Le roman d'un enfant. Pierre Loti
qui était restée à cette place depuis le temps où il venait s'amuser là, avec sa sœur...
Oh! alors je me levai, demandant qu'on cessât de lire, sentant les sanglots qui me venaient... J'avais vu, absolument vu, ce jardin solitaire, ce vieux berceau dépouillé, et, à moitié cachée sous ces feuilles rousses, cette perle bleue, souvenir d'une sœur morte... Tout cela me faisait mal, affreusement, me donnait la conception de la fin languissante des existences et des choses, de l'immense effeuillement de tout...
Il est étrange que mon enfance si tendrement choyée m'ait surtout laissé des images tristes.
Évidemment, ces tristesses étaient les très rares exceptions, et je vivais d'ordinaire dans l'insouciance gaie de tous les enfants; mais sans doute, les jours de complète gaieté, précisément parce qu'ils étaient habituels, ne marquaient rien dans ma tête, et je ne les retrouve plus.
J'ai aussi beaucoup de souvenirs d'été, qui sont tous les mêmes, qui font comme des taches claires de soleil sur la confusion des choses entassées dans ma tête.
Et toujours, la grande chaleur, les très profonds ciels bleus, les étincellements de nos plages de sable, la réverbération de la lumière sur les chaux blanches des maisonnettes dans nos petite villages de «l'île», me causaient ces impressions de mélancolie et de sommeil que j'ai retrouvées ensuite, avec une intensité plus grande, dans les pays d'Islam...
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