La vie de Rossini, tome II. Stendhal

La vie de Rossini, tome II - Stendhal


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de Paris, ils trouvèrent enfin un château fort agréable, au milieu d'une jolie terre, non loin de Mon… Nos jeunes gens achètent la terre, et font arranger le château dans le goût le plus moderne et avec toute l'élégance possible. Quand toutes les réparations furent achevées, les parquets cirés, les pendules montées, l'un des fournisseurs dit à son ami: Jouissons huit jours de notre château avant de le donner au ministre, le résultat de cette idée lumineuse fut la présence de vingt jolies femmes et de leurs amis, de grands dîners tous les jours, des bals tous les soirs. Enfin le terme fatal arrive; l'un des amis prend tristement les clefs du château et va les présenter au citoyen ministre. «Le château sera humide.» Telles sont les seules paroles du ministre en recevant le cadeau. – «Impossible citoyen ministre, nous avons pris la précaution de l'habiter huit jours avant de vous l'offrir.» Et avec quelles gens l'avez-vous habité? – «Ma foi, avec des hôtes fort aimables, avec nos amis ordinaires.» – «C'est-à-dire, reprend le ministre en fronçant le sourcil, que vous avez osé introduire des femmes suspectes dans mon château; je vous trouve, je l'avoue, d'une rare impertinence. Allez, citoyen, et à l'avenir sachez garder plus de respect pour un ministre.» A ces mots, le fournisseur s'éclipse et le citoyen ministre demande ses chevaux pour aller à sa terre.

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1 «Fût-elle cachée dans le sein de Jupiter.» On voit que la mythologie est la providence des mauvais poëtes, en Italie comme en France.

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Nous avons réduit nos meilleurs acteurs comiques Samson et Monrose, à n'être que des gens qui nous répètent un bon conte que nous savons. Notre sourcilleuse pruderie ne veut rien d'imprévu. Le seul Potier a peut-être le privilège de nous faire rire sans conséquence. C'est que nous pouvons mépriser son genre à notre aise.

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Je m'attends bien que, si les littérateurs français lisent cette page, ils vont s'écrier en colère: Mais nous rions beaucoup! Il n'y a même que le Français en Europe qui sache rire!

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le prince de Darmstadt rappelle les beaux jours de l'empereur Charles VI, qui passait pour le premier contre-pointiste de ses États. Ce prince, ami des arts, ne manque pas une répétition de son Opéra, et bat la mesure dans sa loge; il a donné son ordre à tous les musiciens de son orchestre, qui est excellent.

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L'un des cent opéras de Joseph Mosca.

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En septembre 1823, Velluti chante à Livourne l'opéra de Morlacchi, intitulé Tebaldo e Isolina, où se trouve la célèbre romance.

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Cette stagione commence le 10 avril; la stagione du carnaval, le 26 décembre, seconde fête de Noël; et celle de l'automne, le 15 août.

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Voir les dissertations imprimées à Berlin sur cette ouverture en 1819.

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Ce commencement du premier acte a le caractère des Poésies de Crabbe, quelquefois l'énergie des Ballades de Burns.

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C'est le même principe que pour les tableaux du Corrège et les marbres antiques. Il y a une description du beau qui convient à tous les arts, depuis un duetto bouffe jusqu'à l'architecture de l'intérieur d'une prison. Des pilastres grecs dans une prison consolent.

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Si l'on supprime une mesure de la première phrase que chante Ninette, on sent qu'il manque quelque chose; ce qui n'a guère lieu chez Rossini que dans les mouvements de valse, du moins dans les opéras de sa seconde manière.

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Opéra célèbre en France il y a vingt ans; c'est le sujet si beau d'une fille-mère, abandonnée par son amant. Comparez l'air de Rossini avec la Famille suisse de Weigell, chef-d'œuvre de simplicité allemande qui parut trop simple au public de Milan en 1819.

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Je vois les juifs de Pologne comme les voleurs d'un autre genre de Fondi, au royaume de Naples; la faute, l'unique faute est aux gouvernements dont l'imprévoyance crée de tels êtres. Les juifs français, depuis Napoléon, sont comme les autres citoyens, seulement un peu plus avares.

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Malheureux! s'écrie le capitaine, et il se jette sur moi l'épée à la main.

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Magis sine vitiis quam cum virtutibus. Un talent calculé pour les Parisiens de 1810, c'était celui de madame Barilli. Le public de Louvois a fait depuis des progrès immenses, ce qui ne veut point dire que l'excellente Barilli n'eût encore aujourd'hui un fort beau succès. Quatre ou cinq cents personnes de Paris ont fait l'éducation de leur oreille, et sont d'aussi bons juges que les dix mille spectateurs qui fréquentent les théâtres de San-Carlo ou de la Scala.

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Plus pompeux que touchant. Le style de Paul Véronèse ou de Buffon. Ce style est le sublime des cœurs froids. Il fait beaucoup d'effet en province.

L'harmonie du commencement de ce duetto rappelle l'introduction du Barbier. On adresse le même reproche à quelques parties du finale du premier acte. Il y a des ressemblances entre l'air Mi manca la voce de Mosè et le quintetto

Un Padre, una figlia.

On dit que le morceau qui suit la condamnation de Ninetto rappelle un chœur de la Vestale: Détachez ces bandeaux.

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Il ne fallait pas faire un soldat français si tremblant en paroles. L'auteur du Libretto n'a pas songé à la vanité du pays où il place la scène de son ouvrage; il a peint un malheureux avec vérité. Voilà la grossièreté que les connaisseurs français reprochent aux personnages du Guerchin.

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«Nous voici seuls: amour seconde ma flamme et mes vœux. Belle Ninette, si vous n'êtes pas barbare, daignez m'accorder une place dans votre cœur.»

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Voir les admirables Mémoires de mistress Hutchinson, et les procès de Sidney et de tant d'autres. Voir certains détails de procès criminels dans Voltaire. Voir…

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Il Podestà – Ora è mia, son contento,

Ah! sei giunto, felice momento,

Lo spavento piegar la farà.

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Si l'on attaque les bases de mon raisonnement, je pourrai publier quelques anecdotes dont je me borne maintenant à donner la morale; et tout cela se passait sous le ministère modéré de M. le cardinal Consalvi. Voir Laorens: Tableau de Rome; Simond, Gorani.

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Le caractère du podestat a été peint avec esprit et énergie par Duclos, dans le roman de la Baronne de Luz. Le juge libertin de Duclos s'appelle Thuring; celui de la Gazza ladra doit être joué avec une teinte de bouffonnerie chargée, qu'aucun chanteur italien n'ose hasarder devant un public sévère et hautain, qui n'entend pas la plaisanterie. Il faut faire ressortir la qualité de goguenard.

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Le plaisir dramatique ne se voit plus que chez le peuple, à la Porte-Saint-Martin, à la Gaieté, etc.

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Exemple frappant du défaut de Rossini dans sa seconde manière; il écrit un air avec les agréments que son chanteur exécute avec facilité.

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Artifice fréquent chez Rossini, et au moyen duquel l'accompagnement, quoique fort surchargé, ne couvre pas la voix. Mozart n'a pas su éviter cet inconvénient en mille endroits, et, par exemple, dans l'air: Batti, batti, o bel Mazetto de Don Juan.

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Les gens communs sont accessibles à cette passion. Voir les phrases de Bossuet. En 1520 pour un homme qui goûtait Raphaël, il y en avait cent à qui Michel-Ange faisait peur. Canova n'eût joui d'aucun succès en 1520.

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«Faites tomber ma tête, je suis votre prisonnier; mais ne vous couvrez pas du sang d'une pauvre jeune fille qui ne sait pas même se défendre.»

Paroles fort belles, sans doute; mais il fallait dire: C'est moi qui ai donné un couvert à vendre à


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