LUPIN - Les aventures du gentleman-cambrioleur. Морис Леблан

LUPIN - Les aventures du gentleman-cambrioleur - Морис Леблан


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dis que tu n’as rien à craindre de Lupin, n’est-ce pas ? Erreur, mon vieux, tu as tout à craindre.

      Il tira de sa poche une carte et la lui montra :

      – Tiens, regarde, je suis de la police maintenant… Que veux-tu, c’est toujours comme ça que nous finissons… nous autres, les grands seigneurs du vol, les Empereurs du crime.

      – Et alors ? reprit le maître d’hôtel, toujours inquiet.

      – Alors, réponds à ce client qui t’appelle là-bas, fais ton service et reviens. Surtout, pas de blague, n’essaie pas de te tirer des pattes. J’ai dix agents dehors, qui ont l’œil sur toi. File.

      Le maître d’hôtel obéit. Cinq minutes après il était de retour, et, debout devant la table, le dos tourné au restaurant, comme s’il discutait avec des clients sur la qualité de leurs cigares, il disait :

      – Eh bien ? De quoi s’agit-il ?

      Lupin aligna sur la table quelques billets de cent francs.

      – Autant de réponses précises à mes questions, autant de billets.

      – Ça colle.

      – Je commence. Combien étiez-vous avec le baron Altenheim ?

      – Sept, sans me compter.

      – Pas davantage ?

      – Non. Une fois seulement, on a racolé des ouvriers d’Italie pour faire les souterrains de la villa des Glycines, à Garches.

      – Il y avait deux souterrains ?

      – Oui, l’un conduisait au pavillon Hortense, l’autre s’amorçait sur le premier et s’ouvrait au-dessous du pavillon de Mme Kesselbach.

      – Que voulait-on ?

      – Enlever Mme Kesselbach.

      – Les deux bonnes, Suzanne et Gertrude, étaient complices ?

      – Oui.

      – Où sont-elles ?

      – À l’étranger.

      – Et tes sept compagnons, ceux de la bande Altenheim ?

      – Je les ai quittés. Eux, ils continuent.

      – Où puis-je les retrouver ?

      Dominique hésita. Lupin déplia deux billets de mille francs et dit :

      – Tes scrupules t’honorent, Dominique. Il ne te reste plus qu’à t’asseoir dessus et à répondre.

      Dominique répondit :

      – Vous les retrouverez, 3, route de la Révolte, à Neuilly. L’un d’eux s’appelle le Brocanteur.

      – Parfait. Et maintenant, le nom, le vrai nom d’Altenheim ? Tu le connais ?

      – Oui. Ribeira.

      – Dominique, ça va mal tourner. Ribeira n’était qu’un nom de guerre. Je te demande le vrai nom.

      – Parbury.

      – Autre nom de guerre.

      Le maître d’hôtel hésitait. Lupin déplia trois billets de cent francs.

      – Et puis zut ! s’écria l’homme. Après tout il est mort, n’est-ce pas ? Et bien mort.

      – Son nom ? dit Lupin.

      – Son nom ? Le chevalier de Malreich.

      Lupin sauta sur sa chaise.

      – Quoi ? Qu’est-ce que tu as dit ? Le chevalier ?… répète… le chevalier ?

      – Raoul de Malreich.

      Un long silence. Lupin, les yeux fixes, pensait à la folle de Veldenz, morte empoisonnée. Isilda portait ce même nom : Malreich. Et c’était le nom que portait le petit gentilhomme français venu à la cour de Veldenz au XVIIe siècle.

      Il reprit :

      – De quel pays, ce Malreich ?

      – D’origine française, mais né en Allemagne… J’ai aperçu des papiers une fois… C’est comme ça que j’ai appris son nom. Ah ! S’il l’avait su, il m’aurait étranglé, je crois.

      Lupin réfléchit et prononça :

      – C’est lui qui vous commandait tous ?

      – Oui.

      – Mais il avait un complice, un associé ?

      – Ah ! Taisez-vous… taisez-vous…

      La figure du maître d’hôtel exprimait soudain l’anxiété la plus vive. Lupin discerna la même sorte d’effroi, de répulsion qu’il éprouvait lui-même en songeant à l’assassin.

      – Qui est-ce ? Tu l’as vu ?

      – Oh ! Ne parlons pas de celui-là on ne doit pas parler de lui.

      – Qui est-ce, je te demande ?

      – C’est le maître… le chef… personne ne le connaît.

      – Mais tu l’as vu, toi. Réponds. Tu l’as vu ?

      – Dans l’ombre, quelquefois… la nuit. Jamais en plein jour. Ses ordres arrivent sur de petits bouts de papier… ou par téléphone.

      – Son nom ?

      – Je l’ignore. On ne parlait jamais de lui. Ça portait malheur.

      – Il est vêtu de noir, n’est-ce pas ?

      – Oui, de noir. Il est petit et mince… blond…

      – Et il tue, n’est-ce pas ?

      – Oui, il tue… il tue comme d’autres volent un morceau de pain.

      Sa voix tremblait. Il supplia :

      – Taisons-nous… il ne faut pas en parler… je vous le dis… ça porte malheur.

      Lupin se tut, impressionné malgré lui par l’angoisse de cet homme. Il resta longtemps pensif, puis il se leva et dit au maître d’hôtel :

      – Tiens, voilà ton argent, mais si tu veux vivre en paix, tu feras sagement de ne souffler mot à personne de notre entrevue.

      Il sortit du restaurant avec Doudeville, et il marcha jusqu’à la porte Saint-Denis, sans mot dire, préoccupé par tout ce qu’il venait d’apprendre.

      Enfin, il saisit le bras de son compagnon et prononça :

      – écoute bien, Doudeville. Tu vas aller à la gare du Nord où tu arriveras à temps pour sauter dans l’express du Luxembourg. Tu iras à Veldenz, la capitale du grand-duché de Deux-Ponts-Veldenz. À la Maison-de-Ville, tu obtiendras facilement l’acte de naissance du chevalier de Malreich, et des renseignements sur sa famille. Après-demain samedi, tu seras de retour.

      – Dois-je prévenir à la Sûreté ?

      – Je m’en charge. Je téléphonerai que tu es malade. Ah ! Un mot encore. On se retrouvera à midi dans un petit café de la route de la Révolte, qu’on appelle le restaurant Buffalo. Mets-toi en ouvrier.

      Dès le lendemain, Lupin, vêtu d’un bourgeron et coiffé d’une casquette, se dirigea vers Neuilly et commença son enquête au numéro 3 de la route de la Révolte. Une porte cochère ouvre sur une première cour, et, là, c’est une véritable cité, toute une suite de passages et d’ateliers où grouille une population d’artisans, de femmes et de gamins. En quelques minutes, il gagna la sympathie de la concierge avec laquelle il bavarda, durant une heure, sur les sujets les plus divers. Durant cette heure, il vit passer les uns après les autres trois individus dont l’allure le frappa.

      «


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