L'archéologie égyptienne. G. Maspero

L'archéologie égyptienne - G. Maspero


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qui reposaient elles-mêmes sur les restes de maisons plus vieilles encore. Le peu de profondeur des fondations n'empêchait pas les maçons de monter hardiment la bâtisse: j'ai noté dans les ruines de Memphis des pans encore debout de 10 et 12 mètres de haut. On ne prenait alors d'autre précaution que d'élargir la base des murs et de voûter les étages (Fig.2). L'épaisseur ordinaire était de 0m,40 environ pour une maison basse, mais pour une maison à plusieurs étages, on allait jusqu'à 1 mètre ou 1m,25; des poutres, couchées dans la maçonnerie d'espace en espace, la liaient et la consolidaient. Souvent aussi on bâtissait le rez-de-chaussée en
moellons bien appareillés et on reléguait la brique aux étages supérieurs. Le calcaire de la montagne voisine est la seule pierre dont on se soit servi régulièrement en pareil cas. Les fragments de grès, de granit ou d'albâtre qui y sont mêlés, proviennent généralement d'un temple ruiné: les Égyptiens d'alors n'avaient pas plus scrupule que ceux d'aujourd'hui à dépecer leurs monuments dès qu'on cessait de les surveiller. Les petites gens vivaient dans de vraies huttes qui, pour être bâties en briques, ne valaient guère mieux que les cabanes des fellahs. A Karnak, dans la ville pharaonique, à Kom-Ombo, dans la ville romaine, à Médinét-Habou, dans la ville copte, les maisons de ce genre ont rarement plus de 4 ou 5 mètres de façade; elles se composent d'un rez-de-chaussée que surmontent parfois quelques chambres d'habitation. Les gens aisés, marchands, employés secondaires, chefs d'ateliers, étaient logés plus au large. Leurs maisons étaient souvent séparées de la rue par une cour étroite: un grand couloir s'ouvrait au fond, le long duquel les chambres étaient rangées (Fig.3). Plus souvent, la cour était garnie de chambres sur trois côtés (Fig.4); plus souvent encore la maison présentait sa façade à la rue.
C'était alors un haut mur peint ou blanchi à la chaux, surmonté d'une corniche, et sans ouverture que la porte, ou percé irrégulièrement de quelques fenêtres (Fig.5). La porte était souvent de pierre, même dans les maisons sans prétentions. Les jambages sont en saillie légère sur la paroi, et le linteau est supporté d'une gorge peinte ou sculptée. L'entrée franchie, on passait successivement dans deux petites pièces sombres, dont la dernière prend jour sur la cour centrale (Fig.6). Le rez-de-chaussée servait ordinairement d'étable pour les baudets ou pour les bestiaux, de magasins pour le blé et pour les provisions, de cellier et de cuisine. Partout où les étages supérieurs subsistent encore, ils reproduisent presque sans modifications la distribution du rez-de-chaussée. On y arrivait par un escalier extérieur, étroit et raide, coupé à des intervalles très rapprochés par de petits paliers carrés. Les pièces étaient oblongues et ne recevaient de lumière et d'air que par la porte:
lorsqu'on se décidait à percer des fenêtres sur la rue, c'étaient des soupiraux placés presque à la
hauteur du plafond, sans régularité ni symétrie, garnis d'une sorte de grille en bois à barreaux espacés, et fermés par un volet plein. Les planchers étaient briquetés ou dallés, plus souvent formés d'une couche de terre battue. Les murs étaient blanchis à la chaux, quelquefois peints de couleurs vives. Le toit était plat et fait probablement comme aujourd'hui de branches de palmiers serrées l'une contre l'autre, et couvertes d'un enduit de terre assez épais pour résister à la pluie. Parfois il n'était surmonté que d'un ou deux de ces ventilateurs en bois qu'on rencontre encore si fréquemment en Égypte; d'ordinaire, on y élevait une ou deux pièces isolées, servant de buanderie ou de dortoir pour les esclaves ou les
gardiens. La terrasse et la cour jouaient un grand rôle dans la vie domestique des anciens Égyptiens; les femmes y préparaient le pain (Fig.7), y cuisinaient, y causaient à l'air libre; la famille entière y dormait l'été, protégée par des filets contre les attaques des moustiques. Les hôtels des riches et des seigneurs couvraient une surface considérable: ils étaient situés le plus souvent au milieu d'un jardin ou d'une cour plantée, et présentaient à la rue, ainsi que les maisons bourgeoises, des murs nus, crénelés comme ceux d'une forteresse (Fig.8). La vie domestique était cachée et comme repliée sur elle-même: on sacrifiait le plaisir de voir les passants à l'avantage de n'être pas aperçu du dehors. La porte seule annonçait quelquefois l'importance de la famille qui se dissimulait derrière l'enceinte. Elle était précédée d'un perron de deux ou trois marches, ou d'un portique à colonnes (Fig.9) orné de
statues (Fig.10), qui lui donnaient l'aspect monumental; parfois c'était un pylône analogue à celui qui annonçait l'entrée des temples. L'intérieur formait comme une petite ville, divisée en quartiers par des murs irréguliers: la maison d'habitation au fond, les greniers, les étables, les communs, répartis aux différents endroits de l'enclos, selon des règles qui nous échappent encore. Les détails de l'agencement devaient varier à l'infini; pour donner une idée de ce qu'était l'hôtel d'un grand seigneur égyptien,
moitié palais, moitié villa, je ne puis mieux faire que de reproduire deux des plans nombreux que nous ont conservés les tombeaux de la XVIIIe dynastie.
Le premier représente une maison thébaine (Fig.11-12). Le clos est carré entouré d'un mur crénelé. La porte principale s'ouvre sur une route bordée d'arbres, qui longe un canal ou un bras du Nil.
Le jardin est divisé en compartiments symétriques par des murs bas en pierres sèches, analogues à ceux qu'on voit encore dans les grands jardins d'Akhmîm ou de Girgéh; au centre, une vaste treille disposée disposée sur quatre rangs de colonnettes; à droite et à gauche, quatre pièces d'eau peuplées de canards et d'oies, deux pépinières, deux kiosques à jour, et des allées de sycomores, de dattiers et de palmiers-doums; dans le fond, en face de la porte, une maison à deux étages de petites dimensions, surmontée d'une corniche peinte. Le second plan est emprunté aux hypogées
de Tell-el-Amarna (Fig.13-14). Il nous montre une maison, située an fond des jardins d'un grand seigneur, Aï, gendre du pharaon Khouniaton et, plus tard, lui-même roi d'Égypte. Un bassin oblong s'étend devant la porte: il est bordé d'un quai en pente douce muni de deux escaliers. Le corps de bâtiment est un rectangle plus large sur la façade que sur les parois latérales.
Une grande porte s'ouvre au milieu et donne accès dans une cour plantée d'arbres et bordée de magasins remplis de provisions: deux petites cours placées symétriquement dans les angles les plus éloignés servent de cage aux escaliers qui mènent sur la terrasse. Ce premier édifice sert comme d'enveloppe au logis du maître. Les deux façades sont ornées d'un portique de huit colonnes, interrompu au milieu par la baie du pylône. La porte franchie, on débouchait dans une sorte de long couloir central, coupé par deux murs percés de portes, de manière à former trois cours d'enfilade. Celle du centre était bordée de chambres; les deux autres communiquaient à droite et à gauche avec deux cours plus petites, d'où partaient les escaliers qui montent à la
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