L'Assommoir. Emile Zola
Le ménage, malgré la charge des deux enfants, plaçait des vingt francs et des trente francs chaque mois à la Caisse d'épargne. Quand leurs économies atteignirent la somme de six cents francs, la jeune femme ne dormît plus, obsédée d'un rêve d'ambition: elle voulait s'établir, louer une petite boutique, prendre à son tour des ouvrières. Elle avait tout calculé. Au bout de vingt ans, si le travail marchait, ils pouvaient avoir une rente, qu'ils iraient manger quelque part, à la campagne. Pourtant, elle n'osait se risquer. Elle disait chercher une boutique, pour se donner le temps de la réflexion. L'argent ne craignait rien à la Caisse d'épargne; au contraire, il faisait des petits. En trois années, elle avait contenté une seule de ses envies, elle s'était acheté une pendule; encore cette pendule, une pendule de palissandre, à colonnes torses, à balancier de cuivre doré, devait-elle être payée en un an, par à-comptes de vingt sous tous les lundis. Elle se fâchait, lorsque Coupeau parlait de la monter; elle seule enlevait le globe, essuyait les colonnes avec religion, comme si le marbre de sa commode se fût transformé en chapelle. Sous le globe, derrière la pendule, elle cachait le livret de la Caisse d'épargne. Et souvent, quand elle rêvait à sa boutique, elle s'oubliait là, devant le cadran, à regarder fixement tourner les aiguilles, ayant l'air d'attendre quelque minute particulière et solennelle pour se décider.
Les Coupeau sortaient presque tous les dimanches avec les Goujet. C'étaient des parties gentilles, une friture à Saint-Ouen ou un lapin à Vincennes, mangés sans épate, sous le bosquet d'un traiteur. Les hommes buvaient à leur soif, revenaient sains comme l'oeil, en donnant le bras aux dames. Le soir, avant de se coucher, les deux ménages comptaient, partageaient la dépense par moitié; et jamais un sou en plus ou en moins ne soulevait une discussion. Les Lorilleux étaient jaloux des Goujet. Ça leur paraissait drôle, tout de même, de voir Cadet-Cassis et la Ban-ban aller sans cesse avec des étrangers, quand ils avaient une famille. Ah bien! oui! ils s'en souciaient comme d'une guigne, de leur famille! Depuis qu'ils avaient quatre sous de côté, ils faisaient joliment leur tête. Madame Lorilleux, très vexée de voir son frère lui échapper, recommençait à vomir des injures contre Gervaise. Madame Lerat, au contraire, prenait parti pour la jeune femme, la défendait en racontant des contes extraordinaires, des tentatives de séduction, le soir, sur le boulevard, dont elle la montrait sortant en héroïne de drame, flanquant une paire de claques à ses lâches agresseurs. Quant à maman Coupeau, elle tâchait de raccommoder tout le monde, de se faire bien venir de tous ses enfants: sa vue baissait de plus en plus, elle n'avait plus qu'un ménage, elle était contente de trouver cent sous chez les uns et chez les autres.
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