Aventures de Monsieur Pickwick, Vol. I. Чарльз Диккенс

Aventures de Monsieur Pickwick, Vol. I - Чарльз Диккенс


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Avec quelle justesse cette réflexion s'applique à notre existence! Que ne donnerais-je pas pour revoir les jours de mon enfance, ou pour les oublier à jamais!

      – Vous avez eu beaucoup de chagrins? demanda M. Pickwick avec compassion.

      – Oui certes, répliqua l'homme lugubre d'une voix saccadée; plus qu'on ne pourrait le croire en me voyant aujourd'hui. Il s'arrêta une minute et reprit brusquement: Avez-vous jamais pensé, par une matinée comme celle-ci, que ce serait une chose douce et délicieuse de se noyer?

      – Non! que Dieu me protège! s'écria M. Pickwick, en se reculant un peu, dans la crainte que l'étranger n'eût envie de le pousser par-dessus le parapet pour faire une expérience.

      – Moi, je l'ai souvent pensé, poursuivit l'homme lugubre sans avoir l'air de remarquer ce mouvement: cette eau froide et tranquille semble m'inviter, en murmurant, à y chercher le repos et l'oubli. On saute… pouf!.. on se débat un instant… l'onde s'élève par-dessus votre tête… le tourbillon s'efface… l'eau redevient claire… et vos douleurs sont à jamais terminées!»

      L'œil caverneux de l'homme lugubre lançait des flammes tandis qu'il parlait ainsi. Mais cette excitation momentanée s'apaisa bientôt; il se détourna d'un air calme, et dit:

      «En voilà assez sur ce sujet: je voulais vous parler d'autre chose. Vous m'avez invité hier soir à vous lire une anecdote, et vous l'avez écoutée attentivement…

      – Oui certainement, dit M. Pickwick, et je pensais…

      – Je ne vous ai pas demandé votre opinion, interrompit l'homme lugubre, et je n'en ai pas besoin. Vous voyagez pour vous amuser et pour vous instruire; supposez que je vous adresse un manuscrit curieux… Faites attention; – non pas improbable ni extraordinaire, mais curieux comme une page du roman de la vie réelle; – le communiqueriez-vous au club dont vous m'avez parlé si souvent?

      – Certainement, si vous le désirez; et nous le ferons insérer dans les mémoires du club.

      – Vous l'aurez donc, répliqua l'homme lugubre. Votre adresse?»

      M. Pickwick lui ayant communiqué son itinéraire probable, l'homme lugubre le nota soigneusement dans un portefeuille assez gros, ramena le savant gentleman à son hôtel, et refusant le déjeuner qu'il lui offrait, s'éloigna d'un pas lent et sombre.

      Les trois compagnons de M. Pickwick l'attendaient pour attaquer le déjeuner qui était déjà disposé sur la table d'une façon fort séduisante. Ils s'assirent avec lui, et le jambon grillé, les œufs, le café, le thé et le reste, commencèrent à disparaître avec une rapidité qui témoignait, à la fois, en faveur de la bonne chère et de l'appétit des voyageurs.

      «Maintenant, dit M. Pickwick, il s'agit de savoir comment nous irons à Manoir-ferme.

      – Nous ferions peut-être bien de consulter le garçon, suggéra M. Tupman; et ce judicieux conseil ayant été accueilli comme il le méritait, le garçon fut appelé et consulté.

      – Dingley-Dell, monsieur? Quinze milles, monsieur; chemin de traverse, mauvaise route… Une chaise de poste, monsieur?

      – Une chaise de poste ne tient que deux, répondit M. Pickwick.

      – C'est vrai, monsieur, cependant je vous demande pardon, monsieur: nous avons une très-jolie chaise à quatre roues: deux places au fond, un siége pour le gentleman qui conduit… Oh! je vous demande pardon, monsieur, elle ne peut tenir que trois.

      – Comment donc ferons-nous? dit M. Snodgrass.

      – Peut-être qu'un de ces messieurs aimerait à faire la route à cheval, dit le garçon en regardant M. Winkle. Nous avons de très-bons chevaux de selle, monsieur. Les gens de M. Wardle, en venant à Rochester, pourraient les ramener, monsieur.

      – Voilà notre affaire, s'écria M. Pickwick, Winkle, voulez-vous faire la route à cheval?»

      M. Winkle éprouvait, dans les plus secrets replis de son cœur, des doutes accablants sur sa science équestre; mais, comme il n'aurait voulu les laisser soupçonner à aucun prix, il répondit sur-le-champ avec une noble hardiesse: «Certainement, j'en serai charmé!» Il s'était précipité lui-même au-devant de sa destinée: il n'y avait plus à reculer.

      «Amenez-les à onze heures, dit alors M. Pickwick au garçon.

      – Très-bien, monsieur,» répliqua celui-ci, et il sortit.

      Le déjeuner achevé, les voyageurs montèrent dans leurs chambres pour préparer les effets qu'ils voulaient emporter avec eux.

      M. Pickwick avait terminé ses arrangements préliminaires, et regardait dans la rue par-dessus les stores du café, lorsque le garçon entra, et annonça que la chaise était prête, ce qui fut confirmé par l'apparition de ladite chaise derrière les susdits stores.

      C'était une petite boîte verte, posée sur quatre roues; sur le devant s'élevait une espèce de perchoir pour le cocher; sur le derrière se trouvait un banc rétréci, pour deux patients. Cette curieuse machine était mise en mouvement par un immense cheval brun, sur lequel on pouvait étudier l'ostéologie avec beaucoup de facilité. Un valet d'écurie tenait par la bride, pour M. Winkle, un autre cheval immense, apparemment parent très-proche de l'animal du cabriolet.

      «Dieu nous protège! dit M. Pickwick, tandis qu'on mettait leurs paquets dans la voiture; Dieu nous protège! Qui est-ce qui va conduire? Je n'y avais point songé.

      – Vous naturellement, repartit M. Tupman.

      – Naturellement, ajouta M. Snodgrass.

      – Moi! s'écria M. Pickwick.

      – Il n'y a pas le plus petit danger, monsieur, insinua le valet d'écurie. Je vous le garantis pour la douceur: un enfant au maillot le conduirait.

      – Il n'est pas ombrageux, hein?

      – Ombrageux? il ne broncherait pas quand il verrait passer une charretée de singes, avec la queue en feu.»

      Cette dernière recommandation était convaincante. M. Tupman et M. Snodgrass furent précieusement enfermés dans la caisse. M. Pickwick monta sur son perchoir, et appuya ses pieds sur une planche revêtue d'un tapis de toile cirée qu'il supposa être destinée à cet usage.

      «Maintenant, brillant William, dit le valet d'écurie à son adjoint; donne les rubans au gentleman.»

      Brillant William, ainsi dénommé sans doute à cause de ses cheveux gras et de sa figure huileuse, plaça les guides dans la main gauche de M. Pickwick, tandis que son supérieur insinuait le fouet dans la main droite du philosophe.

      «Tout beau! cria M. Pickwick, car le grand quadrupède témoignait une inclination décidée à reculer dans la fenêtre du café.

      – Tout beau! répétèrent MM. Tupman et Snodgrass, de leur caisse.

      – Il s'amuse un peu, messieurs, voilà tout, dit le premier garçon d'écurie d'un ton encourageant. Tenez-le un instant, William.»

      Le substitut restreignit l'impétuosité de l'animal, et l'écuyer en chef courut aider M. Winkle à monter en selle.

      «De l'autre côté, monsieur, s'il vous plaît.

      – J'veux et' pendu, si le gentleman n'allait pas monter à l'envers!» dit un postillon grimaçant, au garçon de l'hôtel, qui paraissait goûter une satisfaction indicible.

      M. Winkle ayant reçu cet avis se hissa sur sa selle, avec autant de difficultés, à peu près, qu'il en aurait éprouvé pour monter sur un vaisseau de guerre.

      «Tout va-t-il bien? demanda M. Pickwick, tourmenté par un sentiment intuitif que tout allait mal.

      – Tout va bien, répondit faiblement M. Winkle.

      – En route! cria le valet d'écurie. Tenez-le bien, monsieur.»

      Et parmi les éclats de rire de tous les assistants, la voiture et le cheval de selle décampèrent, M. Pickwick sur le siége de l'un, et M. Winkle sur le dos de l'autre.

      «Pourquoi


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