Les contemplations. Aujourd'hui, 1843-1856. Виктор Мари Гюго

Les contemplations. Aujourd'hui, 1843-1856 - Виктор Мари Гюго


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qu'un enfant qui meurt, désespoir de sa mère,

      Ne vous fait rien, à vous!

      Je sais que le fruit tombe au vent qui le secoue;

      Que l'oiseau perd sa plume et la fleur son parfum;

      Que la création est une grande roue

      Qui ne peut se mouvoir sans écraser quelqu'un;

      Les mois, les jours, les flots des mers, les yeux qui pleurent,

      Passent sous le ciel bleu;

      Il faut que l'herbe pousse et que les enfants meurent;

      Je le sais, ô mon Dieu!

      Dans vos cieux, au delà de la sphère des nues,

      Au fond de cet azur immobile et dormant,

      Peut-être faites-vous des choses inconnues

      Où la douleur de l'homme entre comme élément.

      Peut-être est-il utile à vos desseins sans nombre

      Que des êtres charmants

      S'en aillent, emportés par le tourbillon sombre

      Des noirs événements.

      Nos destins ténébreux vont sous des lois immenses

      Que rien ne déconcerte et que rien n'attendrit.

      Vous ne pouvez avoir de subites démences

      Qui dérangent le monde, ô Dieu, tranquille esprit!

      Je vous supplie, ô Dieu! de regarder mon âme,

      Et de considérer

      Qu'humble comme un enfant et doux comme une femme

      Je viens vous adorer!

      Considérez encor que j'avais, dès l'aurore,

      Travaillé, combattu, pensé, marché, lutté,

      Expliquant la nature à l'homme qui l'ignore,

      Éclairant toute chose avec votre clarté;

      Que j'avais, affrontant la haine et la colère,

      Fait ma tâche ici-bas,

      Que je ne pouvais pas m'attendre à ce salaire,

      Que je ne pouvais pas

      Prévoir que, vous aussi, sur ma tête qui ploie,

      Vous appesantiriez votre bras triomphant,

      Et que, vous qui voyiez comme j'ai peu de joie,

      Vous me reprendriez si vite mon enfant!

      Qu'une âme ainsi frappée à se plaindre est sujette,

      Que j'ai pu blasphémer,

      Et vous jeter mes cris comme un enfant qui jette

      Une pierre à la mer!

      Considérez qu'on doute, ô mon Dieu! quand on souffre,

      Que l'oeil qui pleure trop finit par s'aveugler.

      Qu'un être que son deuil plonge au plus noir du gouffre,

      Quand il ne vous voit plus, ne peut vous contempler,

      Et qu'il ne se peut pas que l'homme, lorsqu'il sombre

      Dans les afflictions,

      Ait présente à l'esprit la sérénité sombre

      Des constellations!

      Aujourd'hui, moi qui fus faible comme une mère,

      Je me courbe à vos pieds devant vos cieux ouverts.

      Je me sens éclairé dans ma douleur amère

      Par un meilleur regard jeté sur l'univers.

      Seigneur, je reconnais que l'homme est en délire,

      S'il ose murmurer;

      Je cesse d'accuser, je cesse de maudire,

      Mais laissez-moi pleurer!

      Hélas! laissez les pleurs couler de ma paupière,

      Puisque vous avez fait les hommes pour cela!

      Laissez-moi me pencher sur cette froide pierre

      Et dire à mon enfant: Sens-tu que je suis là?

      Laissez-moi lui parler, incliné sur ses restes,

      Le soir, quand tout se tait,

      Comme si, dans sa nuit rouvrant ses yeux célestes,

      Cet ange m'écoutait!

      Hélas! vers le passé tournant un oeil d'envie,

      Sans que rien ici-bas puisse m'en consoler,

      Je regarde toujours ce moment de ma vie

      Où je l'ai vue ouvrir son aile et s'envoler!

      Je verrai cet instant jusqu'à ce que je meure,

      L'instant, pleurs superflus!

      Où je criai: L'enfant que j'avais tout à l'heure,

      Quoi donc! je ne l'ai plus!

      Ne vous irritez pas que je sois de la sorte,

      O mon Dieu! cette plaie a si longtemps saigné!

      L'angoisse dans mon âme est toujours la plus forte,

      Et mon coeur est soumis, mais n'est pas résigné.

      Ne vous irritez pas! fronts que le deuil réclame,

      Mortels sujets aux pleurs,

      Il nous est malaisé de retirer notre âme

      De ces grandes douleurs.

      Voyez-vous, nos enfants nous sont bien nécessaires,

      Seigneur; quand on a vu dans sa vie, un matin,

      Au milieu des ennuis, des peines, des misères,

      Et de l'ombre que fait sur nous notre destin,

      Apparaître un enfant, tête chère et sacrée,

      Petit être joyeux,

      Si beau, qu'on a cru voir s'ouvrir à son entrée

      Une porte des cieux;

      Quand on a vu, seize ans, de cet autre soi-même

      Croître la grâce aimable et la douce raison,

      Lorsqu'on a reconnu que cet enfant qu'on aime

      Fait le jour dans notre âme et dans notre maison,

      Que c'est la seule joie ici-bas qui persiste

      De tout ce qu'on rêva,

      Considérez que c'est une chose bien triste

      De le voir qui s'en va!

Villequier, 4 septembre 1847.

      XVI

      MORS

      Je vis cette faucheuse. Elle était dans son champ.

      Elle allait à grands pas moissonnant et fauchant,

      Noir squelette laissant passer le crépuscule.

      Dans l'ombre où l'on dirait que tout tremble et recule,

      L'homme suivait des yeux les lueurs de la faulx.

      Et les triomphateurs sous les arcs triomphaux

      Tombaient; elle changeait en désert Babylone,

      Le trône en l'échafaud et l'échafaud en trône,

      Les roses en fumier, les enfants en oiseaux,

      L'or en cendre, et les yeux des mères en ruisseaux.

      Et les femmes criaient: – Rends-nous ce petit être.

      Pour


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