Peines d'amour perdues. Уильям Шекспир

Peines d'amour perdues - Уильям Шекспир


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– Biron ressemble à une gelée jalouse, qui attaque les premiers-nés des enfants du printemps.

      BIRON. – Eh bien! oui; et pourquoi l'été se vanterait-il avant d'entendre le chant des oiseaux? Pourquoi me glorifierais-je de productions prématurées? A Noël, je ne désire pas plus les roses, que je ne désire la neige dans les jours où Mai se montre émaillé de fleurs nouvelles; mais j'aime chaque fruit dans sa saison. Quant à vous, il est trop tard maintenant pour étudier: ce serait monter sur le toit de la maison pour en ouvrir la porte.

      LE ROI. – Eh bien! quittez-nous, retournez chez vous: adieu.

      BIRON. – Non, mon gracieux souverain. J'ai fait serment de rester avec vous, et quoique j'aie défendu l'ignorance et la barbarie, par des arguments plus forts que vous ne pouvez en alléguer en faveur de votre céleste science, je n'en garderai pas moins constamment la parole que j'ai jurée, et je supporterai chaque jour toutes les privations des trois années fixes. Donnez-moi l'écrit, que j'en prenne lecture, et je souscrirai mon nom à ses plus rigoureux décrets.

      LE ROI. – C'est vous rendre à propos, pour vous racheter de la honte qui allait vous couvrir!

      BIRON, lisant. – Item. «Que nulle femme ne s'approchera de ma cour, à distance d'un mille.» – Cet article a-t-il été proclamé?

      LONGUEVILLE. – Il y a quatre jours.

      BIRON. – Voyons sous quelle peine. – (Lisant.) «Sous peine de perdre la langue.» Qui a décerné cette peine?

      LONGUEVILLE. – Hé! c'est moi.

      BIRON. – Eh pour quelle raison, cher seigneur?

      LONGUEVILLE. – Pour les éloigner de cette cour, par la terreur de cette punition.

      BIRON. – Voilà une dangereuse loi contre l'urbanité. (Lisant.) Item. «Si un homme est surpris parlant à une femme dans l'espace de ces trois années, il subira l'ignominie publique que toute la cour jugera à propos d'infliger.» Pour cet article, vous le violerez vous-même, mon souverain; car, vous savez bien qu'ici vient en ambassade la fille du roi de France, pour vous parler à vous-même. – Une jeune princesse pleine de grâce et de majesté! Elle vient traiter avec vous de la cession de l'Aquitaine à son père, vieillard décrépit, infirme, et détenu dans son lit. Ainsi, c'est un article fait en vain, ou c'est en vain que cette illustre princesse vient à votre cour.

      LE ROI. – Qu'en dites-vous, seigneurs? Cela a été tout à fait oublié.

      BIRON. – C'est ainsi que l'étude est toujours en défaut; tandis qu'elle s'occupe de ce qu'elle voudrait acquérir, elle oublie de faire ce qui est nécessaire; et lorsqu'elle atteint l'objet qu'elle poursuit avec le plus d'ardeur, c'est une conquête qui ressemble à celle d'une ville incendiée: aussitôt gagnée, aussitôt perdue.

      LE ROI. – Nous sommes contraints de violer ce décret; mais c'est la nécessité qui nous force à souffrir ici le séjour de la princesse.

      BIRON. – La nécessité nous rendra tous mille fois parjures dans l'espace de ces trois années, car chaque homme naît avec ses penchants, qui ne sont jamais domptés par la violence, mais toujours par une grâce spéciale. – Si je viole ma foi, mon apologie sera cette excuse: je ne me suis parjuré que par la force de la nécessité; aussi je souscris mon nom sans réserve à ces lois, et je consens que celui qui les enfreindra dans la moindre partie en soit puni par une honte éternelle: les tentations sont pour les autres comme pour moi; mais je crois, malgré la répugnance que je montre, que je serai encore le dernier à violer mon serment. – Mais n'y a-t-il aucune récréation qui soit permise?

      LE ROI. – Oui, il y en a: notre cour, vous le savez, est fréquentée par un illustre voyageur d'Espagne. Cet homme possède toutes les belles manières du monde: sa tête est une mine de phrases. Un homme dont l'oreille est flattée du son de ses vaines paroles, comme de l'harmonie la plus ravissante; homme, au surplus, d'une politesse accomplie, et que le juste et l'injuste semblent avoir choisi pour être l'arbitre de leurs disputes. Cet enfant de l'imagination, ce sublime Armado, dans les intervalles de nos études, nous racontera, en termes pompeux, les prouesses de maints chevaliers de l'Espagne basanée, qui ont péri dans les querelles du siècle. – A quel point il vous amuse, messieurs, c'est ce que j'ignore; mais pour moi, je proteste que j'aime beaucoup à l'entendre mentir, et je le ferai entrer dans la troupe de mes ménétriers.

      BIRON. – Armado! c'est un des plus illustres mortels: un homme à mots nouvellement raffinés, le vrai chevalier de la mode!

      LONGUEVILLE. – Ce bouffon de Costard et lui feront notre divertissement. Ainsi donc, à l'étude, trois ans sont vite passés.

(Entrent Dull et Costard tenant une lettre.)

      DULL1. – Quelle est la personne du duc?

      BIRON. – Le voici, l'ami; que veux-tu?

      DULL. – Je représente moi-même sa personne, car je suis un officier de police; mais je voudrais voir sa personne propre en chair et en os.

      BIRON. – Voilà le duc.

      DULL. – Le seigneur Arme… Arme… vous salue: il y a de vilaines choses sur le tapis; cette lettre vous en dira davantage.

      COSTARD. – Monsieur, le contenu2 de cette lettre me touche aussi, moi.

      LE ROI, prenant la lettre. – Une lettre du magnifique Armado!

      BIRON. – Quelque mince qu'en soit le sujet, j'espère, par la grâce de Dieu, de sublimes paroles.

      LONGUEVILLE. – Beaucoup d'espérances pour peu de choses! Dieu veuille nous donner la patience.

      BIRON. – D'écouter ou de nous abstenir d'écouter.

      LONGUEVILLE. – D'écouter patiemment, monsieur; et de rire modérément; ou de nous abstenir de l'un et de l'autre.

      BIRON. – Allons, monsieur, ce sera comme le style de la lettre nous montera l'humeur à la gaieté.

      COSTARD. – La matière, monsieur, me regarde, comme concernant Jacquelinette. La forme en est que j'ai été pris sur le fait.

      BIRON. – Sur quel fait?

      COSTARD. – Dans le fait et dans la forme3 qui suivent, monsieur, trois choses à la fois: j'ai été vu avec elle dans la maison de la ferme, assis avec elle, et surpris à la suivre dans le parc; lesquelles choses, mises ensemble, sont dans le fait et la manière suivantes. – A présent, monsieur, quant à la manière… c'est la manière dont un homme parle à une femme, pour la forme… en quelque forme.

      BIRON. – Et la suite, l'ami?

      COSTARD. – La suite sera comme sera la correction qu'on me donnera, et Dieu veuille protéger la bonne cause!

      LE ROI. – Voulez-vous écouter la lettre avec attention?

      BIRON. – Comme nous écouterions un oracle.

      COSTARD. – Telle est la simplicité de l'homme, d'écouter les penchants de la chair.

      LE ROI, lit. – «Grand lieutenant, illustre vice-roi du firmament, et seul dominateur de la Navarre, Dieu terrestre de mon âme, et patron nourricier de mon corps.

      COSTARD. – Il n'y a pas encore là un mot de Costard.

      LE ROI, lisant. – «Il est de fait…

      COSTARD. – Cela peut être ainsi; mais s'il dit que cela est ainsi, il n'est, lui, à dire vrai, qu'ainsi4

      LE ROI. – Paix5!

      COSTARD. – Soit à moi et à tout homme qui n'ose pas se battre!

      LE ROI. – Pas le mot.

      COSTARD. – Pas le mot des secrets des autres, je vous en prie.

      LE ROI, continuant de lire. – «Il est de fait qu'affligé d'une mélancolie de


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<p>1</p>

Dull; ce mot veut dire insipide, ennuyé.

<p>2</p>

Jeu de mots intraduisible sur contents, contenu, et contempt, mépris.

<p>3</p>

Manner et form. Jeux de mots qui n'existent que dans l'anglais.

<p>4</p>

Le genre d'esprit de Costard est principalement de tirer des propositions précédentes des conséquences contradictoires et absurdes.

<p>5</p>

Paix, absence de bruit, ou absence de guerre. Costard s'attache au dernier sens.