Madame Thérèse. Erckmann-Chatrian

Madame Thérèse - Erckmann-Chatrian


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forms, they have laid themselves open to criticism by monotonous repetition. But it cannot be said truthfully that their works exhibit any serious faults of style.

      Madame Thérèse is one of the Romans Nationaux which lends itself readily to abridgment. It contains elaborate pictures and extensive descriptions of Anstatt life that interrupt the thread of the plot itself. Periodically the story is turned over to the "local color artist"--whichever of the two he may have been--who has carte blanche to paint for us beautiful idyllic pictures of life in the little Alsatian village. But as these pictures are apart from the growth of the cause of liberty--the main theme of the Romans Nationaux--they have frequently been omitted in this edition.

      E. M.

       Table des matières

       Table des matières

      Nous vivions dans une paix profonde au village d'Anstatt, 1 au milieu des Vosges allemandes, 2 mon oncle le docteur Jacob Wagner, sa vieille servante Lisbeth et moi. Depuis la mort de sa soeur Christine, 3 l'oncle Jacob m'avait recueilli chez lui. J'approchais de mes dix ans; j'étais blond, rosé et frais comme un chérubin. On m'appelait le petit Fritzel au village, et chaque soir, en rentrant de ses courses, 4 l'oncle Jacob me faisait asseoir 5 sur ses genoux pour m'apprendre à lire en français dans l'Histoire naturelle de M. de Buffon. 6

      Il me semble encore être 7 dans notre chambre basse. Je vois l'oncle Jacob, élancé, le front haut, surmonté de sa belle chevelure blonde dessinant ses larges tempes avec grâce, 8 le nez légèrement aquilin, les yeux bleus, le menton arrondi, les lèvres tendres et bonnes.

      C'était un homme sentimental, 9 amateur de la paix; il approchait de la quarantaine et passait pour être le meilleur médecin du pays. J'ai su depuis qu'il se plaisait à faire des théories sur la fraternité universelle, et que les paquets de livres que lui apportait de temps en temps le messager Fritz concernaient cet objet important.

      Tout cela je le vois, 10 sans oublier notre Lisbeth, une bonne vieille, qui file dans un coin.

      Tous les jours, vers la fin du souper un pas lourd traversait l'allée, la porte s'ouvrait, et sur le seuil apparaissait un homme qui disait:

      «Bonsoir, monsieur le docteur.

      --Asseyez-vous, mauser, 1 répondait l'oncle. Lisbeth, ouvre la cuisine.»

      Lisbeth poussait la porte, et la flamme rouge, dansant sur l'âtre, nous montrait le taupier en face de notre table, regardant de ses petits yeux gris ce que nous mangions.

      Le mauser pouvait avoir cinquante ans; ses cheveux grisonnaient, de grosses rides sillonnaient son front rougeâtre.

      On le voyait toujours aux champs en train de poser ses attrapes, ou bien à la porte de son rucher à mi-côte, dans les bruyères du Birkenwald.

      En dehors des taupes et des abeilles, du miel et de la cire, le mauser avait encore une autre occupation grave: il prédisait l'avenir moyennant le passage des oiseaux et certaines traditions inscrites dans un gros livre à couvercle de bois, qu'il avait hérité d'une vieille tante de Héming, 2 et qui l'éclairait sur les choses futures.

      Mais pour entamer le chapitre de ses prédictions, il lui fallait la présence de son ami Koffel, le menuisier, le tourneur, l'horloger, le tondeur de chiens, le guérisseur de bêtes, bref, le plus beau génie d'Anstatt et des environs.

      Koffel faisait de tout: 3 il rafistolait la vaisselle fêlée avec du fil de fer, 4 il étamait les casseroles, il réparait les vieux meubles détraqués, il remettait l'orgue en bon état quand les flûtes ou les soufflets étaient dérangés; l'oncle Jacob avait même dû lui défendre de redresser les jambes et les bras cassés, car il se sentait aussi du talent pour la médecine. Le mauser l'admirait beaucoup et disait quelquefois: «Quel dommage que Koffel n'ait pas étudié!... quel dommage!»

      Mais tout cela ne faisait pas bouillir sa marmite, et le plus clair de ses ressources était encore d'aller couper de la choucroute en automne, son tiroir à rabots 1 sur le dos en forme de hotte, criant de porte en porte: «Pas de choux? 2 pas de choux?»

      Voilà 3 pourtant comment les grands esprits sont récompensés.

      Koffel entrait quelques instants après le mauser, et, s'avançant à petits pas, il disait d'un air grave:

      «Bon appétit, monsieur le 4 docteur.

      --Si le coeur vous en dit? 5 répondait l'oncle.

      --Bien des remerciements; nous avons mangé ce soir de la salade; c'est ce que j'aime le mieux.»

      Après ces paroles, Koffel allait s'asseoir derrière le fourneau et ne bougeait pas jusqu'au moment où l'oncle disait:

      «Allons, Lisbeth, allume la chandelle et lève la nappe.»

      Alors, à son tour, l'oncle bourrait sa pipe et se rapprochait du fourneau. On se mettait à causer de la pluie et du beau temps, 6 etc.; le taupier avait posé tant d'attrapes pendant la journée, ou bien il venait de retirer tant de miel de ses ruches.

      Koffel, lui, 7 ruminait toujours quelque invention; il parlait de son horloge sans poids, où les douze apôtres devaient paraître au coup de midi, pendant que le coq chanterait et que la mort faucherait; ou bien de sa charrue, qui devait marcher toute seule, en la remontant comme une pendule, ou de telle autre découverte merveilleuse.

      L'oncle écoutait gravement; il approuvait d'un signe de tête, en rêvant à ses malades.

      Moi, je profitais d'un bon moment pour courir à la forge de Klipfel, dont la flamme brillait de loin, dans la nuit, au bout du village. Hans Aden, Frantz Sépel et plusieurs autres s'y trouvaient déjà réunis. Nous regardions les étincelles partir comme des éclairs sous les coups de marteau; nous sifflions 1 au bruit de l'enclume. Se présentait-il une vieille 2 rosse à ferrer, nous aidions à lui lever la jambe.

      Ainsi se passaient les jours ordinaires de la semaine; mais les lundis et les vendredis l'oncle recevait la Gazette de Francfort, et ces jours-là les réunions étaient plus nombreuses à la maison. Outre le mauser et Koffel, nous voyions arriver notre bourgmestre Christian Meyer et M. Karolus Richter, le petit-fils d'un ancien valet du comte de Salm-Salm 3. Ni l'un ni l'autre ne voulait s'abonner à la gazette, mais ils aimaient d'en entendre la lecture pour rien.

      Que de fois je me suis rappelé le grand Karolus, le plus grand usurier 4 du pays, qui regardait tous les paysans du haut de sa grandeur, parce que son grand-père avait été laquais de Salm-Salm, et qui s'imaginait vous faire des grâces en fumant votre tabac. Combien de fois je l'ai revu en rêve, allant, venant dans notre chambre basse, écoutant, fronçant le sourcil, plongeant tout à coup la main dans la grande poche de l'habit de l'oncle, pour lui prendre son paquet de tabac, bourrant sa pipe et l'allumant à la chandelle en disant:

      «Permettez!»

      Oui, toutes ces choses, je les revois.

      Pauvre oncle Jacob qu'il était bonhomme de se laisser fumer son tabac, mais il n'y prenait pas même garde; il lisait avec tant d'attention les nouvelles du jour. Les Républicains 1 envahissaient le Palatinat,


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