Leçons de cosmographie à l'usage des lycées et collèges. A. Guilmin
triangle équilatéral inscrit, et dont la plus petite partie continuerait la grande, mais avec une légère inflexion.
Voici une coupe de notre nébuleuse, faite par un plan perpendiculaire au milieu de la ligne à partir de laquelle a lieu la bifurcation. Le soleil, avec la terre, est en S, tout près de cette ligne.
Quand nos regards se dirigent vers l'une des faces parallèles, notre ligne de visée sortant presque aussitôt de la couche, nous voyons fort peu d'étoiles dans cette direction. Si, au contraire, nos regards se portent autour de nous, dans des directions parallèles à ces surfaces, nos lignes de visée se prolongeant dans la couche elle-même, nous voyons à la fois une multitude d'étoiles. Ces étoiles, en se projetant en masse sur la sphère céleste, nous offrent l'aspect de cette ceinture lumineuse à laquelle on a donné le nom de voie lactée.
Comme nous voyons des étoiles en grand nombre, dans le sens des surfaces terminatrices, aussi loin que notre vue peut porter, même à l'aide de télescopes, nous regardons ces surfaces comme traversant la sphère céleste en entier, dans tous les sens; elles nous font ainsi l'effet de grands cercles d'une immense étendue. Mais sortons, par la pensée, de notre nébuleuse; éloignons-nous-en progressivement, dans une direction à peu près perpendiculaire aux surfaces terminatrices, pour gagner, par exemple, une autre nébuleuse. La surface que nous quittons, qui, en réalité, est limitée, et dont le contour n'est probablement pas circulaire, nous paraîtra de plus en plus petite. Quand nous serons arrivés dans l'autre nébuleuse, la nôtre nous apparaîtra sous le même aspect que les autres nébuleuses vues de la terre; elle nous fera l'effet d'une tache blanchâtre et peu étendue qui, vue au télescope, se résout en étoiles.
Si les étoiles qui, autour de nous, nous paraissaient d'abord isolées, composent avec celles de la voie lactée une nébuleuse analogue aux autres, nous avons eu raison de dire tout à l'heure que les étoiles forment dans l'espace des groupes ou amas plus ou moins considérables, séparés les uns des autres par des distances extrêmement grandes relativement aux distances qui séparent les étoiles d'un même groupe 23.
Note 23: (retour) Nous jugeons de l'immensité des distances qui séparent les nébuleuses les unes des autres par la faible lumière que nous envoient les nébuleuses, comparée à celle des étoiles distinctes. A en juger par cet indice, ces distances seraient telles, que la lumière mettrait des milliers d'années pour aller d'une nébuleuse à une autre.
58. Mouvement propre des étoiles. Ainsi que nous l'avons dit ailleurs, on a remarqué dans certaines nébuleuses des indices de condensation des étoiles autour de centres d'attraction intérieurs. Les étoiles de notre groupe ne seraient-elles pas animées d'un mouvement analogue; ceci nous conduit à parler des mouvements propres des étoiles.
Depuis que les moyens d'observation sont perfectionnés, on a reconnu en effet que les étoiles ne méritent pas rigoureusement le nom de fixes; certaines étoiles ont un mouvement propre angulaire que l'on est parvenu à mesurer. Voici quelques exemples:
L'étoile a de Cassiopée parcourt annuellement un arc de 3",74. Arcturus, la plus belle étoile du Bouvier, s'avance continuellement vers le midi avec une vitesse de 2",25 par an. Sirius, la Lyre, Aldébaran, subissent des déplacements analogues. Les deux étoiles de la 61e du Cygne, étoiles doubles qui, observées depuis 50 ans, sont toujours restées à la même distance, 15", l'une de l'autre, ont parcouru ensemble, pendant ce temps, un arc de 4' 23", ou environ 5",3 par an. Vers 1718, les deux étoiles qui composent l'étoile double ? de la Vierge étaient séparées par une distance de 6 à 7", et il suffisait d'un télescope passable pour les voir distinctes. Depuis elles se sont constamment rapprochées de manière à ne plus être qu'à 1" l'une de l'autre; et on ne les voit distinctes qu'à l'aide d'un puissant télescope. Enfin, tout porte à croire que notre soleil, qui n'est qu'une étoile semblable aux autres, se meut avec son cortège de planètes, se dirigeant vers une étoile de la constellation d'Hercule.
CHAPITRE II.
DE LA TERRE.
Des phénomènes qui donnent une première idée de la forme de la terre.
59. La surface de la terre nous apparaît comme une surface plane d'une grande étendue sur laquelle le ciel s'appuie comme une voûte. Mais ce n'est là qu'une illusion; les faits suivants, observés depuis longtemps, démontrent au contraire que la terre est un corps rond, isolé de toutes parts.
1° Quand un vaisseau s'éloigne du port, un spectateur placé sur le rivage le voit au bout de quelque temps s'enfoncer sous l'horizon; bientôt le corps du navire ne se voit plus même avec une lunette, tandis que les mâts et les voiles s'aperçoivent distinctement; puis le bas des mâts disparaît également, et enfin le haut. Pour revoir le navire, il suffit à l'observateur de s'élever davantage au-dessus du sol; ce sont alors les sommets des mâts qui reparaissent les premiers. Les mêmes faits ont lieu, mais en ordre inverse, quand un navire revient au port; on voit d'abord le haut des mâts, puis le bas, etc.
Les mêmes apparences se produisent partout en mer pour un observateur placé sur un navire qui s'éloigne ou se rapproche d'un autre navire.
Ces faits seraient inexplicables, impossibles, si la terre était plane; dans ce cas, en effet, le navire serait vu tout entier tant qu'il serait à portée de la vue distincte, et, dans le lointain, ce serait évidemment le corps du navire qui disparaîtrait le dernier apparaîtrait le premier.
Les mêmes apparences se reproduisent sur le continent, quand on s'éloigne ou qu'on se rapproche d'une tour ou d'une éminence dont on est séparé par un terrain étendu et découvert. D'ailleurs, si on remarque le peu de pente des fleuves qui se rendent à la mer, et ce qui se passe à leurs embouchures où la mer montante pénètre à une assez grande distance, on en conclura que la surface de chaque continent diffère peu de ce que serait la surface continuée des mers qui le baignent, si les eaux pouvaient s'étendre librement, et prendre leur position d'équilibre en pénétrant ce continent.
2° Un autre indice analogue de la convexité de la terre, c'est qu'en approchant du pôle nord, on voit l'étoile polaire de plus en plus élevée au-dessus de l'horizon, et vice versa, quand on descend vers le sud.
3° Les voyages autour du monde ont prouvé jusqu'à l'évidence que la terre est un corps rond, isolé dans l'espace. Magellan, le premier, quittant le Portugal, vogua vers l'ouest, rencontra l'Amérique, la côtoya vers le sud jusqu'à ce qu'il pût continuer sa route à l'ouest, traversa le détroit qui porte son nom, entra dans l'océan Pacifique, et fut tué à l'île de Zébu par les naturels. Son lieutenant voguant toujours à l'ouest, doubla le cap de Bonne-Espérance et aborda en Europe. La terre est donc arrondie dans le sens que nous venons d'indiquer; de nombreux voyages accomplis depuis dans toutes les directions ont prouvé qu'elle l'est dans tous les sens. De plus: