Редактору «Journal de St. Pelersbourg», 7/19 августа 1854 г.. Иван Тургенев
differents journaux etrangers. – Vous comprendrez facilement, Monsieur, qu'il ne peut pas me convenir d'entrer en discussion avec mes critiques, d'ailleurs beaucoup trop bienveillants pour moi, mais ce qui me tient a coeur, c'est de protester contre les conclusions que plusieurs d'entr'eux ont cru pouvoir tirer de mon livre. Je proteste contre ces conclusions et contre toutes les deductions qu'on peut en faire, comme ecrivain, comme homme d'honneur et comme Russe; j'ose croire que ceux de mes compatriotes qui m'ont lu ont rendu justice a mes intentions, et je n'ai jamais ambitionne d'autres suffrages.
Quant a la traduction de M. E. Charriere, d'apres laquelle on m'a juge, je ne crois pas qu'il y ait beaucoup d'exemples d'une pareille mystification litteraire. Je ne parle pas des contre-sens, des erreurs, dont elle fourmille, une traduction du Russe ne saurait s'en passer; mais, en verite, on ne peut se figurer les changements, les interpolations, les additions, qui s'y rencontrent a chaque page. C'est a ne pas s'y reconnaНtre. J'affirme qu'il n'y a paa dans tous les «Memoires d'un seigneur Russe» quatre lignes de suite fidelement traduites. M. Charriere a pris surtout soin d'orner mon style, qui a du lui sembler beaucoup trop mesquin et trop maigre. Si je fais dire a quelqu'un: – «Et je m'enfuis», voici de quelle façon cette phrase si simple est rendue: «Je m'enfuis d'une fuite effaree, echevelee, comme si j'eusse eu a mes trousses toute une legion de couleuvres, commandee par des sorcieres». Un lievre poursuivi par un chien devient sous la plume enjouee de mon traducteur «un ecureuil qui monte sur le sommet d'un pin, s'y place debout et se gratte le nez». Un arbre qui tombe, se transforme en «un geant chevelu qui s'etait ri des assauts seculaires de plusieurs milliers d'insectes, et qui s'incline solennellement et sans hate vers la terre, sa vieille nourrice, comme pour l'embrasser, en expirant sous la morsure d'un fer tranchant, emmanche par l'homme d'un fragment de bois, que l'arbro avait peut-etre fourni lui-meme»; une vieille dame «passe du chocolat au safran, puis au cafe au lait, tandis que des bouquets de poil jaune et frise s'agitent sur son front et que ses yeux clignotent avec un mouvement aussi rapide que la fleche coureuse de la pendule, qui bat soixante fois a la minute», etc., etc., etc. Vous imaginez-vous mon etonnement? Mais voici quelque chose de bien plus fort encore. Dans le chapitre XVII, a la page 280, M. Charriere introduit un nouveau personnage, qu'il decrit longuement et avec complaisance, une espece de colporteur, de marchand d'allumettes chimiques… Que sais-je? Eh bien! il n'y a pas un mot de tout cela dans mon livre, par la bonne raison qu'un semblable personnage n'existe pas en Russie. Ce qu'il y a de plus curieux, c'est qu'en parlant precisement de ce chapitre dans sa preface, M. Charriere previent le lecteur que «les prèparatifs de l'auteur peuvent paraНtre un peu longs a notre impatience française». Vous concevez, Monsieur, qu'avec un pareil systeme de traduction, on peut donner pleine carriere a sa fantaisie; aussi, M. Charriere ne s'en est-il pas fait faute. Il taille, il coupe, il change, il me fait pleurer et rire a volonte, il me fait ricaner, et c'est ce' dont je lui en veux le plus; il a l'horreur du mot propre, il met une queue en trompette au bout de chaque phrase, il improvise toutes sortes de reflexions, d'images, de descriptions et de comparaisons. Il est possible que toutes ces improvisations soient charmantes et surtout pleines de gout, mais, je le demande a M. Charriere lui-meme, comment ne sent-il pas, qu'en ajoutant tant de belles choses au texte de mon ouvrage, il le prive par cela meme du seul merite qui pourrait le recommander a l'attention des lecteurs français, du merite de l'originalite? Je remercie beaucoup M. Charriere de toutes les amabilites dont sa preface est remplie, mais n'est-il pas un peu etrange de louer l'esprit de quelqu'un, quand on vient de lui en preter tant du sien? Agreez, etc.
I. Tourgueneff
P. S. Je vous demande pardon d'ajouter un Post-Scriptum a une lettre deja si longue. Mais, parmi les contre-sens dont j'ai parle plus haut, il y en a deux ou trois de si piquants, que je ne puis me refuser le plaisir de les citer. Page 104, on trouve la phrase suivante: «Les chiens faisaient tourner leur queues… dans l'attente d'un ortolan». D'ou vient cet ortolan? Il y a afsianka dans le texte, et le dictionnaire, consulte par M. Charriere, ne lui aura probablement pas dit qu'afsianka signifie aussi patee pour les' chiens. Page 380, le lecteur est tout surpris d'entendre parler (la scene se passe au fin fond de la Russie) «des allees et venues continuelles des noirs, occupes gravement du service». Des noirs??! Voici l'explication de l'enigme: M. Charriere a confondu les mots arapnik, fouet de chasse, et arap, negre, et il a arrange la phrase en consequence. Page 338, on voit un dignitaire donner sa main a baiser a un general (!)… Du reste, je soupçonne ici M. Charriere de s'etre trompe a dessein. J'en passe, et des meilleurs, mais il est temps que je m'arrete.
Перевод
Санкт-Петербург, 7/19 августа 1854 г.
М. г.
Позвольте обратиться к Вам с просьбою о напечатании прилагаемого письма.
Мне недавно попался в руки французский перевод одного из моих сочинений, напечатанного года два назад в Москве. Этот перевод, неизвестно почему-то названный «Записками русского барина» – Memoires d'un seigneur Russe», подал повод к нескольким статьям,[1] помещенным в разных иностранных журналах. Вы легко поймете, м. г., что мне не идет вступать в прения с моими критиками, слишком, впрочем, ко мне благосклонными, но я чувствую потребность протестовать против заключений, которые многие из них сочли возможным извлечь из моей книги. Я протестую против этих заключений и против всех выводов, которые можно из них сделать, протестую как писатель, как честный человек и как русский; смею думать, что те из моих соотечественников, которые меня читали, отдали справедливость моим намерениям, а я и не добивался никогда другой награды.
Что касается до перевода г. Е. Шарриера, по которому судили обо мне, то вряд ли найдется много примеров подобной литературной мистификации. Не говорю уже о бессмыслицах и ошибках, которыми он изобилует, – но, право, нельзя себе представить все изменения, вставки, прибавления, которые встречаются в нем на каждом шагу. Сам себя не узнаешь. Утверждаю, что во всех «Записках русского барина» нет четырех строк, правильно переведенных. Г-н Шарриер в особенности позаботился об украшении моего слога, который должен был показаться ему слишком ничтожным и бедным. У меня напечатано: «И я убежал», а у него эта простая фраза передана следующим образом: «Я убежал как сумасшедший (у г. Шарриера сказано «d'une fuite effaree, echevelee», но мы не в состоянии передать этой бессмыслицы русскими словами), как будто гонится по пятам моим целый легион ужей, предводимый колдуньями». Заяц, преследуемый собакою, превращается под игривым пером моего переводчика в «белку, которая взлезает на верхушку сосны и чешет себе нос». Падающее дерево превращается в «волосатого великана, который смеялся над вековыми нападениями тысячи насекомых и который торжественно и медленно склоняется к земле, своей старой кормилице, как бы для того, чтоб поцеловать ее, умирая под укушением (sous la morsure) острого железа, оправленного человеком в деревянное топорище, которое может быть доставлено самим деревом». Есть еще у г. Шарриера старая дама, «которая переходит
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