Sang Souillé. Amy Blankenship
d'émotion tandis qu'il contemplait la belle jeune femme. Elle avait provoqué quelque chose en lui lorsqu'il l'avait rencontrée la première fois, mais cela avait été si bref qu'à présent, il se demandait si cela n'avait pas été qu'une simple illusion. Son regard fut attiré par la terre de cimetière qui salissait encore son corps et son visage.
Carley entra en panique lorsque l'Indien entreprit de déshabiller Tiara.
« Arrêtez ! hurla-t-elle en se glissant entre eux, mais Faucon-de-Nuit tendit un bras qui la traversa. Merde, où sont les héros quand on en a besoin ? » s'impatienta-t-elle.
Carley se rebiffa et fit pleuvoir des coups en rafale sur l'Indien pour tenter de détourner son attention de Tiara et la diriger vers elle. Elle cessa toute tentative quand il lui apparut que c'était inutile.
Elle devait retourner au QG de l'EEP et renseigner Jason et Guy sur la localisation de Tiara, mais elle ne pouvait se décider à partir avant d'être sûre que son amie serait encore vivante lorsqu'ils reviendraient la sauver.
Faucon-de-Nuit se redressa et retira ses propres atours jusque sur son tissu déchiré avant de soulever de nouveau la jeune femme dans ses bras. Une fois dans la salle de bain, il entra dans la grande baignoire à remous et s'agenouilla, attendant manifestement que la cuve se remplisse d'eau chaude pour pouvoir débarrasser le corps de Tiara de l'odeur de son amant. Il n'aimait pas non plus l'odeur du maître Arach qui imprégnait encore sa peau.
Sous l'effet de la détente, Faucon-de-Nuit laissa son esprit vagabonder tandis que le niveau d'eau chaude montait. Il méprisait les nécromanciens parce qu'ils l'avaient transformé en ce qu'il était aujourd'hui⦠il devait même se concentrer sur ce sentiment avant d'en sentir le léger tiraillement. Cette nécromancienne était différente des autres... elle ne voulait pas avoir le contrôle sur les âmes ... elle voulait les délivrer.
En baissant les yeux sur la jeune femme allongée dans ses bras, il n'eut pas à se demander pourquoi ce corps ne lui faisait aucun effet. Son âme était encore piégée dans la tombe et avec elle⦠l'essentiel de ses émotions. Il nâéprouvait aucun besoin d'être aimé ou haï⦠et encore moins de désirer qui que ce soit. Après avoir trouvé le shampoing sur une étagère dâangle, Faucon-de-Nuit savonna avec douceur ses longs cheveux argentés, faisant glisser comme de la soie les mèches entre ses doigts. Ne voyant aucune raison de se hâter, il prit le temps de la laver. Cela faisait longtemps quâil nâavait pas touché quelquâun sans être animé d'une intention malveillante.
Lorsquâil fut satisfait de l'odeur qu'elle dégageait, il rinça ses cheveux et sa peau avant de vider la baignoire. Passant quelques serviettes autour de son corps et de ses cheveux, il recula dans la chambre pour lâallonger sur le lit. Il avait fait ce quâil avait pu pour elle. Puisque lâeau ne lâavait pas réveillée, il savait quâelle était en cet instant plongée dans un profond sommeil et quâelle ne se réveillerait peut-être pas avant un certain temps. Sans la protection adéquate, cette guerre causerait sa perte.
Après avoir enlevé la serviette de ses cheveux, Faucon-de-Nuit souleva délicatement le haut de son corps et passa ses doigts sur la blessure située à lâarrière de sa tête. Il lâavait sentie en lui lavant les cheveux. Au cours de sa première vie, il avait été une sorte de guérisseur⦠un chaman⦠alors il savait que cette blessure ne menaçait pas la vie de la jeune magicienne.
Il laissa son esprit la pénétrer profondément, avec le désir de savoir si elle avait une autre raison de vouloir rester endormie⦠une autre raison dâabandonner ce monde pendant un petit moment. Il nâavait jamais rompu le lien quâelle avait établi avec lui dans ce cimetière plus modeste, et cela lui permettait de retourner cette connexion mentale vers elle. Par le passé, lorsquâun nécromancien avait souhaité se connecter à lui de cette manière, cela lui avait plutôt laissé l'effet d'une prise dâétranglement. Sa connexion avec la jeune femme lui avait semblé celle entre deux mains qui se rejoignaient.
Même dans son sommeil, il pouvait sentir son désir charnel incandescent⦠cette facette chez la nécromancienne n'était pas l'héritage du sang de Craven. Elle le gardait enfoui tout au fond dâelle⦠y enterrant son appel. Cet appétit charnel offrait la capacité dâaccélérer ses aptitudes de guérison naturelles. Câétait la seule chose quâil ne pouvait pas faire pour elle⦠lâénergie dont elle avait besoin émanait de lââme, et pour lâinstant⦠il nâen avait pas. Quâelle dormît pour le moment était une bonne chose, même si cela impliquait une guérison plus lente.
Faucon-de-Nuit caressa sa joue satinée du dos de sa main, là où Nile lâavait frappée et y avait laissé un hématome foncé. Craven avait dit que la caresse dâun amant pouvait la guérir. Fallait-il avoir une âme pour aimer ? Il le supposait, puisquâil nâavait éprouvé aucune émotion depuis sa véritable mort des décennies plus tôt. Très fréquemment, il lui fallait se concentrer très intensément pour ne serait-ce que ressentir la moindre parcelle dâémotion, par-delà son âpre insensibilité.
Lâabaissant doucement sur lâoreiller, Faucon-de-Nuit se redressa de toute sa taille et regarda par-dessus son épaule lââme qui le hantait depuis son retour à la maison.
« Tu lui appartiens⦠nâest-ce-pas ?
Carley fit un bond de surprise : elle n'avait pas réalisé que lâIndien avait décelé sa présence dès le début. Elle posa sur lui un regard méfiant. Il lâavait tout simplement ignorée pendant quâelle hurlait et fulminait contre lui... quel enfoiré. Son expression sâadoucit⦠elle avait cessé de crier après cela, en proie à une confusion grandissante en l'observant s'occuper de Tiara avec tant de délicatesse.
Cessant de flotter auprès de Tiara, elle se baissa lentement pour paraître sâasseoir sur le bord du matelas. Il nây avait aucune raison de se cacher de lui⦠ce nâétait pas comme sâil pouvait la blesser, quand bien même lâenvie lui en prendrait⦠ce dont elle doutait.
â On pourrait présumer que je lui appartiens⦠mais ce nâest pas le cas, répondit Carley avec honnêteté alors quâelle tendait une main pour toucher les longs cheveux propres de Tiara, et imaginait leur texture comme si elle était encore vivante pour la sentir.
Elle nâétait pas morte depuis assez longtemps pour avoir oublié la sensation du toucher.
â Alors pourquoi lâas-tu suivie ? demanda-t-il.
Carley leva les yeux et le menton d'un air de défi.
â Câest mon amie⦠je veux savoir si elle va bien.
Faucon-de-Nuit acquiesça, respectant cette réponse.
â Et la magie de Craven ne te touche pas, même si tu te trouves entre ses murs ?
Cela semblait être une question importante pour lâIndien, alors Carley secoua la tête et baissa les yeux sur son amie.
â Grâce à Tiara, la nécromancie ne peut plus mâaffecter ou me contrôler. Je lâaime pour cela, alors par pitié, ne lui faites pas de mal.
Faucon-de-Nuit sentit son cÅur se gonfler dâespoir. Cette émotion sâenvola aussitôt mais suffit à lui donner l'envie dâen éprouver davantage. Câest tout ce quâil avait jamais désiré⦠ne plus jamais être invoqué par un démon.