La tombe de fer. Hendrik Conscience
PAR
HENRI CONSCIENCE
NOUVELLE ÉDITION
PARIS
CALMANN LÉVY, ÉDITEUR ANCIENNE MAISON MICHEL LÉVY FRÈRES
RUE AUBER, 3, ET BOULEVARD DES ITALIENS, 15
A LA LIBRAIRIE NOUVELLE
1878
Chapitres: I, II, III, IV, V, VI, VII, VIII, IX, X, XI, XII, XIII, XIV, XV, XVI, XVII, XVIII, XIX, XX, XXI, XXII, XXIII, XXIV, XXV, XXVI, XXVII, XXVIII, XXIX, XXX, XXXI, XXXII, XXXIII
PROLOGUE
La classe du village était finie....
Voilà Mieken, la jolie enfant blonde, qui s'en retourne à la maison avec son ardoise sous le bras. Son voisin Janneken, tête frisée aux cheveux noirs, marche à côté d'elle.[1]
[Note 1: Mieken et Janneken, petite Marie, petit Jean.]
Chemin faissant, ils cueillent dans le seigle des bluets bleus et des coquelicots rouges.
Ils s'asseoient sur le seuil de pierre fruste à l'entrée du cimetière.
Janneken tresse une couronne avec les fleurs. La petite fille trouve que cela dure trop longtemps et témoigne son impatience de posséder la couronne....
Mais Janneken travaille avec une attention sérieuse. Sans savoir ce qui le pousse, il arrange et entremêle les fleurs, cherche l'harmonie des couleurs et essaie de temps à autre la couronne sur la tête de sa gentille compagne.
Un sentiment d'amitié ou d'amour a-t-il fait déjà de l'enfant un artiste précoce?
Derrière ces innocents amis s'étend le champ de l'éternel repos, avec son silence que rien ne trouble, avec ses tombes verdoyantes et ses croix renversées....
L'humble petite église s'élève au-dessus du champ des morts. Sa vieille tour, lourde et massive à la base, ressemble à un vieillard pleurant sur ses enfants qui ne sont plus; mais bientôt ses formes deviennent plus sveltes, et elle s'élance vers le ciel comme une aiguille et montre l'étoile d'or de l'espérance scintillant au-dessus des générations qui dorment dans le sein de la terre.
Le soleil répand sa joyeuse lumière sur le cimetière; les fleurs se balancent sur les tombes au souffle du vent chaud du midi; les oiseaux chantent dans les tilleuls qui ombragent le gazon bénit; des papillons bigarrés voltigent au-dessus des petites croix de bois.... Mais rien ne trouble le silence solennel ni la religieuse solitude du jardin des morts.
Janneken a achevé son oeuvre. Sur la tête de Mieken rayonne la couronne rouge et bleue qu'il a tressée pour elle.
Tous deux entrent dans le sentier qui serpente à travers le cimetière.
Janneken voit une marguerite blanche briller comme une étoile d'argent sur une tombe. Il fait un saut de côté, arrache la fleur de sa tige et la fixe sur le front de son amie.
C'est le joyau le plus précieux dans le diadème d'une reine,—reine dont la royauté naissante est la vie, dont le sceptre est la beauté, dont les trésors sont la candeur et la foi....
Mieken s'avance toute joyeuse, ses yeux bleus brillent d'un orgueil enfantin et mêlent leur doux éclat à celui des bluets qui s'agitent sur son front.
Mais elle s'arrête et regarde en souriant une petite croix de bois dont la fraîche guirlande de fleurs indique une tombe nouvellement fermée.
—La couronne que tu portes est bien plus belle, dit Janneken.
—C'est