Le Ciel De Nadira. Giovanni Mongiovì

Le Ciel De Nadira - Giovanni Mongiovì


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Conrad ne le voyait pas encore.

      Une jeune femme tremblante se serrait dans le coin opposé de la pièce.

      “ Où se trouve l’or ? ” demanda Roul

      Mais elle parvenait uniquement à s’accrocher aux pierres du mur sec de l’écurie, tellement elle était terrorisée, outre le fait qu’elle ne com-prenait pas la langue des assaillants. En attendant les yeux de Conrad s’habituait à l’obscurité croissante du coucher du soleil qui valorisait la lumière pénétrant par le grenier.

      “ Où tenez-vous votre argent ? ” répéta Roul, cette fois en la giflant si fort qu’il la fit voler sur un tas de foin à proximité.

      “ Est-ce que tu comprends ce que je te dis ? ”

      Se réfugiant sur ce tas de foin, la femme murmurait quelque chose d’incompréhensible, probablement des paroles dans sa langue.

      Roul ne lui demanda donc plus rien, et dès qu’elle se tourna pour s’enfuir, il l’attrapa par un bras et ensuite par les hanches. Conrad fer-ma instinctivement les yeux quand il vit Roul imposer sa propre force sur cette pauvre fille, dont la stature arrivait à peine à l’estomac de son agresseur. Il mit une main devant son visage à la vue des cuisses et des hanches dénudées de la femme. Il ouvrit tout grand sa bouche en entendant ces cris d’une si étrange nature. Et il fut heureux, lorsque pour ne plus l’entendre, Roul lui enfila violemment une poignée de foin en bouche pour la faire taire, en appuyant fermement d’une main pour ne pas la faire cracher.

      Une fois, à l’âge de six ans, sur un pré de Bénévent, Conrad avait vu une pauvre jument estropiée subir la montée d’un étalon en chaleur. Il avait été troublé par cette pauvre jument incapable de contraster les harcèlements du plus fort. Maintenant il éprouvait de la peine, et était perturbé par cette femme dont le grognement ressemblait vraiment à une étrange bête durant la torture à l’abattoir.

      Après quelques minutes la femme sembla se résigner à la domination de son agresseur, et elle appuya sa tête d’un côté, vers Conrad. Ce fut alors que le jeune garçon vit son visage. La femme avait un bel aspect, des traits arabesques et de beaux yeux. Il la vit affûter la vue de ce côté ; entre les pattes du mulet elle semblait le fixer. Il en était sûr, elle l’avait aperçu. Ce regard parcouru l’espace qui la séparait de Conrad… ce regard croisait deux destins entre eux, deux vies de manière fatale.

      Roul en attendant, terminait la question et s’ajustait en se relevant. Conrad qui avant cherchait Roul, maintenant craignait d’être vu, plein de honte pour avoir violé par sa présence l’intimité d’un acte si néfaste. En plus, la femme regardait dans sa direction en haletant, une raison de plus pour l’inciter à se cacher de son regard. Ainsi, pendant que Roul sortait, Conrad se glissa derrière quelques planches en bois appuyées contre le mur.

      “ Les rebelles de Qasr Yanna nous envahissent ! ” hurla quelqu’un de l’extérieur ; ça ressemblait à la voix de Tancred.

      Un grand bruit entoura le village, des voix qui se mélangeaient à un son indiscernable. La femme alors du comprendre du certainement comprendre quelque chose grâce à ces voix puisqu’elle se leva et en courant vers l’extérieur, elle s’écria :

      “ Fuad ! ”

      Conrad s’accroupit dans un coin en tremblant. Cette fois, là dehors, la bataille était vraie : des bruits de ferrailles, des hurlements et un grand vacarme d’hommes qui couraient. Maintenant les voix qui provenaient de l’autre côté des parois de l’écurie parlaient arabe, exclusive-ment arabe.

      En supposant que Roul allait partir, Conrad sorti de son refuge, il s’appuya contre la porte et jeta un coup d’œil à l’extérieur. Ils étaient nombreux, ils portaient de larges habits islamiques orientaux. Beau-coup, les armes à la main, se dirigeaient vers la vallée, inévitablement pour poursuivre leur agresseurs ; d’autres restaient dans la cour près de la grande maison.

      Conrad retourna se réfugier derrière les planches dans l’espoir que l’obscurité qui avançait puisse le cacher. Il craignait cette femme, du moment qu’elle l’avait vu, mais il était sûr que Roul en s’apercevant de son absence, plus tard, serait revenu le chercher. Toutefois il ne com-prenait pas pourquoi l’intervention de ceux qui avaient chassé du village la compagnie normande rendait impossible toute opération de sauvetage. Et puis, Roul aurait d’abord du savoir où le chercher. Conrad était un jeune garçon et les jeunes garçons croient souvent que les adultes sont en mesure de tout résoudre… Conrad serait devenu adulte en une seule nuit, en ayant devant les yeux une réalité faite de limites et de déceptions.

      Plus d’une heure plus tard, quelqu’un entra dans l’écurie, une torche à la main. Conrad entendit converser ; ils devaient être au moins deux. Il en entendit un qui s’approchait, pendant que l’autre circulait dans l’espace d’à côté. Il était clair qu’ils étaient en train de chercher quel-qu’un, le jeune garçon pointa donc son épée vers l’ouverture de sa tanière, craignant que la femme n’ait parlé. Le feu de la torche se rapprochait de plus en plus ; il lui sembla en sentir la chaleur. Le visage de l’homme apparut parmi les planches…. Les regards des deux se croisèrent pour la première fois. Ils restèrent quelques minutes immobiles, un à l’épée tendue et l’autre accroupi sur ses genoux. Conrad était convaincu qu’ils l’auraient tué, ou il aurait été capturé pour devenir l’esclave de quelqu’un.

      Cet homme reposa enfin sa cimeterre et s’en alla comme il était venu.

      Conrad soupira de soulagement ; mais était-il possible qu’il ne l’avait pas vu ?

      Il aurait maintenant tenté la fuite dans le cœur de la nuit, quand il n’aurait plus entendu aucune voix. Il attendit donc quelques heures dans le noir, avec l’unique compagnie du mulet. Puis, quand il se déci-da à sortir, une force plus importante que la sienne le retint à l’intérieur. Son épée tomba de ses mains tandis que l’homme qui précédemment avait croisé ses yeux lui bouchait la bouche et le poussait contre le mur. Conrad se démena comme un fou, il lui mordit une main et le griffa au visage, avant que l’autre ne puisse l’immobiliser en lui tirant deux gifles bien visées. Ce type était juste un peu plus grand que lui mais il faisait valoir sa force physique d’adulte. Donc, pendant que Conrad était abouti au sol par un dernier coup de poing de ce dernier, l’autre lui jeta un burnus et lui indiqua de le porter avec le capuchon. Ce fut alors que Conrad vit le visage plein de compassion d’un homme qui s’était rendu compte d’une situation devenue plus grande que son jeune enne-mi. Conrad porta le manteau et après lui avoir mis une main sur l’épaule, il sortit de l’écurie. Il parcourut les rues du village en regardant vers le bas, et en se déplaçant dans les angles les plus obscurs sans se faire reconnaître.

      Une icône de la Madonne marquait la maison où habitait le type, et où sur la porte l’attendait une femme qui regardait tout autour, préoccupée que quelqu’un ne puisse les voir. Par ailleurs les hommes qui quelques heures avant avaient repoussé l’attaque de la compagnie normande, en empêchant qu’ils capturent les femmes et pillent encore plus leurs maisons, étaient tous éveillés, aux portes du pays, dans leurs habitations et sur les rues principales, craignant que les agresseurs ne puissent retourner. C’était justement les hommes qui travaillaient dans les potagers ou qui gardaient les chèvres et que Roul avait déprécié qui avaient averti les milices de Qasr Yanna et contre-attaqué les armes à la main.

      Conrad fut installé sur un tabouret. La maison démontrait le statut social de la famille… il s’agissait de chrétiens… de pauvres chrétiens vassales en semi-liberté d’un patron sarrasin. Le jeune garçon regardait autour de lui dépaysé, conscient toutefois de pouvoir faire confiance à ces personnes qui l’avaient accueilli.

      “ Alfeo ” dit le chef de famille en indiquant soi même d’une main.

      Puis il porta une main sur la tête du jeune garçon presque du même âge de Conrad et dit :

      “ Michele. ”

      Et encore, en indiquant son épouse :

      “ Caterina. ”

      Enfin


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