Une Vie D'Hôtesse De L'Air. Marina Iuvara

Une Vie D'Hôtesse De L'Air - Marina Iuvara


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vues et coutumes transmises de générations en générations.

      Ma tante Carmela, surnomée Lina, raccontait que la première fois où elle osa dire un gros mot, elle fut invitée à ouvrir la bouche et sortir la langue.

      “ Quel jeu étrange ! ” pensais-je.

      Sa mère, ma grand-mère, pris une des épingles à cheveux qui assemblait ses longs cheveux recueillis, et embrocha sa langue.

      Vu les conséquences, dans ma famille, peu de filles et petites filles disent des gros mots, même si dans les moments opportuns elles n’en pensent pas moins.

      Je suis à Catania en vacances pour une semaine et je retrouve les antiques saveurs, odeurs, sensations.

      Le sourire lumineux de ma mère m’accueille, elle évite de m’embrasser aussi fort qu’elle le voudrait, peut- être par peur de me broyer.

      Elle caresse maintes fois mes cheveux noirs comme du charbon, semblables aux siens, longs jusqu’aux épaules, déliés pour les libérer des constrictions de bandages imposées par mon travail.

      La peau de maman est blanche et délicate, tendre comme le sable et parfumée comme des pétales de roses mélangées aux agrumes.

      Elle me voit toujours amaigrie ( même si selon moi, j’ai bien pris au moins un ou deux kilos par rapport à mon utopique poids idéal ), donc, elle m’invite à manger les gourmandises qu’elle a commencé à cuisiner dès le premier jour, presqu’en m’obligeant à consumer tout ce qu’elle a mis avec abondance dans mon assiette.

      Aujourd’hui elle a préparé mes plats préférés : linguine au noir de seiche et espadon en papillote.

      Elle n’en finit pas de me regarder et de me cajoler, euphorique et émue à la seule pensée de me revoir.

      Même mes tantes et cousines me témoignent leur

      affection à chaque geste, chaque fois qu’ elle me revoit et veulent tout écouter sur mes voyages et sur mon travail.

      Dans leur imaginaire, je suis une partie de leur monde qui s’est réfugié dans un autre monde : ce monde fait de rêves devant une revue attrayante même si décrite comme dangereuse, tentaculaire, en mesure de dépraver de manière irréversible. Moi, je suis celle, d’entre elles, qui comme elles avait les yeux illuminés mais qui un jour est partie. Je suis la preuve vivante que le monde vous change mais vous restez la même, parce que celà dépendra uniquement de ce que vous êtes à l’intérieur, et elles sont, pour moi, la partie la plus importante de ce que j’ai appris durant tous ces voyages : que l’on peut aller loin uniquement si on a un lieu intérieur d’où l’on est parti et où on retourne. J’ai appris que l’on pourra être partout, mais en vérité on restera toujours où se trouve nos racines émotionnelles.

      Elles ont été enchantées par la photo que j’ai prise à New York et elles voudraient partir avec moi pour visiter la Grande Pomme. Elles désireraient aussi que je les emènent visiter Hong Kong pour faire un tour au Stanley Market et au Lady’s Market, les marchés de nuit desquels je leur ai parlé bien souvent avec enthousiasme, oubien passer par Casablanca, où se trouve la médina avec ses couleurs et ses épices, où la menthe et le thé ont une saveur plus forte et une odeur plus presistante que celle de notre mentuccia, goûter les dates exceptionnelles que je leur avais données à mon retour d’un vol, ou circuler dans les ruelles fourmillantes de Shanghai, plonger dans cette foule colorée et ces milles couleurs que j’essaie de décrire sans jamais y parvenir comme je le voudrais

      Elles ont un grand sens de l’hospitalité, un art naturel de l’accueil transmis au cours des siècles et elles me saluent toujours avec l’habituel pincement sur la joue en tirant pas très délicatement de chaque côté, elles m’embrassent en prononçant la même phrase depuis que j’étais enfant : “ Sangu miu ! ”, “ Zzuccheru miu ! “

      Mon père, même en étant heureux de me revoir, est toujours très silencieux, peu expansif et extrêmement réservé.

      Nous avons la même couleur d’yeux, bleus de mer, mais les siens ont cependant une légère nuance de violet qui fait entrevoir de constants réflexes qui parfois me rendent tristes.

      Il tend constament à faire des prévisons défavorables, pleines d’anxiété et d’inquiétude, comme ma meilleure amie Stefania, elle aussi sicilienne.

      C’est un homme instruit, il aime étudier et est toujours informé sur tous les évènements socio-politique actuels.

      Il est discret dans ses manières et formel dans son comportement, il reste des heures enfermé dans son bureau, mais à l’heure du déjeûner et du dîner nous nous retrouvons à table, tous ensemble.

      Ce que mes parents, ma famille, et la société où j’ai vécu m’ont enseigné c’est la grande importance de la famille, du respect des règles et en particulier, du lien inviolable du mariage : une valeur à défendre à tout prix, coûte que coûte, souvent avec d’énormes sacrifices.

      Une union à sauvegarder dans tous les cas, même en présence de problèmes qui devront être dépassés ou réprimés, parfois même ignorés.

      Ce lien indissoluble a une sacralité absolue que seule la mort peut rompre.

      “ Jusqu’à ce que mort ne nous sépare ”

      Une promesse qui ne peut plus être inobservée à partir du moment où elle a été stipulée.

      Un engagement rigoureux et constant, opportun pour conserver solidement les racines de la famille.

      Ce n’est pas uniquement le sentiment d’affection, la cérémonie officielle, le profond devoir qui est inculqué déjà toute petite à travers l’éducation, qui lie la relation matrimoniale, c’est aussi le lourd jugement de la société dans laquelle on vit qui induit et travaille assidûment afin que se maintienne intégralement le lien familial.

      Dans le couple, la figure féminine a un rôle très important : le dévouement envers l’époux et les enfants est absolu.

      L’homme s’engage à conduire au mieux son rôle de chef de famille, il a l’obligation de se charger de sa protection et de son soutien.

      Dévotion et obligation, amour et respect.

      Peu importe si ces deux dernières voix sont absentes, car il arrive qu’elles s’affaiblissent.

      Le mariage est quelque chose sur lequel compter durant toute la vie, les enfants sont ceux sur qui compter lors de la vieillesse, sa fin n’est pas permise, ou est seulement quelque chose de fou, quelque chose qui va

      “ au delà de l’ordre établi ” qu’il faut éviter en trouvant un remède quelqu’il soit.

      Dans le rituel du mariage, la déclaration de fidelité est une promesse qui honore dans sa forme la plus absolue.

      Ce sont les normes qui m’ont été inculquées dès mon jeune âge. Mon destin, j’en étais certaine, aurait respecté ces enseignements.

      J’ai eu une éducation très rigide faite d’attitudes autoritaires, d’ordres, d’obligations et de punitions sans avoir la possibilité de répliquer ou de demander des explications, me conduisant désormais à l’adolescence avec de sérieux doutes et une grande confusion sur ce qui était vraiment juste ou décidément erroné.

      Les règles strictes suivaient les directives de l’éducation qui fut administrée à mon père dans les années 40 sans tenir compte des profondes transformations qui eurent lieu dans les années 68 et auxquelles je n’ai participé que par ma naissance.

      Malgré celà, à cette époque, la révolution sociale des années 70 ne semblait nullement toucher notre réalité.

      Tout était blanc ou noir, juste ou erroné, permis ou interdit, il n’existait aucune nuance, dérogation, compromis.

      Les modèles et le style de vie conduits étaient selon moi démodés


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