Entretiens Du Siècle Court. Marco Lupis

Entretiens Du Siècle Court - Marco Lupis


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la possibilité d’une décision “humanitaire”. Et, bien sûr, il est mécontent que tout cela ait été confié au ministre Jack Straw...

      

      

       Celui-là même qui était venu au Chili en 1966 et qui, dit-on, alla prendre un thé chez Salvador Allende ?

       Exactement, et ça, nous le savions depuis longtemps. Il suffit de voir que quand on a arrêté mon père à Londres, Straw a déclaré que le rêve de sa vie se réalisait.

      

      

       Quoi qu’il en soit, on est maintenant passé d’un plan juridique à un plan humanitaire…

       Tout cela n’a jamais été qu’une affaire politique ! Parler d’une procédure judiciaire revenait à se voiler les yeux, parce qu’il n’y avait pas à débattre de torture, à Londres, mais uniquement d’immunité présidentielle et de souveraineté territoriale.

      

      

       De nombreux commentateurs ont observé qu’il s’agit quoi qu’il en soit d’un arrêt historique, qui constitue un précédent juridique d’importance remarquable. Vous êtes d’accord ?

       Évidemment, vu que c’est la première fois qu’on traite une telle situation. Vous devez prendre en considération le fait que des conventions internationales existent depuis des années, mais qu’il n’existait aucune procédure judiciaire, et aucune cour de justice qui puisse juger et éventuellement punir les crimes contre les droits de l’homme. Et c’est mon père qui sert de cobaye !

      

      

       Quel est l’état de santé du général ?

       Il ne faut pas oublier qu’il a quatre-vingt-trois ans, et qu’il vient tout juste de subir une intervention très délicate. Il se reprend tout doucement, mais le diabète ne lui laisse pas de répit, et il doit se soumettre tous les jours à des contrôles et des soins médicaux.

      

      

       Avez-vous des craintes pour sa santé, dans le cas où il serait extradé ?

       Oui, parce que l’extradition pourrait faire gravement empirer son état. Et j’ai surtout des craintes pour la santé de ma mère. Elle n’a pas eu la force de supporter les épisodes les plus dramatiques de cette affaire. Par exemple, quand elle a suivi l’arrêt des Lords à la télévision, elle a eu un malaise, et les médecins ont dû lui faire plusieurs piqûres pour atténuer les sautes de tension auxquelles elle est sujette…

      

      

       La justice anglaise vous a déçue ?

       Non, parce que je ne crois pas que cette affaire soit une affaire liée aux Anglais en général. C’est plutôt le fruit de l’action de ceux qui sont actuellement au gouvernement en Grande-Bretagne. Des gens de gauche, comme on sait…

      

      

       Croyez-vous qu’il y ait en Angleterre aussi des personnes acquises à votre cause ?

       Beaucoup d’Anglais sont comme nous. Je m’en suis rendue compte quand j’y suis allée, récemment. Beaucoup de gens m’ont approchée pour me témoigner leur solidarité. Et leur contrariété, surtout, de ce que l’affaire dans laquelle mon père est impliqué a aussi un prix pour eux, citoyens anglais, et coûte beaucoup d’argent public.

      

      

       L’ancien président Frei a-t-il agi avec suffisamment d’énergie, de votre point de vue ?

       J’aurais préféré une action plus énergique. Mais il en a tout de même fait suffisamment, je le lui reconnais, et je l’apprécie. J’aurais bien sûr voulu le voir agir pour imposer à la communauté internationale le respect que notre pays mérite. Il n’est pas acceptable qu’un ancien chef d’État, sénateur de la République et ex-commandant en chef des Armées soit détenu à l’étranger.

      

      

       Si votre père rentrait, comment voudriez-vous fêter l’événement ?

       En famille. La plus grande fête, ce sera son retour dans sa patrie.

      

      

       Après son retour, retournera-t-il tout de suite au Sénat, ou, comme l’affirment certains, se retirera-t-il quelques temps, pour que les choses se calment, dans une de ses résidences, à Bucalemu, El Melocoton ou Iquique ?

       Écoutez, moi, je ne comprends vraiment pas pourquoi cette affaire agite tant les esprits, ici au Chili. Ce que mon père souhaite le moins, c’est bien être source de problèmes. Et de divisions et de déchirures dans la société chilienne. La seule chose qu’il souhaite, en revanche, c’est que le Chili puisse enfin entamer une pacification et une réconciliation nationale définitives, en avançant ainsi sur le difficile chemin du développement économique. C’est pour cette raison qu’il pourrait décider de ne pas retourner tout de suite au Sénat, s’il le pense utile.

      

      

       En a-t-il parlé avec vous ?

       Non, c’est une conviction personnelle. Mais ce qu’il m’a répété, c’est qu’il souhaite très vivement rentrer, sans être source de problèmes, toutefois. Mon père veut représenter un élément d’union, pas de division.

      

      

       Croyez-vous que votre père soit disposé à se soumettre à la justice chilienne ?

       Je suis absolument convaincue qu’il est prêt à répondre à toutes les questions que la justice chilienne pourrait lui poser. Cela ne veut pas dire qu’il se sent coupable. Il ne se sent pas coupable, et il sait qu’il ne l’est pas. Mais, je le répète, il respecte la justice chilienne, il l’a toujours respectée.

      

      

       Êtes-vous d’accord avec votre frère Marco Antonio, qui a déclaré que des abus ont été commis quand votre père gouvernait ?

       Mon frère et moi utilisons parfois des mots différents, mais j’ai toujours soutenu que, en certaines circonstances, des abus ont été commis. Mais il ne faut pas oublier que dans cette période si difficile de l’histoire tourmentée du Chili, une véritable guerre était en cours, une lutte souterraine entre deux factions. C’est pour cela qu’il y a eu des abus des deux côtés.

      

      

       Pensez-vous que votre père doive demander pardon ?

       Mon père ne


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