LUPIN: Les aventures complètes. Морис Леблан

LUPIN: Les aventures complètes - Морис Леблан


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      Chapman, que l’on avait transporté dans sa propre chambre, à gauche du salon, ainsi qu’Edwards, était déjà remis de ses épreuves. Il exposa par le menu les événements de la veille, les inquiétudes de M. Kesselbach, la visite annoncée du soi-disant colonel, et enfin raconta l’agression dont ils avaient été victimes.

      – Ah ! Ah ! s’écria M. Formerie, il y a un complice ! Et vous avez entendu son nom… Marco, dites-vous… Ceci est très important. Quand nous tiendrons le complice, la besogne sera avancée…

      – Oui, mais nous ne le tenons pas, risqua M. Lenormand.

      – Nous allons voir… chaque chose à son temps. Et alors, monsieur Chapman, ce Marco est parti aussitôt après le coup de sonnette de M. Gourel ?

      – Oui, nous l’avons entendu partir.

      – Et après ce départ vous n’avez plus rien entendu ?

      – Si… de temps à autre, mais vaguement… La porte était close.

      – Et quelle sorte de bruit ?

      – Des éclats de voix. L’individu…

      – Appelez-le par son nom, Arsène Lupin.

      – Arsène Lupin a dû téléphoner.

      – Parfait ! Nous interrogerons la personne de l’hôtel qui est chargée du service des communications avec la ville. Et plus tard, vous l’avez entendu sortir, lui aussi ?

      – Il a constaté que nous étions toujours bien attachés, et, un quart d’heure après, il partait en refermant sur lui la porte du vestibule.

      – Oui, aussitôt son forfait accompli. Parfait… Parfait… Tout s’enchaîne… Et après ?…

      – Après, nous n’avons plus rien entendu… la nuit s’est passée… la fatigue m’a assoupi… Edwards également… et ce n’est que ce matin…

      – Oui… je sais… Allons, ça ne va pas mal… tout s’enchaîne…

      Et, marquant les étapes de son enquête, du ton dont il aurait marqué autant de victoires sur l’inconnu, il murmura pensivement :

      – Le complice… le téléphone… l’heure du crime… les bruits perçus… Bien… Très bien… il nous reste à fixer le mobile du crime. En l’espèce, comme il s’agit de Lupin, le mobile est clair. Monsieur Lenormand, vous n’avez pas remarqué la moindre trace d’effraction ?

      – Aucune.

      – C’est qu’alors le vol aura été effectué sur la personne même de la victime. A-t-on retrouvé son portefeuille ?

      – Je l’ai laissé dans la poche de la jaquette, dit Gourel.

      Ils passèrent tous dans le salon, où M. Formerie constata que le portefeuille ne contenait que des cartes de visite et des papiers d’identité.

      – C’est bizarre. Monsieur Chapman, vous ne pourriez pas nous dire si M. Kesselbach avait sur lui une somme d’argent ?

      – Oui ; la veille, c’est-à-dire avant-hier lundi, nous sommes allés au Crédit Lyonnais, où M. Kesselbach a loué un coffre…

      – Un coffre au Crédit Lyonnais ? Bien… il faudra voir de ce côté.

      – Et, avant de partir, M. Kesselbach s’est fait ouvrir un compte, et il a emporté cinq ou six mille francs en billets de banque.

      – Parfait… nous sommes éclairés.

      Chapman reprit :

      – Il y a un autre point, monsieur le juge d’instruction. M. Kesselbach, qui depuis quelques jours était très inquiet – je vous en ai dit la cause… un projet auquel il attachait une importance extrême – M. Kesselbach semblait tenir particulièrement à deux choses : d’abord une cassette d’ébène, et cette cassette il l’a mise en sûreté au Crédit Lyonnais, et ensuite une petite enveloppe de maroquin noir où il avait enfermé quelques papiers.

      – Et cette enveloppe ?

      – Avant l’arrivée de Lupin, il l’a déposée devant moi dans ce sac de voyage.

      M. Formerie prit le sac et fouilla. L’enveloppe ne s’y trouvait pas. Il se frotta les mains.

      – Allons, tout s’enchaîne… Nous connaissons le coupable, les conditions et le mobile du crime. Cette affaire-là ne traînera pas. Nous sommes bien d’accord sur tout, monsieur Lenormand ?

      – Sur rien.

      Il y eut un instant de stupéfaction. Le commissaire de police était arrivé et, derrière lui, malgré les agents qui gardaient la porte, la troupe des journalistes et le personnel de l’hôtel avaient forcé l’entrée et stationnaient dans l’antichambre.

      Si notoire que fût la rudesse du bonhomme, rudesse qui n’allait pas sans quelque grossièreté et qui lui avait déjà valu certaines semonces en haut lieu, la brusquerie de la réponse déconcerta. Et M. Formerie, tout spécialement, parut interloqué.

      – Pourtant, dit-il, je ne vois rien là que de très simple : Lupin est le voleur…

      – Pourquoi a-t-il tué ? lui jeta M. Lenormand.

      – Pour voler.

      – Pardon, le récit des témoins prouve que le vol a eu lieu avant l’assassinat. M. Kesselbach a d’abord été ligoté et bâillonné, puis volé. Pourquoi Lupin qui, jusqu’ici, n’a jamais commis de crime, aurait-il tué un homme réduit à l’impuissance et déjà dépouillé ?

      Le juge d’instruction caressa ses longs favoris blonds d’un geste qui lui était familier quand une question lui paraissait insoluble. Il répondit d’un ton pensif :

      – Il y a à cela plusieurs réponses…

      – Lesquelles ?

      – Cela dépend… cela dépend d’un tas d’éléments encore inconnus… Et puis, d’ailleurs, l’objection ne vaut que pour la nature des motifs. Pour le reste, nous sommes d’accord.

      – Non.

      Cette fois encore, ce fut net, coupant, presque impoli, au point que le juge, tout à fait désemparé, n’osa même pas protester et qu’il resta interdit devant cet étrange collaborateur. À la fin il articula :

      – Chacun son système. Je serais curieux de connaître le vôtre.

      – Je n’en ai pas.

      Le chef de la Sûreté se leva et fit quelques pas à travers le salon en s’appuyant sur sa canne. Autour de lui, on se taisait et c’était assez curieux de voir ce vieil homme malingre et cassé dominer les autres par la force d’une autorité que l’on subissait sans l’accepter encore.

      Après un long silence, il prononça :

      – Je voudrais visiter les pièces qui touchent à cet appartement. Le directeur lui montra le plan de l’hôtel. La chambre de droite, celle de M. Kesselbach, n’avait point d’autre issue que le vestibule même de l’appartement. Mais la chambre de gauche, celle du secrétaire, communiquait avec une autre pièce. Il dit :

      – Visitons-la.

      M. Formerie ne put s’empêcher de hausser les épaules et de bougonner :

      – Mais la porte de communication est verrouillée et la fenêtre close.

      – Visitons-la, répéta M. Lenormand.

      On le conduisit dans cette pièce qui était la première des cinq chambres réservées à Mme Kesselbach. Puis, sur sa prière, on le conduisit dans les chambres qui suivaient. Toutes les portes de communication étaient verrouillées des deux côtés.

      Il


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