Le roman d'un jeune homme pauvre. Feuillet Octave
Laroque, jeune homme, a beaucoup ri de ma manière de recommander les gens, mais finalement il paraît que c'était une bonne manière, puisqu'elle a réussi.
Le digne vieillard s'est offert alors à me donner quelques notions élémentaires et générales sur l'espèce d'administration dont je vais être chargé; il y ajouta, au sujet des intérêts de la famille Laroque, des renseignements qu'il a pris la peine de recueillir et de rédiger pour moi.
— Et quand devrai-je partir, mon cher monsieur?
— Mais, à vrai dire, mon garçon (il n'était plus question de monsieur le marquis), le plus tôt sera le mieux, car ces gens là-bas ne sont pas capables à eux tous de faire une quittance. Mon excellente amie, madame Laroque, en particulier, femme d'ailleurs recommandable à divers titres, est en affaires d'une incurie, d'une inaptitude, d'une enfance qui dépasse l'imagination. C'est une créole.
— Ah! c'est une créole? ai-je répété avec je ne sais quelle vivacité.
— Oui, jeune homme, une vieille créole, a repris sèchement M. Laubépin. Son mari était Breton: mais ces détails viendront en leur temps… A demain, Maxime, bon courage!… Ah! j'oubliais… Jeudi matin, avant mon départ, j'ai fait une chose qui ne vous sera pas désagréable. Vous aviez parmi vos créanciers quelques fripons dont les relations avec votre père avaient été visiblement entachées d'usure: armé des foudres légales, j'ai réduit leurs créances de moitié, et j'ai obtenu quittance du tout. Il vous reste en définitive un capital d'une vingtaine de mille francs. En joignant à cette réserve les économies que vous pourrez faire chaque année sur vos honoraires, nous aurons dans dix ans une jolie dot pour Hélène… Ah çà! venez demain déjeuner avec maître Laubépin, et nous achèverons de régler cela… Bonsoir, Maxime, bonne nuit, mon cher enfant.
— Que Dieu vous bénisse, monsieur!
Château de Laroque (d'Arz), 1er mai.
J'ai quitté Paris hier. Ma dernière entrevue avec M. Laubépin a été pénible. J'ai voué à ce vieillard les sentiments d'un fils. Il a fallu ensuite dire adieu à Hélène. Pour lui faire comprendre la nécessité où je me trouve d'accepter un emploi, il était indispensable de lui laisser entrevoir une partie de la vérité. J'ai parlé de quelques embarras de fortune passagers. La pauvre enfant en a compris, je crois, plus que je n'en disais: ses grands yeux étonnés se sont remplis de larmes, et elle m'a sauté au cou.
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