Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 7 - (P). Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc

Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 7 - (P) - Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc


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certaine quantité de l'eau qui coule dans sa concavité. La pierre a, séchée par l'air, tend à son tour à demander au chéneau une partie de l'eau qui l'a pénétré; cette eau agira dans le sens des flèches, c'est-à-dire qu'étant plus abondante, moins rapidement séchée au coeur de la pierre a qu'à sa surface, elle dissoudra les sels intérieurs qui viendront se cristalliser sur les parements et les feront lever d'abord en fine poussière, puis par écailles. Mais si entre ce chéneau B et la pierre sous-posée nous interposons un corps imperméable C, cette pierre sous-posée sera, comme dans le cas précédent, lavée à l'extérieur par la pluie ou humectée par les brouillards plus abondamment que son coeur, et les sels ne pourront se cristalliser à sa surface. La pierre de Saint-Leu, le banc royal de Saint-Maximin, qui se conservent pendant des siècles à l'air libre ou en parements parfaitement préservés de toute humidité intérieure, tombent en poussière, posés sous des chéneaux ou des tablettes de corniche de pierre dure qui reçoivent l'eau de pluie et en absorbent une partie. Bien que dans ce cas la pierre dure reste intacte, la pierre au-dessous est rapidement décomposée par les sels qui la traversent et viennent se cristalliser à sa surface; souvent même la croûte de ces pierres est restée ferme, que la décomposition est fort avancée à un millimètre au-dessous.

      Soit, par exemple (fig. 3), une tablette de pierre dure A posée sur une corniche B de pierre de Saint-Leu, on verra bientôt la croûte de cette pierre se lever comme des copeaux D, en démasquant l'altération profonde de la sous-surface. Cette croûte même dont se revêtent certaines pierres contribue à hâter le travail de décomposition produit par les sels, en protégeant la sous-surface contre le contact de l'air. Les pores n'étant plus aussi ouverts sur la pellicule externe de la pierre qu'à 1 ou 2 millimètres de profondeur, les sels se cristallisent sous cette pellicule qu'ils ne peuvent traverser, et produisent des ravages dont on ne s'aperçoit que quand la croûte tombe. Les profils employés pendant la période du moyen âge pour les corniches et bandeaux avaient l'avantage de ne point conserver l'humidité et de la renvoyer au contraire rapidement. Aussi les pierres qui recouvrent ces saillies sont-elles réellement protégées, et ne présentent pas les altérations que l'on observe sous les tablettes des corniches de la renaissance ou de l'époque moderne. Les constructeurs du moyen âge avaient si bien observé ces phénomènes de décomposition des pierres, qu'ils ont souvent isolé les chéneaux, soit en les portant sur des corbeaux ou sur des arcs, soit en laissant sous leur lit un espace vide ou bien rempli d'une matière imperméable, telle qu'un mastic à l'huile ou à la résine. Ils n'avaient pas moins observé les effets que certaines pierres juxtaposées produisent les unes sur les autres. Ainsi les grès, ayant la propriété de contenir une grande quantité d'eau, absorbent rapidement celle du sol et de l'atmosphère. Lorsqu'au-dessus de ces assises de grès on pose des pierres qui se salpêtrent assez facilement, on voit bientôt la décomposition se produire près de leur lit touchant au grès, et cette décomposition ne s'arrête plus, elle monte chaque année. Ces mêmes pierres, posées sur des assises d'une roche calcaire n'absorbant pas une aussi grande quantité d'eau que le grès, ne se seraient peut-être jamais décomposées. Aussi, quand les constructeurs du moyen âge ont posé des assises de grès en soubassement surmontées d'assises calcaires, ils ont eu le soin de choisir celles-ci parmi les qualités compactes n'étant pas sensibles à l'action du salpêtre, ou bien ils ont interposé entre le grès et le calcaire un lit d'ardoises (schiste). Cette méthode a été très-fréquemment employée pendant les XIVe et XVe siècles.

      Toutes les pierres calcaires, au sortir de la carrière, contiennent une quantité d'eau considérable; sitôt exposées à l'air, une grande partie de cette eau tend à s'évaporer, et arrive successivement du coeur à la surface. En faisant ce trajet, cette eau entraîne avec elle une certaine quantité de carbonate de chaux en dissolution qui se cristallise sur le parement, et forme une croûte ferme, résistante, qui non-seulement préserve la pierre des agents extérieurs, mais lui donne une patine, une couverte que rien ne peut remplacer. Les constructeurs du moyen âge ayant eu pour habitude de tailler définitivement la pierre sur le chantier avant le montage et la pose, il en résultait que cette patine se formait sur les moulures et sur les sculptures comme sur les parements, et que l'édifice construit était uniformément recouvert de cette croûte produite par ce qu'on appelle l'eau de carrière. C'était un double avantage: parements résistant mieux aux agents atmosphériques, et belle couleur uniforme et chaude que donne cette patine naturelle. L'usage moderne de monter les édifices épannelés seulement et de faire les ravalements très-longtemps souvent après que la pose a été achevée, d'enlever sur ces matériaux mis en oeuvre 1 ou 2 centimètres d'épaisseur et quelquefois plus, a pour conséquence de détruire à tout jamais cette croûte préservatrice, puisqu'elle ne se forme sur les parements qu'autant que la pierre est fraîchement extraite de la carrière. Cet usage moderne est particulièrement funeste à la conservation des pierres tendres, telles que le banc royal de l'Oise, les vergetés, les calcaires de Saintonge, de Caen, les calcaires alpins de Beaucaire, les calcaires tendres de Bourgogne, les pierres de Molènes, de Mailly-la-Ville, de Courson, de Tonnerre; les craies. Mais que dire de cet autre usage de gratter à vif des parements anciens? On leur enlève ainsi l'élément conservateur qui les a préservés pendant plusieurs siècles; on tue la pierre, pour nous servir d'une expression du métier. Aussi, après cette opération barbare, voit-on souvent des matériaux qui ne présentaient aucun signe d'altération, se décomposer rapidement à la surface, s'efflorer, puis se creuser, sans que la maladie qui les atteint puisse être arrêtée 111. Les pierres tendres ne sont pas, d'ailleurs, les seules qui se recouvrent d'une patine résistante naturelle, étant fraîchement taillées. Des pierres dures, comme les liais, les cliquarts, présentent les mêmes phénomènes, et nous avons vu des liais en oeuvre depuis cinq et six cents ans qui avaient pris à la surface une couverte à peine attaquable avec le ciseau, tandis qu'à un demi-centimètre de profondeur le calcaire se rayait avec l'ongle. Les pierres dites froides, comme celles des carrières de Château-Landon, par exemple, sont les seules qui ne perdent rien à être taillées longtemps après leur extraction. Quant aux grès, tout le monde sait qu'ils ne peuvent être taillés que fraîchement sortis de la carrière. Certains grès rouges des Vosges sont inattaquables à l'outil au bout de plusieurs années, bien qu'au sortir du sol ils soient maniables.

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      1

       Récit des temps mérovingiens, par Augustin Thierry, récit 1er.

      2

       Charlemagne avait aussi des palais dans des villes, celui d'Aix entre autres, qui passait pour très beau.

      3

       Hist. du duché de Valois, par le P. Carlier, prieur d'Andrezy, 1764, t. 1, liv. II, p. 169.

      4

       Mallobergium,


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<p>111</p>

Dans ce cas, la silicatisation bien faite est le seul moyen à employer pour rendre à la pierre cette couverte âpre et résistante qui en assure la durée. La silicatisation devrait toujours être employée lorsqu'on a eu l'idée malheureuse de gratter les parements des monuments, et même lorsque les ravalements sont faits après que la pierre a jeté son eau de carrière.