Les derniers jours de Pékin. Pierre Loti
Après le dîner de midi, quand nous sortons du sarcophage demi-obscur, nos Chinois nous indiquent de la main l'horizon. Tong-Tchéou, la «Ville de la Pureté céleste», est là-bas, qui commence d'apparaître: grandes murailles noires, surmontées de miradors; tour étonnamment haute et frêle, de silhouette très chinoise, à vingt toitures superposées.
Tout cela reste lointain encore, et les premiers plans autour de nous sont plutôt effroyables. D'une jonque échouée sort un long bras de mort aux chairs bleuies. Et des cadavres de bestiaux, qu'emporte le courant, passent en cortège à nos côtés, tout gonflés et sentant la peste bovine. On a dû aussi violer par là quelque cimetière, car, sur la vase des berges, il y a des cercueils éventrés, vomissant leurs os et leurs pourritures.
V
A Tong-Tchéou
Tong-Tchéou, occupant deux ou trois kilomètres de rivage, était une de ces immenses villes chinoises, plus peuplées que bien des capitales d'Europe, et dont on sait à peine le nom chez nous. Aujourd'hui, ville fantôme, il va sans dire; si l'on s'approche, on ne tarde pas à s'apercevoir que tout n'est plus que ruines et décombres.
Lentement nous arrivons. Au pied des hauts murs crénelés et peints en noir de catafalque, des jonques se pressent le long du fleuve. Et sur la berge, c'est un peu l'agitation de Takou et de Tien-Tsin,—compliquée de quelques centaines de chameaux mongols, accroupis dans la poussière.
Rien que des soldats, des envahisseurs, des canons, du matériel de combat. Des cosaques, essayant des chevaux capturés, parmi les groupes vont et viennent au triple galop, comme des fous, avec de grands cris sauvages.
Les diverses couleurs nationales des alliés européens sont arborées à profusion de toutes parts, flottent en haut des noires murailles trouées de boulets, flottent sur les campements, sur les jonques, sur les ruines. Et le vent continuel, le vent implacable et glacé, promenant l'infecte poussière avec l'odeur de la mort, tourmente ces drapeaux partout plantés, qui donnent un air ironique de fête à tant de dévastation.
Je cherche où sont les pavillons de France, afin d'arrêter ma jonque, devant notre quartier, et de me rendre de suite au «gîte d'étape»; j'ai ce soir à y toucher nos rations de campagne; en outre, ne pouvant continuer plus loin mon voyage par le fleuve, je dois me procurer, à l'artillerie, pour demain matin, une charrette et des chevaux de selle.
Devant un quartier qui semble nous appartenir, quand je mets pied à terre, sur des détritus et des immondices sans nom, je demande à des zouaves qui sont là le chemin du «gîte d'étape», et tout de suite, empressés et gentils, ils m'offrent d'y venir avec moi.
Nous nous dirigeons donc ensemble vers une grande porte, percée dans l'épaisseur des murs noirs.
A cette entrée de ville, on a établi, avec des cordes et des planches, un parc à bétail, pour la nourriture des soldats. Parmi quelques maigres boeufs encore vivants, il y en a trois ou quatre par terre, morts de la peste bovine, et une corvée de Chinois vient en ce moment les tirer par la queue, pour les entraîner dans le fleuve, au rendez-vous général des carcasses.
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