Nouveaux contes de fées pour les petits enfants. Comtesse de Ségur

Nouveaux contes de fées pour les petits enfants - Comtesse de Ségur


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      Un jour qu'elle était assise à l'entrée de sa cabane, rêvant tristement comme de coutume à ses amis, à son père, elle vit devant elle une énorme Tortue.

      «Blondine, lui dit la Tortue d'une vieille voix éraillée, Blondine, si tu veux te mettre sous ma garde, je te ferai sortir de cette forêt.

      —Et pourquoi, Madame la Tortue, chercherais-je à sortir de la forêt? C'est ici que j'ai causé la mort de mes amis, et c'est ici que je veux mourir.

      —Es-tu bien certaine de leur mort, Blondine?

      —Comment! il se pourrait!... Mais non, j'ai vu leur château en ruine; le Perroquet et le Crapaud m'ont dit qu'ils n'existaient plus; vous voulez me consoler par bonté sans doute; mais, hélas! je ne puis espérer les revoir. S'ils vivaient, m'auraient-ils laissée seule, avec le désespoir affreux d'avoir causé leur mort?

      —Qui te dit, Blondine, que cet abandon n'est pas forcé, qu'eux-mêmes ne sont pas assujettis à un pouvoir plus grand que le leur? Tu sais, Blondine, que le repentir rachète bien des fautes.

      —Ah! Madame la Tortue, si vraiment ils existent encore, si vous pouvez me donner de leurs nouvelles, dites-moi que je n'ai pas leur mort à me reprocher, dites-moi que je les reverrai un jour! Il n'est pas d'expiation que je n'accepte pour mériter ce bonheur.

      —Blondine, il ne m'est pas permis de te dire le sort de tes amis; mais si tu as le courage de monter sur mon dos, de ne pas en descendre pendant six mois et de ne pas m'adresser une question jusqu'au terme de notre voyage, je te mènerai dans un endroit où tout te sera révélé.

      —Je promets tout ce que vous voulez, Madame la Tortue, pourvu que je sache ce que sont devenus mes chers amis.

      —Prends garde, Blondine: six mois sans descendre de dessus mon dos, sans m'adresser une parole! Une fois que nous serons partis, si tu n'as pas le courage d'aller jusqu'au bout, tu resteras éternellement au pouvoir de l'enchanteur Perroquet et de sa soeur la Rose, et je ne pourrai même plus te continuer les petits secours auxquels tu dois la vie pendant six semaines.

      —Partons, Madame la Tortue, partons sur-le-champ, j'aime mieux mourir de fatigue et d'ennui que de chagrin et d'inquiétude; depuis que vos paroles ont fait naître l'espoir dans mon coeur, je me sens du courage pour entreprendre un voyage bien plus difficile que celui dont vous me parlez.

      —Qu'il soit fait selon tes désirs, Blondine; monte sur mon dos et ne crains ni la faim, ni la soif, ni le sommeil, ni aucun accident pendant notre long voyage; tant qu'il durera, tu n'auras aucun de ces inconvénients à redouter.»

      Blondine monta sur le dos de la Tortue.

      «Maintenant, silence! dit celle-ci; pas un mot avant que nous soyons arrivées et que je te parle la première.»

       Table des matières

       Table des matières

      Le voyage de Blondine dura, comme le lui avait dit la Tortue, six mois; elle fut trois mois avant de sortir de la forêt; elle se trouva alors dans une plaine aride qu'elle traversa pendant six semaines, et au bout de laquelle elle aperçut un château qui lui rappela celui de Bonne-Biche et de Beau-Minon. Elles furent un grand mois avant d'arriver à l'avenue de ce château; Blondine grillait d'impatience. Était-ce le château où elle devait connaître le sort de ses amis? elle n'osait le demander malgré le désir extrême qu'elle en avait. Si elle avait pu descendre de dessus le dos de la Tortue, elle eût franchi en dix minutes l'espace qui la séparait du château; mais la Tortue marchait toujours, et Blondine se souvenait qu'on lui avait défendu de dire une parole ni de descendre. Elle se résigna donc à attendre, malgré son extrême impatience. La Tortue semblait ralentir sa marche au lieu de la hâter; elle mit encore quinze jours, qui semblèrent à Blondine quinze siècles, à parcourir cette avenue. Blondine ne perdait pas de vue ce château et cette porte; le château paraissait désert; aucun bruit, aucun mouvement ne s'y faisait sentir. Enfin, après cent quatre-vingts jours de voyage, la Tortue s'arrêta et dit à Blondine:

      «Maintenant, Blondine, descendez; vous avez gagné par votre courage et votre obéissance la récompense que je vous avais promise; entrez dans la petite porte qui est devant vous; demandez à la première personne que vous rencontrerez la fée Bienveillante: c'est elle qui vous instruira du sort de vos amis.»

      Blondine sauta lestement à terre; elle craignait qu'une si longue immobilité n'eût raidi ses jambes, mais elle se sentit légère comme au temps où elle vivait heureuse chez Bonne-Biche et Beau-Minon et où elle courait des heures entières, cueillant des fleurs et poursuivant des papillons. Après avoir remercié avec effusion la Tortue, elle ouvrit précipitamment la porte qui lui avait été indiquée, et se trouva en face d'une jeune personne vêtue de blanc, qui lui demanda d'une voix, douce qui elle désirait voir.

      «Je voudrais voir la fée Bienveillante, répondit Blondine; dites-lui, Mademoiselle, que la princesse Blondine la prie instamment de la recevoir.

      —Suivez-moi, princesse», reprit la jeune personne.

      Blondine la suivit en tremblant; elle traversa plusieurs beaux salons, rencontra plusieurs jeunes personnes vêtues comme celle qui la précédait, et qui la regardaient en souriant et d'un air de connaissance; elle arriva enfin dans un salon semblable en tous points à celui qu'avait Bonne-Biche dans la forêt des Lilas.

      Ce souvenir la frappa si douloureusement qu'elle ne s'aperçut pas de la disparition de la jeune personne blanche; elle examinait avec tristesse l'ameublement du salon; elle n'y remarqua qu'un seul meuble que n'avait pas Bonne-Biche dans la forêt des Lilas: c'était une grande armoire en or et en ivoire d'un travail exquis; cette armoire était fermée. Blondine se sentit attirée vers elle par un sentiment indéfinissable, et elle la contemplait sans en pouvoir détourner les yeux, lorsqu'une porte s'ouvrit: une dame belle et jeune encore, magnifiquement vêtue, entra et s'approcha de Blondine.

      «Que me voulez-vous, mon enfant? lui dit-elle d'une voix douce et caressante.

      —Oh! Madame, s'écria Blondine en se jetant à ses pieds, on m'a dit que vous pouviez me donner des nouvelles de mes chers et excellents amis Bonne-Biche et Beau-Minon. Vous savez sans doute, Madame, par quelle coupable désobéissance je les ai perdus; longtemps je les ai pleurés, les croyant morts: mais la Tortue qui m'a amenée jusqu'ici, m'a donné l'espérance de les retrouver un jour. Dites-moi, Madame, dites-moi s'ils vivent et ce que je dois faire pour mériter le bonheur de les revoir.

      —Blondine, dit la fée Bienveillante avec tristesse, vous allez connaître le sort de vos amis; mais, quoi que vous voyiez, ne perdez pas courage ni espérance.»

      En disant ces mots, elle releva la tremblante Blondine, et la conduisit devant l'armoire qui avait déjà frappé ses yeux.

      «Voici, Blondine, la clef de cette armoire, ouvrez-la vous-même et conservez votre courage.»

      Elle remit à Blondine une clef d'or.

      Blondine ouvrit l'armoire d'une main tremblante.... Que devint-elle quand elle vit dans cette armoire les peaux de Bonne-Biche et de Beau-Minon, attachées avec des clous de diamant? A cette vue, la malheureuse Blondine poussa un cri déchirant et tomba évanouie dans les bras de la fée.

      La porte s'ouvrit encore une fois, et un prince beau comme le jour se précipita vers Blondine en disant:

      «Oh! ma mère, l'épreuve est trop forte pour notre chère Blondine.

      —Hélas! mon fils, mon coeur


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