Caravane. Stephen Goldin
qu'il devait avoir la peau foncée. Un fusil automatique et une mitraillette étaient posées à côté de lui.
« Bienvenue dans notre caravane, M. Smith. Entrez. » Alors que Peter entrait, l'autre l'examina à travers la faible lumière. « Ou devrais-je dire, M. Stone ? C'est un honneur inattendu. »
Peter grimaça. Il n'aimait pas être reconnu, trop de gens nourrissaient des sentiments négatifs à son égard. Toutefois, il monta dans le véhicule et s'installa sur le siège passager.
« Laissez-moi voir votre bras », poursuivit l'homme. « Kudjo m'a dit que vous avez été blessé. » Il examina doucement la blessure. « Eh bien, ça ne m'a pas l'air très grave, mais nous voulons éviter les mauvaises surprises. Nous ferions donc mieux de nous en occuper. Kudjo, tu peux aller voir si Sarah est libre ? Et tant que tu y es, vérifie où en est le dîner. »
« Compris, Boss », Kudjo sourit avant de remonter la file de voitures pour exécuter les ordres.
« Kudjo est un homme bien. Vous avez eu de la chance de tomber sur lui. Avant, il était un infiltré de la brigade des stups de la police de St. Louis. On ne pouvait pas trouver meilleur que lui. Quant à moi, mon père était Juif et ma mère Indienne. Je préfère utiliser mon nom Indien, Honon. Cela signifie « ours ». Et ce sera tout à mon sujet pour le moment. Des questions ? »
« Oui. C'est quoi, tout ça ? »
« Ceci, » Honon écarta les bras pour désigner les véhicules derrière le sien, « est une caravane, menée par Kudjo et moi. Nous allons d'ici à là-bas. »
« Je sais où on est ici, mais « là-bas », c'est où ? »
« C'est une longue histoire et je commencerai dans une minute. Nous sommes partis de San Francisco cette fois et nous avançons vers la côte californienne. Vous avez de la chance d'être tombé sur nous. Nous venions de la route 101 et nous serions passés à côté de cette zone si un séisme n'avait pas détruit la route au sud de Ventura. Nous avons dû rebrousser chemin jusqu'à la route 138 avant de traverser Santa Paula jusqu'à l'autoroute 5, où nous nous trouvons en ce moment. Nous allons probablement camper ici, cette nuit, et nous repartirons demain. »
A cet instant, une femme passa sa tête par la porte ouverte. Elle semblait avoir la quarantaine, avait les cheveux gris-blonds et un visage plutôt rond. « On m'a dit que quelqu'un avait besoin de soins. » dit-elle à Honon.
« Oui. Peter, voici le Dr Sarah Finkelstein. Elle prend soin de nous durant ce voyage. Sarah, voici le tristement célèbre Peter Stone. »
Peter soupira lors de la présentation. Le médecin le regarda de haut en bas. « Bien, bien, bien. L'homme qui avait raison. Cela vous console d'une quelconque façon ? »
« Pas du tout. »
« Je suppose que non. Eh bien, voyons ça. » Elle examina sa blessure. « Votre vaccin contre le tétanos est à jour ? » demanda-t-elle.
« Je n'en ai pas fait depuis des années. »
« C'était une question idiote, je sais, mais les vieilles habitudes ont la tête dure. Je ne vous en ferai pas non plus, je suis à court de vaccin. Mais ça ne m'a pas l'air trop grave. Je vais nettoyer et bander votre blessure. Vous survivrez. Prochaine question, et ça va vous sembler un peu personne, mais c'est nécessaire. Avez-vous une quelconque maladie vénérienne ? »
Peter fut surpris par cette franchise, mais il répondit que non. « Bien », déclara-t-elle. « Nous devons garder un groupe sain. » Sans plus d'explications, elle s'occupa de son bras en silence, de façon efficace, puis elle laissa Peter et Honon seuls.
« Avant de commencer mon histoire », dit Honon « Vous devez connaître certains faits. Vous connaissez sûrement les avancées en matière de cryogénisation et d'animation suspendue. »
Peter hocha la tête. « J'en ai parlé dans mon livre. »
« Oui, c'est vrai. Excusez-moi, j'avais oublié. Cela fait un moment que je ne l'ai pas relu. Si je me souviens bien, vous n'en faisiez aucunement l'éloge. »
« C'était un effort gâché, une tentative futile d'atteindre l'immortalité. Quel avantage pourrait-il y avoir à congeler quelqu'un pour le réveiller cinquante ans plus tard, alors que tout portait à croire que le monde aurait du mal à subvenir aux besoins des quelques personnes restantes ? Les gens du passé seraient totalement désarmés dans un nouveau monde régi par la famine, la sécheresse, la guerre et la maladie. L'argent et les connaissances utilisés pour ces recherches auraient pu être utilisées ailleurs. »
« Peut-être », déclara Honon, « mais il y aurait pu y avoir certaines choses que même vous n'aviez pas prévues. »
« Comme quoi ? »
« Pas si vite. Avez-vous déjà entendu parler d'un astre appelé Epsilon Eridani ? »
« Je crains ne jamais avoir été doué en astronomie. »
« Moi non plus. Mais heureusement, quelques personnes s'y sont intéressées. Quelques années auparavant, avant la disparition totale du programme spatial, ils ont effectué une expérience de parallaxe satellite – ne me demandez pas de vous expliquer, je ne pourrai pas – et ils ont découvert qu'Epsilon Eridani possédait tout un tas d'autres planètes, comme notre soleil. C'était une découverte intéressante, mais il y avait des problèmes plus urgents et on n'y prêta que peu d'attention.
« Presque au même moment, un homme écrivait un livre. Ce fut un grand livre, un livre puissant qui fit peur à beaucoup de gens. Il parlait de la fin de la civilisation et du retour du barbarisme à cause de la surpopulation, de la pénurie des matières premières et de l'effondrement des forces connectées. La plupart des gens se sont énervés car ils avaient peur de faire face à - »
« Et c'est à moi que vous le dites, » marmonna Peter.
« - mais quelques personnes se sont mises à réfléchir. Les affirmations de l'auteur étaient indiscutables, mais ces gens ne voulaient pas assister à la fin de la civilisation. Alors, ils ont commencé à réfléchir à des alternatives. »
« Je l'ai fait aussi et on m'a détesté pour ça. Mes suggestions étaient radicales, mais je faisais face à une situation de crise. Mes plans n'auraient peut-être pas fonctionné, mais ça n'aurait pas pu être pire que ce que nous traversons maintenant. »
Honon haussa les épaules. « A qui le dites-vous. Quoiqu'il en soit, ces personnes ont senti la haine envers vous et ont décidé de travailler en secret. Elles ont informé certaines personnes très influentes, certaines très riches.
« Ça aide toujours. »
« Du coup, ils ont construit un vaisseau spatial - »
Peter en eut le souffle coupé. « Hé, une minute. Je crois que j'ai raté un épisode. C'est quoi cette histoire de vaisseau spatial ? »
« Réfléchissez. Utilisez votre perspicacité. S'il n'y a plus de ressources sur Terre, la civilisation aurait de meilleures chances ailleurs. Où peut-on aller ? Aucune autre planète de notre système solaire est capable d'accueillir une colonie sans technologie pour la maintenir en vie. Cela nous laisse les étoiles, notamment Epsilon Eridani. »
Peter s'apprêta à dire quelque chose lorsqu'une petite fille frappa à la porte du véhicule. Elle avait les cheveux foncés et ne devait pas avoir plus de huit ou neuf ans. « Monsieur Honon, » dit-elle, « J'apporte le dîner pour vous et l'autre monsieur. »
« Merci, Mary. » Honon passa le bras à travers sa vitre et attrapa deux bols.
« Attention, » dit-il à Peter en lui tendant l'un des bols. « C'est chaud. » La petite fille retourna d'où elle était venue.
Le liquide contenu dans les bols s’apparentait à un mélange de soupe et de ragoût. Il y avait des pommes de terre, des petits pois, des haricots, des carottes, des pousses de soja et même de petits morceaux de poulet. C’était presque un vrai buffet, compte tenu des circonstances.