Alcools. Guillaume Apollinaire

Alcools - Guillaume Apollinaire


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patrie le sage Ulysse

      Son vieux chien de lui se souvint

      Près d'un tapis de haute lisse

      Sa femme attendait qu'il revînt

      L'époux royal de Sacontale

      Las de vaincre se réjouit

      Quand il la retrouva plus pâle

      D'attente et d'amour yeux pâlis

      Caressant sa gazelle mâle

      J'ai pensé à ces rois heureux

      Lorsque le faux amour et celle

      Dont je suis encore amoureux

      Heurtant leurs ombres infidèles

      Me rendirent si malheureux

      Regrets sur quoi l'enfer se fonde

      Qu'un ciel d'oubli s'ouvre à mes voeux

      Pour son baiser les rois du monde

      Seraient morts les pauvres fameux

      Pour elle eussent vendu leur ombre

      J'ai hiverné dans mon passé

      Revienne le soleil de Pâques

      Pour chauffer un coeur plus glacé

      Que les quarante de Sébaste

      Moins que ma vie martyrisés

      Mon beau navire ô ma mémoire

      Avons-nous assez navigué

      Dans une onde mauvaise à boire

      Avons-nous assez divagué

      De la belle aube au triste soir

      Adieu faux amour confondu

      Avec la femme qui s'éloigne

      Avec celle que j'ai perdue

      L'année dernière en Allemagne

      Et que je ne reverrai plus

      Voie lactée ô soeur lumineuse

      Des blancs ruisseaux de Chanaan

      Et des corps blancs des amoureuses

      Nageurs morts suivrons-nous d'ahan

      Ton cours vers d'autres nébuleuses

      Je me souviens d'une autre année

      C'était l'aube d'un jour d'avril

      J'ai chanté ma joie bien-aimée

      Chanté l'amour à voix virile

      Au moment d'amour de l'année

Aubade chantée à Laetare l'an passé

      C'est le printemps viens-t'en Pâquette

      Te promener au bois joli

      Les poules dans la cour caquètent

      L'aube au ciel fait de roses plis

      L'amour chemine à ta conquête

      Mars et Vénus sont revenus

      Ils s'embrassent à bouches folles

      Devant des sites ingénus

      Où sous les roses qui feuillolent

      De beaux dieux roses dansent nus

      Viens ma tendresse est la régente

      De la floraison qui paraît

      La nature est belle et touchante

      Pan sifflote dans la forêt

      Les grenouilles humides chantent

Beaucoup de ces dieux…

      Beaucoup de ces dieux ont péri

      C'est sur eux que pleurent les saules

      Le grand Pan l'amour Jésus-Christ

      Sont bien morts et les chats miaulent

      Dans la cour je pleure à Paris

      Moi qui sais des lais pour les reines

      Les complaintes de mes années

      Des hymnes d'esclave aux murènes

      La romance du mal aimé

      Et des chansons pour les sirènes

      L'amour est mort j'en suis tremblant

      J'adore de belles idoles

      Les souvenirs lui ressemblant

      Comme la femme de Mausole

      Je reste fidèle et dolent

      Je suis fidèle comme un dogue

      Au maître le lierre au tronc

      Et les Cosaques Zaporogues

      Ivrognes pieux et larrons

      Aux steppes et au décalogue

      Portez comme un joug le Croissant

      Qu'interrogent les astrologues

      Je suis le Sultan tout-puissant

      O mes Cosaques Zaporogues

      Votre Seigneur éblouissant

      Devenez mes sujets fidèles

      Leur avait écrit le Sultan

      Ils rirent à cette nouvelle

      Et répondirent à l'instant

      A la lueur d'une chandelle

Réponse des Cosaques Zaporogues au Sultan de Constantinople

      Plus criminel que Barrabas

      Cornu comme les mauvais anges

      Quel Belzébuth es-tu là-bas

      Nourri d'immondice et de fange

      Nous n'irons pas à tes sabbats

      Poisson pourri de Salonique

      Long collier des sommeils affreux

      D'yeux arrachés à coup de pique

      Ta mère fit un pet foireux

      Et tu naquis de sa colique

      Bourreau de Podolie Amant

      Des plaies des ulcères des croûtes

      Groin de cochon cul de jument

      Tes richesses garde-les toutes

      Pour payer tes médicaments

Voie lactée {1}

      Voie lactée ô soeur lumineuse

      Des blancs ruisseaux de Chanaan

      Et des corps blancs des amoureuses

      Nageurs morts suivrons nous d'ahan

      Ton cours vers d'autres nébuleuses

      Regret des yeux de la putain

      Et belle comme une panthère

      Amour vos baisers florentins

      Avaient une saveur amère

      Qui a rebuté nos destins

      Ses regards laissaient une traîne

      D'étoiles dans les soirs tremblants

      Dans ses yeux nageaient les sirènes

      Et nos baisers mordus sanglants

      Faisaient pleurer nos fées marraines

      Mais en vérité je l'attends

      Avec mon coeur avec mon âme

      Et sur le pont des Reviens-t'en

      Si jamais reviens cette femme

      Je lui dirai Je suis content

      Mon coeur et ma tête se vident

      Tout le ciel s'écoule par eux

      O


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