Les Rois Frères de Napoléon Ier. Albert Du Casse
résulte toujours par cette lettre du 7 à 4 heures du soir que vous n'avez pas de moyens de défense..... Pour comprendre ces choses je trouve toujours votre jugement faux; c'est enfin une fausse doctrine. L'intérêt même de Paris est que l'Impératrice et le roi de Rome n'y restent pas, parce que l'intérêt ne peut pas être séparé de leur personne et que depuis que le monde est monde je n'ai jamais vu qu'un souverain se laissât prendre dans des villes ouvertes. Ce serait la première fois.
Ce malheureux roi de Saxe arrive en France, il perd ses belles illusions! (Deux lignes indéchiffrables.) Dans les circonstances bien difficiles de la crise des événements, on fait ce qu'on doit et on laisse aller le reste. Or, si je vis on doit m'obéir, et je ne doute pas qu'on s'y conforme. Si je meurs, mon fils régnant et l'Impératrice régente doivent, pour l'honneur des Français, ne pas se laisser prendre et se retirer au dernier village.....
Souvenez-vous de ce que disait la femme de Philippe V. Que dirait-on en effet de l'Impératrice? Qu'elle a abandonné le trône de son fils et le nôtre; et les alliés aimeraient mieux de tout finir en les conduisant prisonniers à Vienne. Je suis surpris que vous ne conceviez pas cela! Je vois que la peur fait tourner les têtes à Paris.
L'Impératrice et le roi de Rome à Vienne ou entre les mains des ennemis, vous et ceux qui voudraient se défendre seraient rebelles!...
Quant à mon opinion, je préférerais qu'on égorgeât mon fils plutôt que de le voir jamais élevé à Vienne comme un prince autrichien, et j'ai assez bonne opinion de l'Impératrice pour être aussi persuadé qu'elle est de cet avis, autant qu'une femme et une mère peuvent en être.
Je n'ai jamais vu représenter Andromaque que je n'aie plaint le sort d'Astyanax survivant à sa maison et que je n'aie regardé comme un bonheur pour lui de ne pas survivre à son père.
Vous ne connaissez pas la nation française. Le résultat de ce qui se passerait dans ces grands événements est incalculable.
Quant à Louis, je crois qu'il doit vous suivre (sa dernière lettre me prouve toujours qu'il a la tête trop faible et vous ferait beaucoup de mal).
Voici maintenant la lettre du roi Joseph, en date du 7 février 1814 (11 heures du soir), à laquelle répond la lettre précédente. Elle a été supprimée aux Mémoires.
Paris, le 7 février 1814, à 11 heures du soir.
Sire,
J'ai reçu les deux lettres de V. M. d'hier. J'ai vu et écrit au duc de Valmy. Il part ce soir pour Meaux. Il m'a communiqué une lettre du duc de Tarente datée du 6. Il était encore à Épernay et n'avait aucune nouvelle de V. M. depuis 4 jours. Il avait abandonné Châlons après s'y être défendu quelque temps. L'artillerie avait été dirigée sur Meaux. L'ennemi était entré à Sézanne. L'intendant et les caisses avaient échappé à l'ennemi.
Voici l'itinéraire exact de la 9e division d'infanterie de l'armée d'Espagne[44].
J'ai envoyé un aide de camp sur la route de Châlons par Vitry. J'ai chargé le Ministre de la Guerre d'en envoyer un autre sur la route de (illisible).
Le Ministre de la Guerre me mande qu'il avait fait envoyer ce matin 2,000 fusils à Montereau.
Je lui ai écrit de (deux mots illisibles) ce soir.
J'ai parlé à Louis du projet de le laisser ici. Il me répond par une longue lettre que je prends le parti d'envoyer à V. M. Il me semble que V. M. m'a dit que les princesses devaient suivre l'Impératrice; s'il en était autrement, il faudrait qu'elle l'écrive d'une manière positive. Je fais des vœux pour que le départ de l'Impératrice puisse n'avoir pas lieu. Nous ne pouvons nous dissimuler que la consternation et le désespoir du peuple pourront avoir de terribles et funestes résultats. Je pense avec toutes les personnes qui peuvent apprécier l'opinion, qu'il faudrait supporter bien des sacrifices avant d'en venir à cette extrémité. Les hommes attachés au gouvernement de V. M. craignent que le départ de l'Impératrice ne livre le peuple, de la capitale au désespoir et ne donne une capitale et un empire aux Bourbons. Tout en manifestant ces craintes que je vois sur tous les visages, V. M. peut être assurée que ses ordres seront exécutés pour ma part très fidèlement, dès qu'ils me seront arrivés.
J'ai parlé au général Caffarelli[45] pour Fontainebleau, ainsi qu'à M. La Bouillerie[46] pour le million de la guerre et les autres objets.
Je ne sais pas jusqu'à quel point ce que j'ai cru remarquer peut paraître convenable à V. M.; mais je puis l'assurer qu'il importe de faire payer un mois d'appointements aux grands dignitaires, ministres, conseillers d'État, sénateurs. On m'en a cité plusieurs dans un véritable besoin et plusieurs seront bien embarrassés pour partir, si le cas se présente, et l'on prévoit qu'ils resteront à Paris.
J'ai eu la visite de M. le maréchal Brune que je n'ai pu voir; je ne doute pas qu'il ne soit venu offrir ses services, je serais bien aise de connaître les intentions de V. M.
Jérôme est contrarié que V. M. ne se soit pas encore expliquée sur la demande que j'ai faite pour lui dans deux de mes précédentes lettres.
On m'assure que M. de Lafayette a été un des premiers grenadiers de la garde nationale qui ait été en faction à l'Hôtel-de-Ville.
Les barrières seront entièrement fortifiées demain et l'on commencera à y transporter de l'artillerie. Le général Caffarelli a répondu au duc de Conegliano qu'il n'avait pas encore l'autorisation du Maréchal du Palais à qui il avait écrit (mots illisibles) la garde impériale fournit un poste de 25 hommes.
P. S.—Je reçois la lettre de V. M. en date d'aujourd'hui de Nogent. Les dispositions qu'elle prescrit ont déjà été ordonnées et je tiendrai V. M. au courant, à mesure de leur exécution.
Après la chute de l'Empire, quelques auteurs de mémoires, des historiens mêmes, comme M. de Norvins, ont reproché au roi Joseph son départ de Paris et celui de l'Impératrice; ces écrivains ne connaissaient pas évidemment la lettre de l'Empereur, du 8 février, et ses ordres formels. Joseph, pendant son exil, crut devoir réfuter ces assertions. Voici une note à cet égard, écrite tout entière de sa main:
Il est faux que nul autre que Joseph eût la copie de la lettre de l'Empereur qui prescrivait le départ (celle du 16 mars 1814). Joseph resta à Paris d'après la proposition qu'il en fit au Conseil, ainsi que les Ministres de la Guerre, de la Marine, le premier inspecteur du génie, afin d'atténuer le mauvais effet que devait produire le départ de l'Impératrice, et pour reconnaître, par eux-mêmes, les forces ennemies qui marchaient sur Paris et ne quitter la ville, pour rejoindre la régente sur la Loire, qu'après s'être assurés de l'incontestable supériorité de l'ennemi. Il est faux que Joseph se soit établi aux Tuileries comme lieutenant de l'Empereur, il se rendit avec les Ministres qui étaient restés avec lui en reconnaissance sur la route de Meaux, passa la nuit au Luxembourg, et le lendemain s'établit hors des barrières de Paris pour être à portée de recevoir les rapports des officiers qui étaient en reconnaissance et prévenir l'exaltation qui pouvait être excitée parmi le peuple par l'arrivée des courriers qui se succédaient à chaque moment. Lorsqu'il fut bien reconnu et bien évident pour tous que l'empereur de Russie, le roi de Prusse et le prince de Schwartzemberg étaient à quelques milles de la ville; que le maréchal de Marmont commandant en chef eut déclaré qu'il ne pouvait pas tenir davantage contre des forces sans nulle proportion avec celles qu'il commandait; que si la nuit arrivait sans qu'on eût pris un parti, il ne répondait pas de pouvoir empêcher les ennemis de s'introduire dans la ville, le roi Joseph, de l'avis des ministres qui se trouvaient avec lui, et pour sauver la capitale des désastres qui la menaçaient de la part de l'ennemi, approuva la proposition de capitulation qui lui était faite par le maréchal Marmont et ne partit que lorsqu'il vit les forces ennemies dans Saint-Denis, et ses partis prêts à s'emparer des ponts sur la Seine, qu'ils occupèrent effectivement peu de temps après son passage et celui des membres du Conseil qui, ayant satisfait à leur mandat, allaient rejoindre la régente sur la Loire où elle devait se rendre en exécution des ordres de l'Empereur.
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