Les Aventures d'Arsène Lupin (La collection complète). Морис Леблан

Les Aventures d'Arsène Lupin (La collection complète) - Морис Леблан


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Vous êtes celui que j’attendais.

      – Moi !

      – Oui, Sire.

       Charlemagne

      Table des matières

      – 1 –

      – Silence, dit vivement l’étranger. Ne prononcez pas ce mot-là.

      – Comment dois-je appeler Votre… ?

      – D’aucun nom.

      Ils se turent tous les deux, et ce moment de répit n’était pas de ceux qui précèdent la lutte de deux adversaires prêts à combattre. L’étranger allait et venait, en maître qui a coutume de commander et d’être obéi. Lupin, immobile, n’avait plus son attitude ordinaire de provocation ni son sourire d’ironie. Il attendait, le visage grave. Mais, au fond de son être, ardemment, follement, il jouissait de la situation prodigieuse où il se trouvait, là, dans cette cellule de prisonnier, lui détenu, lui l’aventurier, lui l’escroc et le cambrioleur, lui, Arsène Lupin… et, en face de lui, ce demi-dieu du monde moderne, entité formidable, héritier de César et de Charlemagne.

      Sa propre puissance le grisa un moment. Il eut des larmes aux yeux, en songeant à son triomphe.

      L’étranger s’arrêta.

      Et tout de suite, dès la première phrase, on fut au cœur de la position.

      – C’est demain le 22 août. Les lettres doivent être publiées demain, n’est-ce pas ?

      – Cette nuit même. Dans deux heures, mes amis doivent déposer au Grand-Journal, non pas encore les lettres, mais la liste exacte de ces lettres, annotée par le grand-duc Hermann.

      – Cette liste ne sera pas déposée.

      – Elle ne le sera pas.

      – Vous me la remettrez.

      – Elle sera remise entre les mains de Votre… entre vos mains.

      – Toutes les lettres également.

      – Toutes les lettres également.

      – Sans qu’aucune ait été photographiée.

      – Sans qu’aucune ait été photographiée.

      L’étranger parlait d’une voix calme, où il n’y avait pas le moindre accent de prière, pas la moindre inflexion d’autorité. Il n’ordonnait ni ne questionnait : il énonçait les actes inévitables d’Arsène Lupin. Cela serait ainsi. Et cela serait, quelles que fussent les exigences d’Arsène Lupin, quel que fût le prix auquel il taxerait l’accomplissement de ces actes. D’avance, les conditions étaient acceptées.

      « Bigre, se dit Lupin, j’ai affaire à forte partie. Si l’on s’adresse à ma générosité, je suis perdu… »

      La façon même dont la conversation était engagée, la franchise des paroles, la séduction de la voix et des manières, tout lui plaisait infiniment.

      Il se raidit pour ne pas faiblir et pour ne pas abandonner tous les avantages qu’il avait conquis si âprement.

      Et l’étranger reprit :

      – Vous avez lu ces lettres ?

      – Non.

      – Mais quelqu’un des vôtres les a lues ?

      – Non.

      – Alors ?

      – Alors, j’ai la liste et les annotations du grand-duc. Et en outre, je connais la cachette où il a mis tous ses papiers.

      – Pourquoi ne les avez-vous pas pris déjà ?

      – Je ne connais le secret de la cachette que depuis mon séjour ici. Actuellement, mes amis sont en route.

      – Le château est gardé : deux cents de mes hommes les plus sûrs l’occupent.

      – Dix mille ne suffiraient pas.

      Après une minute de réflexion, le visiteur demanda :

      – Comment connaissez-vous le secret ?

      – Je l’ai deviné.

      – Mais vous aviez d’autres informations, des éléments que les journaux n’ont pas publiés ?

      – Rien.

      – Cependant, durant quatre jours, j’ai fait fouiller le château…

      – Herlock Sholmès a mal cherché.

      – Ah ! fit l’étranger en lui-même, c’est bizarre… c’est bizarre… Et vous êtes sûr que votre supposition est juste ?

      – Ce n’est pas une supposition, c’est une certitude.

      – Tant mieux, tant mieux, murmura-t-il… Il n’y aura de tranquillité que quand ces papiers n’existeront plus.

      Et, se plaçant brusquement en face d’Arsène Lupin :

      – Combien ?

      – Quoi ? dit Lupin interloqué.

      – Combien pour les papiers ? Combien pour la révélation du secret ?

      Il attendait un chiffre. Il proposa lui-même :

      – Cinquante mille… cent mille ?…

      Et comme Lupin ne répondait pas, il dit, avec un peu d’hésitation :

      – Davantage ? Deux cent mille ? Soit ! J’accepte.

      Lupin sourit et dit à voix basse :

      – Le chiffre est joli. Mais n’est-il point probable que tel monarque, mettons le roi d’Angleterre, irait jusqu’au million ? En toute sincérité ?

      – Je le crois.

      – Et que ces lettres, pour l’Empereur, n’ont pas de prix, qu’elles valent aussi bien deux millions que deux cent mille francs aussi bien trois millions que deux millions ?

      – Je le pense.

      – Et, s’il le fallait, l’Empereur les donnerait, ces trois millions ?

      – Oui.

      – Alors, l’accord sera facile.

      – Sur cette base ? s’écria l’étranger non sans inquiétude.

      – Sur cette base, non… Je ne cherche pas l’argent. C’est autre chose que je désire, une autre chose qui vaut beaucoup plus pour moi que des millions.

      – Quoi ?

      – La liberté.

      L’étranger sursauta :

      – Hein ! Votre liberté… mais je ne puis rien… Cela regarde votre pays… la justice… Je n’ai aucun pouvoir.

      Lupin s’approcha et, baissant encore la voix :

      – Vous avez tout pouvoir, Sire… Ma liberté n’est pas un événement si exceptionnel qu’on doive vous opposer un refus.

      – Il me faudrait donc la demander ?

      – Oui.

      – À qui ?

      – À Valenglay, président du Conseil des ministres.

      – Mais M. Valenglay lui-même, ne peut pas plus que moi…

      – Il peut m’ouvrir les portes de cette prison.

      –


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