jamais au temps où j'étais page à la Cour, où j'avais sous mes pieds la boule de la fortune. C'est chose fâcheuse pour l'esprit d'un homme que de n'avoir pas de préoccupation plus grave que la façon de tourner un compliment ou de danser une courante. Pardieu! mon garçon, j'ai de grandes obligations à votre charpentier. Ainsi qu'il le dit dans sa lettre, à moins qu'un homme n'arrive à mettre en œuvre ce qu'il y a de bon en lui, il a moins de valeur qu'une de ces volailles que nous entendons caqueter, car elles, du moins, remplissent leur destination, ne fût ce qu'en pondant des œufs. Diable, voilà que je me fais prêcheur. C'est une religion nouvelle pour moi.

      – Mais, dis-je, quand vous étiez dans l'opulence, vous avez dû vous rendre utile à quelqu'un. Sans cela comment peut-on dépenser tant d'argent et ne s'en trouver pas plus avancé?

      – Ah! cher et bucolique Micah! s'écria-t-il avec un rire joyeux, parlerez-vous toujours de ma pauvre fortune en retenant votre souffle, en baissant la voix avec respect comme s'il s'agissait des trésors de l'Inde? Vous ne sauriez vous imaginer avec quelle facilité un sac d'écus prend des ailes et s'envole. Il est vrai que l'homme qui dépense l'argent ne le mange pas et qu'il se borne à le transmettre à un autre qui en tire parti. Mais notre tort consistait en ce que nous transmettions notre argent à des gens qui ne le méritaient point et qu'ainsi nous faisions vivre une classe inutile et débauchée au détriment des professions honnêtes. Par ma foi, mon garçon, quand je pense aux essaims de parasites mendiants, d'entremetteurs de débauche, de bravaches fendeurs de nez, d'avaleurs de crapauds, de flatteurs que nous avions formés, je sens qu'en couvant une nichée pareille de ces êtres venimeux, notre argent a fait un mal qu'aucune somme d'argent ne saurait défaire, n'ai-je pas vu de ces gens là sur trente rangs de profondeur, à mon petit lever, rampant autour de mon lit…

      – Autour de votre lit! m'écriai-je.

      – Oui, c'était la mode, de recevoir au lit, en chemise de batiste ornée de dentelles et en perruque, bien que par la suite il ait été admis qu'on pouvait recevoir assis dans sa chambre, mais en costume négligé, robe de chambre et pantoufles.

      La mode est un terrible tyran, Clarke, bien que son bras ne s'étende jamais jusqu'à Havant.

      L'homme désœuvré de la ville doit soumettre sa vie à une certaine règle. Aussi devient-il l'esclave de la loi que fait la mode.

      Personne, à Londres, n'y fut plus docile que moi.

      J'étais très réglé dans mes irrégularités, très rangé dans mes désordres.

      Au coup de onze heures, mon valet apportait la coupe d'hypocras du matin, chose excellente pour les maux de tête, et un très léger repas, un filet d'ortolan, une aile de canard.

      Puis venait le lever.

      Vingt, trente, quarante individus de la classe dont j'ai parlé, sans doute il


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