Les Mystères de l’Inconscient, cachés sur l’île de Noureev. Marianna Lanskaya
on sait jamais…
Paul longeait les murs de son collège. Les arbres étaient déjà en plein feuillage, d’un vert vif et brillant, sans aucune tache de poussière qui apparaît au milieu de l’été.
Il n’y avait personne sur le boulevard. D’habitude cet endroit est plein de monde, mais, apparemment, ils étaient tous déjà partis en vacances. Les portes étaient fermées, Paul se retourna pour repartir à la maison. Mais il n’était pas pressé de quitter cet endroit qui le rattachait à sa vie «normale», il voulait encore planer dans cette certitude.
– Salut, mec! Paul se retourna, mais il ne vit personne autour de lui. Le boulevard était complètement vide.
– Hein! Ça va? Paul regarda toutes les fenêtres du collège. Elles étaient toutes fermées. Pourtant, la voix venait du haut.
– Ne te casse pas la tête! Tu ne nous verras pas! Ha ha ha! dit la voix, un peu plus basse.
– Nous sommes là, au-dessus de ta tête! Tu veux boire quelque chose? demanda la voix plus aiguë.
Paul continuait à tourner la tête.
– Tiens! dans les mains de Paul tomba une boîte métallique, la même qu’il avait ramassée la veille. Elle était de couleur mauve, mais dès qu’il la toucha, elle devint toute rose.
– Vas-y, goûte! Ça va te plaire! Yodji aime ces boissons de gosses, il en a amené une tonne, toute la soucoupe est remplie de ces boîtes! Ha ha ha!
– Arrête de te moquer de moi! La voix plus fine était vexée. Paul ouvrit la boîte et goûta la boisson rafraîchissante. Il se sentit plein d’énergie, d’un seul coup.
– Alors, ça va? T’as vu, c’est bon! Yodji l’a amené exprès, pour plaire aux terriens, ha ha ha!
– C’est comme ça que tu concevais le premier contact avec les terriens? La voix plus aiguë était légèrement énervée. Paul reçut une deuxième boîte dans ses mains.
– Tu vois, je vise bien! Comment t’appelles-tu, hein?
– Paul, et toi?
– Moi, je suis Yomma, et lui, c’est Yodji. Il est encore jeune, il ne comprend rien dans la vie! Il faut être simple! Non? Tu as aimé ma petite blague, hier, dans le couloir?
– Comment t’as fait? répondit Paul, comme si l’on parlait d’échanges de cartes Yho Gui Yo.
– C’est facile! On le fait souvent, c’était une téléportation holographique. Une image, une sorte de télé! Et toi, tu as pensé aux fantômes, extraterrestres… Ha ha ha! Les nouvelles technologies! Voilà, ce que c’est! T’as vu? Oh, regarde, quelle caisse d’enfer! Waouh!
Une voiture de sport passa en vitesse sur le boulevard.
– J’aurais bien voulu une comme ça! J’en ai marre d’être coincé ici, dans cette soucoupe! Eh, Paul, qu’est-ce que tu fais là?
– Je fais mes adieux à toutes les choses auxquelles je tiens.
– Oh! Pourquoi ce ton si pathétique? La vie est belle! Fais gaffe avec Caroline, elle veut t’embrouiller! Elle n’est pas mal, hein, ha ha ha!
– Vous connaissez mes projets?
– On connaît tout!
– Vous savez où je veux aller ce soir?
– Bien sûr! Tu vas partir avec ton héros préféré et le vieux professeur à la recherche des Connaissances, cachées sur les îles de Noureev! N’est-ce pas? Mais fais, quand même, gaffe avec Caroline, même si elle a des beaux nichons, je ne l’aime pas du tout! Salut, Paul, bon voyage, une troisième boisson pour la route? Du haut tomba une troisième boîte métallique de couleur ciel et les voix disparurent.
Paul prit la troisième boîte et la mit dans sa poche avec les deux premières. Il avait décidé de ne pas réfléchir à propos de cet incident dans la rue, car il ne trouvait aucune, vraiment aucune, explication à cela. La boisson faisait de l’effet, et il marchait dans la direction de sa maison avec plein d’énergie et savourait l’approche du moment du grand voyage. La vie normale restait derrière lui, et pourquoi pas! Il avait franchi ce pas et il ne voulait plus revenir en arrière. Il fallait encore apprendre les instructions de Caroline, à laquelle «il devait faire gaffe». Il ne s’inquiétait pas pour autant, mais décida de se souvenir des conseils de Yomma. Il le trouvait sympathique. «Pauvre Yodji, il doit supporter toutes ses moqueries toute la journée!», pensait Paul sans trop se soucier de qui ils étaient et qu’est-ce qu’ils faisaient là-haut. Il se préparait à son grand départ.
Bill se réveilla quand les aiguilles montraient quatre heures de l’après-midi. Sa tête était plus claire que ce matin, le brouillard se dissipait lentement, et les sensations lui revenaient. Il se souvint de Christine en premier, il se souvint que, avant de se saouler, il voulait l’appeler, lui parler, mais après… le vide total! Il regarda les fleurs et une aiguille lui pinça le cœur.
«Elle, existe-t-elle vraiment? Ou c’est mon imagination, bien malade? Je travaille trop ces derniers temps… Ah, oui, je me souviens maintenant: on m’a envoyé en vacances pour que je retrouve mes esprits! Voilà! J’ai les traces! Parfait! Et pourquoi je suis venu en France? Pour un rendez-vous! Avec qui? Qui sait! Excellente situation!» Il relut la lettre: «Il est déjà quatre heures, j’ai deux heures pour faire ma valise et me rendre à la tour Eiffel!» Il regarda par la fenêtre, située au dernier étage de l’immeuble: «Voilà où je dois aller! J’irai à pied, ce n’est pas très loin, comme ça je visite un peu cette ville, dommage qu’on doit la quitter aujourd’hui, je n’ai rien vu ici.»
Il jeta son dernier regard sur la suite, l’arrêta sur les fleurs, puis il prit les fleurs, complètement fanées, et les mit dans le sac, avant de le fermer, et franchit la porte.
Dans les couloirs il faisait frais, les bougies électriques, dans les bras dorés, ne chauffaient pas l’atmosphère. Un léger courant d’air lui soufflait dans le dos. Le couloir était vide et, en quelque sorte, c’était le dernier refuge avant son bain de foule qui l’attendait dans la rue. Encore ici, il nageait dans le brouillard du matin, livré à ses sensations, il pouvait réfléchir, sentir, s’en souvenir.
Au premier instant de son apparition dans le hall de l’hôtel, la réalité lui éclata au visage: vingt personnes s’étaient précipitées vers lui en lui tendant les bouts de papier, des journaux, des magazines de la mode et des enveloppes déchirées. Il se mit mécaniquement à faire ses signatures sur tous les supports, qui ne diminuaient pas, mais au contraire, poussaient autour en une progression arithmétique.
Il essayait d’avancer vers la sortie, mais les mains des gens l’attrapaient, le retenant en place. Il fit un effort et réussit à se séparer de la foule. Il se mit à marcher très vite en enfilant en même temps des lunettes de soleil et une casquette. Les gens continuaient à se retourner lorsqu’il passait devant eux, mais il regardait vers l’autre coté pour pouvoir avancer vite. Dans le jardin des Tuileries la situation se calma un peu, la plupart des gens bronzaient sur leurs chaises et ne regardaient pas les passants. Il put ralentir et admirer le paysage.
Christine décida de rentrer de la gare à pied, et le fait, qu’elle devait traverser la moitié de la ville, ne la gênait pas, puisque la journée était belle, remplie de la douceur et du soleil. Traînant sa petite valise derrière elle, Christine contemplait les tulipes en pleine fleuraison, les cerisiers, les pommiers et écoutait les oiseaux.
Toute la vie autour d’elle se réveillait après un très long hiver, pluvieux et triste.
Elle s’arrêta devant un bassin d’eau, en regardant les petits bateaux sillonner à la surface, à l’aide de petits moteurs. Elle décida de s’asseoir, avant de traverser la Seine. Elle ferma les yeux et écouta le bruit du jardin, de la rue à côté, les voix des enfants.
– Oh! Ce n’est pas vrai! Bill! Bill Games en personne! Les enfants, venez, venez!!! Excusez-nous,