Mûr pour le Meurtre. Фиона Грейс
mettre fin à cette habitude anxieuse. Elle lui avait même offert une séance de manucure, mais Bianca avait rongé ses ongles récemment vernis aussi férocement qu’avant. Finalement, Olivia avait décidé d’abandonner. Après tout, comme habitude, il y avait pire. Une des autres assistantes s’était mise à manger des beignets pour calmer son stress et avait pris neuf kilos en trois mois.
Olivia répondit par SMS qu’elle n’avait rien fait de mal, que c’était une réunion collective et qu’il ne s’agirait probablement que d’une évaluation avec mise au courant des dernières nouvelles.
Elle ajouta un smiley et envoya le message. Alors, elle s’intéressa à la liste des vins.
Quand elle tourna les pages du menu, Olivia se sentit à nouveau heureuse. Elle adorait les vins italiens et ce menu était spécialisé dans les crus de la région toscane. Il y avait des noms dont elle n’avait jamais entendu parler, mais elle était fascinée par leur musique. Elle s’imaginait des collines vertes ondoyantes sous le soleil, avec des rangées ordonnées de vignes parsemées de bosquets d’oliviers.
Sachant que Matt préférait boire du vin rouge, elle accorda une attention spéciale à cette partie du menu.
Elle fut attirée par le Tignanello, décrit comme étant un rouge intense et avec du corps, fabriqué à partir des raisins Sangiovese locaux et parfumé à la cerise noire. Cette qualité hors du commun avait son prix, mais c’était une occasion spéciale et elle était sûre que Matt serait heureux de se laisser aller.
Elle était ravie qu’ils finissent par dîner ensemble. Pendant les quelques dernières semaines, ils avaient été terriblement occupés, tous les deux, et Matt avait été presque constamment en déplacement. Ils plaisantaient tout le temps en disant que Leigh, son assistante personnelle qui voyageait avec lui, le voyait plus souvent qu’Olivia.
– Bonsoir, Liv. Désolé d’être en retard.
Elle leva les yeux et vit Matt qui se dépêchait de traverser le restaurant maintenant plein et frénétique pour venir la rejoindre. Il portait son costume charbon de bois Armani le plus soigné et ses cheveux foncés grisonnants étaient coupés à la perfection. Il était grand, en forme, beau et accompli à l’extrême. Même au bout de quatre ans, Olivia avait du mal à croire qu’ils étaient ensemble.
Même si elle ne l’aurait jamais avoué à qui que ce soit, parfois, elle sentait qu’elle manquait un peu d’assurance quand elle se disait que Matt était vraiment un parti exceptionnel. Elle se réconfortait en se disant que c’était un point positif. Après tout, ça lui permettait de rester vigilante, d’être consciente de sa propre image et de se battre pour mieux réussir sa carrière.
– Salut, Matt, dit-elle avec un sourire. Contente de te retrouver. Quelle surprise de te voir de retour en ville ! J’adore ta coiffure.
Elle se releva et tira sur sa robe moulante pour la descendre sur ses hanches, espérant qu’il ne remarquerait pas le camouflage qu’elle avait effectué sur ses bas. Il l’embrassa sur la joue sans faire de commentaire et elle en fut soulagée. Ils s’assirent.
Olivia commanda le Tignanello et, pendant qu’ils attendaient qu’il arrive, elle commença la conversation difficile à laquelle elle s’était préparée.
– Je suis sûre que ça va te choquer, mais je suis vraiment malheureuse.
Matt leva les sourcils.
– Vraiment ?
Olivia inspira profondément. C’était le moment de tout déballer.
– Le problème, c’est le travail.
Matt cligna rapidement des yeux, comme s’il ne s’était pas attendu à ce qu’elle dise ça.
– Que veux-tu dire ? demanda-t-il prudemment.
– J’ai l’impression d’avoir vendu mon âme. Ma vie prend une direction à laquelle je ne m’étais pas attendue et je – je déteste ça.
En vérité, si elle avait l’impression de s’être vendue, c’était parce que Valley Wines était le contraire de tout ce en quoi elle croyait.
La première fois qu’Olivia avait assisté à une dégustation de Valley Wines, elle n’y avait bu que deux petits verres mais, le lendemain, elle s’était réveillée avec un mal de tête brutal qui lui avait donné des élancements toute la journée.
D’habitude, deux petits verres de vin n’avaient pas un effet aussi néfaste. Curieuse de découvrir ce qu’il y avait exactement dans ces vins, elle avait fait ses recherches. Cela n’avait pas été facile, mais Olivia était patiente et persistante et elle adorait être confrontée à une énigme difficile à résoudre. Suite à des recherches en ligne, des appels téléphoniques prudents et des réunions confidentielles en face à face, elle avait découvert la vérité.
– J’ai enquêté sur l’entreprise Valley Wines et elle est répugnante. Elle donne une image fallacieuse d’elle-même. Elle frise l’escroquerie et, à cause de ma campagne de marketing, tout le monde croit ce qu’elle déclare.
Matt fronça les sourcils.
– Mais, Liv, c’est à ça que servent les campagnes de marketing.
– Non ! protesta-t-elle. Dans ce cas-là, c’est différent. Ce n’est pas seulement du vin médiocre, c’est du vin bon à jeter.
– Que veux-tu dire ?
– Ils n’ont pas de ‘vignobles familiaux’. Tous les raisins sont cultivés de manière industrielle et récoltés avec des machines. De plus, ils utilisent des raisins de n’importe où, du moment qu’ils coûtent moins cher. On ne peut même pas visiter l’exploitation viticole.
– Pourquoi ? demanda Matt.
– Parce qu’il n’y en a pas, avoua Olivia. Il y a une usine immense et, en gros, ils prennent du jus de raisin alcoolisé et le gonflent avec des quantités de poudres, de compositions aromatisantes et d’additifs. Ils ont cherché quel goût plaisait à la majorité des gens et les scientifiques en alimentation ont créé des profils gustatifs qu’ils imitent à l’aide d’additifs. C’est ce que sont Valley White et Valley Red.
Pendant que Matt prenait un air dubitatif, Olivia poursuivit.
– Ils utilisent des tas de sulfites pour prolonger la durée de conservation et aussi pour que tous les lots aient le même goût. Je ne sais pas si c’est à cause des sulfites ou d’autre chose qu’ils mettent dans le vin mais, quand j’en bois, je me sens terriblement mal.
– Je ne vois toujours pas où est le problème. C’est du mauvais vin, et alors ? Les gens ne peuvent-ils pas se décider en le goûtant ? demanda Matt.
Olivia laissa échapper un soupir de contrariété.
– Le problème, c’est que toutes les boutiques en vendent, maintenant, et que cela signifie qu’il reste moins de place pour les autres marques. Donc, ma campagne cause du tort aux entreprises qui aiment vraiment le vin et qui le fabriquent correctement. J’ai la sensation d’avoir causé du tort aux bons vignerons alors qu’ils ne le méritaient pas.
Olivia grimaça quand elle pensa au succès du slogan maintenant célèbre qu’elle avait trouvé : ‘Profitez de votre journée grâce à la Vallée’.
– J’ai créé mon propre slogan, dit-elle à Matt. ‘Valley White vous donnera des insomnies’ et ‘Valley Red vous donnera des maux de tête’.
Elle s’était attendue à ce que cela le fasse rire, mais Matt ne rit pas.
Peut-être commençait-il finalement à comprendre la gravité de la situation d’Olivia.
– Matt, je me dis qu’il faut que je parte, dit-elle. Je ne peux pas continuer à travailler pour une entreprise qui représente des marques en lesquelles je ne crois pas et qui s’acharne à détruire les autres marques en lesquelles je crois. Je suis vraiment sur le point de démissionner.
Elle