Mon frère Yves. Pierre Loti
seconde fois, c'était à Pernambuco. J'avais perdu sur parole, dans une maison de jeu, avec des Portugais. Le lendemain, il fallait donner cet argent, et, comme il ne m'en restait pas, ni aux amis du poste non plus, cela devenait difficile.
Yves avait pris cette situation très au tragique, et vite il était venu m'offrir son argent à lui, qui était déposé sous ma garde dans un tiroir de mon secrétaire.
«Ça me ferait tant de plaisir, capitaine, si vous vouliez le prendre! D'abord je n'ai plus besoin d'aller à terre, moi, et même ça me rendrait service, vous le savez bien, de ne plus pouvoir y retourner.
—Eh bien, oui, mon brave Yves, je l'accepterais pour quelques jours, ton argent, puisque tu veux me le prêter; mais c'est que, vois-tu, il me manquerait encore cent francs. Alors, tu comprends, ça ne vaut pas la peine.
—Encore cent francs? Je crois que je les ai en bas dans mon sac.»
Et il s'en alla, me laissant très étonné. Dans son sac, encore cent francs, cela n'était pas vraisemblable.
Il fut très longtemps à revenir. Il ne trouvait pas. J'avais prévu cela.
Enfin il reparut:
«Voilà», dit-il en me tendant son pauvre porte-monnaie de matelot avec une bonne figure heureuse.
Alors une frayeur me vint, et je lui dis, pour voir:
«Yves, prête-moi aussi ta montre, je te prie; j'ai laissé la mienne en gage.»
Il se troubla beaucoup, racontant qu'elle était cassée. J'avais deviné juste: pour avoir ces cent francs, il venait de la vendre avec la chaîne, moitié de son prix, à un quartier-maître du bord.
Aussi Yves savait-il qu'il pouvait en appeler à moi en toute circonstance. Et, quand Barrada vint me chercher de sa part, je descendis le trouver dans la cale, aux fers.
Mais il s'était mis cette fois dans un cas bien grave en bousculant ce vieux maître, et j'eus beau intercéder pour lui, la punition fut dure. Quatre mois après, il lui fallut repartir sans avoir vu sa mère.
Au moment de m'embarquer avec lui sur la Sibylle pour un tour du monde en trois cents jours, je l'emmenai un dimanche à Saint-Pol-de-Léon, afin de le consoler.
C'était tout ce que je pouvais pour lui, car son Plouherzel était bien loin de Brest, dans les Côtes-du-Nord, au fond d'un pays perdu, et on n'avait encore construit par là aucun chemin de fer capable, en une journée, de nous y conduire.
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