La Curée. Emile Zola

La Curée - Emile Zola


Скачать книгу
yeux d'Angèle, ce qui soulagea singulièrement Saccard. Puis, après avoir couché la petite, elle fit, en un tour de main, la toilette de la chambre mortuaire.

      Lorsqu'elle eut allumé deux bougies sur la commode, et tiré soigneusement le drap jusqu'au menton de la morte, elle jeta autour d'elle un regard de satisfaction, et s'allongea au fond d'un fauteuil, où elle sommeilla jusqu'au petit jour. Saccard passa la nuit dans la pièce voisine, à écrire des lettres de faire-part. Il s'interrompait par moments, s'oubliait, alignait des colonnes de chiffres sur des bouts de papier.

      Le soir de l'enterrement, Mme Sidonie emmena Saccard à son entresol. Là furent prises de grandes résolutions. L'employé décida qu'il enverrait la petite Clotilde à un de ses frères, Pascal Rougon, un médecin de Plassans, qui vivait en garçon, dans l'amour de la science, et qui plusieurs fois lui avait offert de prendre sa nièce avec lui, pour égayer sa maison silencieuse de savant.

      Mme Sidonie lui fit ensuite comprendre qu'il ne pouvait habiter plus longtemps la rue Saint-Jacques. Elle lui louerait pour un mois un appartement élégamment meublé, aux environs de l'Hôtel de Ville; elle tâcherait de trouver cet appartement dans une maison bourgeoise, pour que les meubles parussent lui appartenir. Quant au mobilier de la rue Saint-Jacques, il serait vendu, afin d'effacer jusqu'aux dernières senteurs du passé. Il en emploierait l'argent à s'acheter un trousseau et des vêtements convenables. Trois jours après Clotilde était remise entre les mains d'une vieille dame qui se rendait justement dans le Midi. Et Aristide Saccard, triomphant, la joue vermeille, comme engraissé en trois journées par les premiers sourires de la fortune, occupait au Marais, rue Payenne, dans une maison sévère et respectable, un coquet logement de cinq pièces, où il se promenait en pantoufles brodées. C'était le logement d'un jeune abbé, parti subitement pour l'Italie, et dont la servante avait reçu l'ordre de trouver un locataire. Cette servante était une amie de Mme Sidonie, qui donnait un peu dans la calotte; elle aimait les prêtres, de l'amour dont elle aimait les femmes, par instinct, établissant peut-être certaines parentés nerveuses entre les soutanes et les jupes de soie. Dès lors, Saccard était prêt; il composa son rôle avec un art exquis; il attendit sans sourciller les difficultés et les délicatesses de la situation qu'il avait acceptée, Mme Sidonie, dans l'affreuse nuit de l'agonie d'Angèle, avait fidèlement conté en quelques mots le cas de la famille Béraud. Le chef, M. Béraud du Châtel, un grand vieillard de soixante ans, était le dernier représentant d'une ancienne famille bourgeoise, dont les titres remontaient plus haut que ceux de certaines familles nobles. Un de ses ancêtres était compagnon d'Etienne Marcel. En 93, son père mourait sur l'échafaud, après avoir salué la République de tous ses enthousiasmes de bourgeois de Paris dans les veines duquel coulait le sang révolutionnaire de la cité. Lui-même était un de ces républicains de Sparte rêvant un gouvernement d'entière justice et de sage liberté. Vieilli dans la magistrature, où il avait pris une roideur et une sévérité de profession, il donna sa démission de président de chambre, en 1851, lors du coup d'État, après avoir refusé de faire partie d'une de ces commissions mixtes qui déshonorèrent la justice française. Depuis cette époque, il vivait solitaire et retiré dans son hôtel de l'île Saint-Louis, qui se trouvait à la pointe de l'île, presque en face de l'hôtel Lambert. Sa femme était morte jeune. Quelque drame secret, dont la blessure saignait toujours, dut assombrir encore la figure grave du magistrat. Il avait déjà une fille de huit ans, Renée, lorsque sa femme expira en donnant le jour à une seconde fille. Cette dernière, qu'on nomma Christine, fut recueillie par une sœur de M. Béraud du Châtel, mariée au notaire Aubertot. Renée alla au couvent. Mme Aubertot, qui n'avait pas d'enfant, se prit d'une tendresse maternelle pour Christine, qu'elle éleva auprès d'elle. Son mari étant mort, elle ramena la petite à son père, et resta entre ce vieillard silencieux et cette blondine souriante. Renée fut oubliée en pension.

      Aux vacances, elle emplissait l'hôtel d'un tel tapage que sa tante poussait un grand soupir de soulagement quand elle la reconduisait enfin chez les dames de la Visitation, où elle était pensionnaire depuis l'âge de huit ans.

      Elle ne sortit du couvent qu'à dix-neuf ans, et ce fut pour aller passer une belle saison chez les parents de sa bonne amie Adeline, qui possédaient, dans le Nivernais, une admirable propriété. Quand elle revint en octobre, la tante Élisabeth s'étonna de la trouver grave, d'une tristesse profonde. Un soir, elle la surprit étouffant ses sanglots dans son oreiller, tordue sur son lit par une crise de douleur folle. Dans l'abandon de son désespoir, l'enfant lui raconta une histoire navrante: un homme de quarante ans, riche, marié, et dont la femme, jeune et charmante, était là, l'avait violentée à la campagne, sans qu'elle sût ni osât se défendre. Cet aveu terrifia la tante Élisabeth; elle s'accusa, comme si elle s'était sentie complice; ses préférences pour Christine la désolaient, et elle pensait que, si elle avait également gardé Renée près d'elle, la pauvre enfant n'aurait pas succombé. Dès lors, pour chasser ce remords cuisant, dont sa nature tendre exagérait encore la souffrance, elle soutint la coupable; elle amortit la colère du père, auquel elles apprirent toutes deux l'horrible vérité par l'excès même de leurs précautions; elle inventa, dans l'effarement de sa sollicitude, cet étrange projet de mariage, qui lui semblait tout arranger, apaiser le père, faire rentrer Renée dans le monde des femmes honnêtes, et dont elle voulait ne pas voir le côté honteux ni les conséquences fatales.

      Конец ознакомительного фрагмента.

      Текст предоставлен ООО «ЛитРес».

      Прочитайте эту книгу целиком, купив полную легальную версию на ЛитРес.

      Безопасно оплатить книгу можно банковской картой Visa, MasterCard, Maestro, со счета мобильного телефона, с платежного терминала, в салоне МТС или Связной, через PayPal, WebMoney, Яндекс.Деньги, QIWI Кошелек, бонусными картами или другим удобным Вам способом.

/9j/4AAQSkZJRgABAgAAAQABAAD/2wBDAAgGBgcGBQgHBwcJCQgKDBQNDAsLDBkSEw8UHRofHh0a HBwgJC4nICIsIxwcKDcpLDAxNDQ0Hyc5PTgyPC4zNDL/2wBDAQkJCQwLDBgNDRgyIRwhMjIyMjIy MjIyMjIyMjIyMjIyMjIyMjIyMjIyMjIyMjIyMjIyMjIyMjIyMjIyMjIyMjL/wAARCBLAC7gDASIA AhEBAxEB/8QAHwAAAQUBAQEBAQEAAAAAAAAAAAECAwQFBgcICQoL/8QAtRAAAgEDAwIEAwUFBAQA AAF9AQIDAAQRBRIhMUEGE1FhByJxFDKBkaEII0KxwRVS0fAkM2JyggkKFhcYGRolJicoKSo0NTY3 ODk6Q0RFRkdISUpTVFVWV1hZWmNkZWZnaGlqc3R1dnd4eXqDhIWGh4iJipKTlJWWl5iZmqKjpKWm p6ipqrKztLW2t7i5usLDxMXGx8jJytLT1NXW19jZ2uHi4+Tl5ufo6erx8vP09fb3+Pn6/8QAHwEA AwEBAQEBAQEBAQAAAAAAAAECAwQFBgcICQoL/8QAtREAAgECBAQDBAcFBAQAAQJ3AAECAxEEBSEx BhJBUQdhcRMiMoEIFEKRobHBCSMzUvAVYnLRChYkNOEl8RcYGRomJygpKjU2Nzg5OkNERUZHSElK U1RVVldYWVpjZGVmZ2hpanN0dXZ3eHl6goOEhYaHiImKkpOUlZaXmJmaoqOkpaanqKmqsrO0tba3 uLm6wsPExcbHyMnK0tPU1dbX2Nna4uPk5ebn6Onq8vP09fb3+Pn6/9oADAMBAAIRAxEAPwDwqiii kMeOaQgGkHWnUAH3aYeaUmkoABQaBSmgCSJucVZU96pA4Oatg/LUsaNSynwwq/c6sIlEcIDP3JrB jkKKSDg+xoRsg5PJrD2abNebQfc3U0g+ZsgfrVNn3NzwfarEg4qo/B4rWKsZt3HEcU3AzTgcpTTV iGsaZig9aWmISilpKBEg+YYowOtNQ804nigZGetJS0lAhaKKKAENKOKTvS0DCiiimISnA4NNopDJ eDQSAKavShqAGk5NFFFABRRRQIMUh9Kd2ptMBKKKKACiiigBaKUUlABRRRQAtLnNIKKQARSU402g BaSlpKAA08cimU5etAC4FNPNOPAptMAoopTQAlO4PWm0DrSAXpSUpNJTAKKKKADoaXFJSikAdKSl NJQAUUUUAGaQ0tJTAd0FJRRQAlKKaaUUAOzRikpe1ACE0lB60UAFFFFABTgKbTx0oAQmm0ppKAHC nqSp4pgpaQFgEMKQqO1MjOOKex+WkxkTE9KSkJyc0opgxuKcrYpDQKBDmAPNOQCmjpTgcKaBjXOS RTCKdSGgQCpFbjBqMU6gBrYz0qRcBc4qM807otAxCcmg0lO7UAMPWpEOeKj704cUAS7QTzTj8i5p wHeo5j0FICIkkk0mKWkpgFSIecVHSqcNQBLtHpSsdopy1FL9/FIBhOTk0lLSUwDnqKmQ7hUNPjJD UASbBnpTXO3inZ4qFjljSATrS0lLTAUMR0qYEMMmoKfG3agCTgdKY8p6ClY8VB1NIB2aKTNANMBy ttPt3qckMKr1LEcigBcADNRMdxqaThf6VBQA00GlNNNAhO9KRSU5RmgY6NccmldyfpTiMJUZoASl oooETRyfwmnNg9qr96nB4FAxCQoJqEnNPkJ6UygBMUDP40uKKALEcmVwaY6ZPSmLwwqY0ANVvLHF IzluTTXPzUlACGgHHNIaKAJQQwpOPSmr1p+3mkBGx7UlB60tMQ00obByKQ0lAE3DCgKB0pqHnFP6 DNAyN2plLRigQUoODRR2oAkOCM0wYBpy/dpjEigY9nzwOlMpBS0CCponKkCoacDigCxIAeaj4A9q duyoqN+nWgY1mLU2ikzQICKVDg0lHQ0ATBQTmlLBBQv3RTJOuKRQ0sWOTSUCimIWpUkzw3WoaVTg g0ASsBTC+KcxqE9aQDs560GkFGaYACR0qwjhh71Xp8Zw1AE2B1HWmyPtGB1pwPNQscsTSAaaBRRT AVXKnipshhkCq9SRHBxmgCQKKZI3OBTycAmoDySaBiUUUUCHo5X6VMRuGaripozlMUmNCEBeaiZs 1K/3TUBoEFFLRTAVWxwaeQD1FR1IvK0AKcAc
Скачать книгу