Discours de la méthode. Рене Декарт

Discours de la méthode - Рене Декарт


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est digne au moins de la grandeur de Dieu. En effet, quelle idée plus sublime que de concevoir une multitude innombrable de machines à qui l'organisation tient lieu de principe intelligent; dont tous les ressorts sont différents, selon les différentes espèces et les différents buts de la création; où tout est prévu, tout combiné pour la conservation et la reproduction des êtres; où toutes les opérations sont le résultat toujours sûr des lois du mouvement; où toutes les causes qui doivent produire des millions d'effets sont arrangées jusqu'à la fin des siècles, et ne dépendent que de la correspondance et de l'harmonie de quelque partie de matière? Avouons-le, ce système donne la plus grande idée de l'art de l'éternel géomètre, comme l'appeloit Platon. C'est ce même caractère de grandeur que l'on a retrouvé depuis dans l'harmonie préétablie de Leibnitz, caractère plus propre que tout autre à séduire les hommes de génie, qui aiment mieux voir tout en un instant dans une grande idée, que de se traîner sur des détails d'observations et sur quelques vérités éparses et isolées.

      Mais ce qui prouve le mieux toute l'étendue de l'esprit de Descartes, c'est qu'il est le premier qui ait conçu la grande idée de réunir toutes les sciences, et de les faire servir à la perfection l'une de l'autre. On a vu qu'il avoit transporté dans sa logique la méthode des géomètres; il se servit de l'analyse logique pour perfectionner l'algèbre; il appliqua ensuite l'algèbre à la géométrie, la géométrie et l'algèbre à la mécanique, et ces trois sciences combinées ensemble à l'astronomie. C'est donc à lui qu'on doit les premiers essais de l'application de la géométrie à la physique; application qui a créé encore une science toute nouvelle. Armé de tant de forces réunies, Descartes marche à la nature; il entreprend de déchirer ses voiles, et d'expliquer le système du monde. Voici un nouvel ordre de choses: voici des tableaux plus grands peut-être que ceux que présente l'histoire de toutes les nations et de tous les empires17.

      Qu'on me donne de la matière et du mouvement, dit Descartes, et je vais créer un monde. D'abord il s'élève par la pensée vers les cieux, et de là il embrasse l'univers d'un coup d'oeil; il voit le monde entier comme une seule et immense machine, dont les roues et les ressorts ont été disposés au commencement, de la manière la plus simple, par une main éternelle. Parmi cette quantité effroyable de corps et de mouvements, il cherche la disposition des centres. Chaque corps a son centre particulier, chaque système a son centre général. Sans doute aussi il y a un centre universel, autour duquel sont rangés tous les systèmes de la nature. Mais où est-il, et dans quel point de l'espace? Descartes place dans le soleil le centre du système auquel nous sommes attachés. Ce système est une des roues de la machine: le soleil est le point d'appui. Cette grande roue embrasse dix-huit cent millions de lieues dans sa circonférence, à ne compter que jusqu'à l'orbe de Saturne. Que seroit-ce si on pouvoit suivre la marche excentrique des comètes! Cette roue de l'univers doit communiquer à une roue voisine, dont la circonférence est peut-être plus grande encore; celle-ci communique à une troisième, cette troisième à une autre, et ainsi de suite dans une progression infinie, jusqu'à celles qui sont bornées par les dernières limites de l'espace. Toutes, par la communication du mouvement, se balancent et se contre-balancent, agissent et réagissent l'une sur l'autre, se servent mutuellement de poids et de contre-poids, d'où résulte l'équilibre de chaque système, et, de chaque équilibre particulier, l'équilibre


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