Les Aventures d'Arsène Lupin (La collection complète). Морис Леблан

Les Aventures d'Arsène Lupin (La collection complète) - Морис Леблан


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mourra.

      « Et Dolorès de Malreich, triomphante, enfin, à l’abri de tout soupçon, puisque le coupable est découvert, affranchie de son passé d’infamies et de crimes, son mari mort, son frère mort, sa sœur morte, ses deux servantes mortes, Steinweg mort, délivrée par moi de ses complices, que je jette tout ficelés entre les mains de Weber ; délivrée d’elle-même enfin par moi, qui fais monter à l’échafaud l’innocent qu’elle substitue à elle-même, Dolorès victorieuse, riche à millions, aimée de Pierre Leduc, Dolorès sera reine. »

      – Ah ! s’écria Lupin hors de lui, cet homme ne mourra pas. Je le jure sur ma tête, il ne mourra pas.

      – Attention, patron, dit Octave, effaré, nous approchons… C’est la banlieue, les faubourgs…

      – Qu’est-ce que tu veux que ça me fasse ?

      – Mais nous allons culbuter… Et puis les pavés glissent, on dérape…

      – Tant pis.

      – Attention… Là-bas…

      – Quoi ?

      – Un tramway, au virage…

      – Qu’il s’arrête !

      – Ralentissez, patron.

      – Jamais !

      – Mais nous sommes fichus…

      – On passera.

      – On ne passera pas.

      – Si.

      – Ah ! Nom d’un chien

      Un fracas, des exclamations… La voiture avait accroché le tramway, puis, repoussée contre une palissade, avait démoli dix mètres de planches, et, finalement s’était écrasée contre l’angle d’un talus.

      – Chauffeur, vous êtes libre ?

      C’était Lupin, aplati sur l’herbe du talus, qui hélait un taxi-auto. Il se releva, vit sa voiture brisée, des gens qui s’empressaient autour d’Octave et sauta dans l’auto de louage.

      – Au ministère de l’Intérieur, place Beauvau… Vingt francs de pourboire…

      Et s’installant au fond du fiacre, il reprit :

      – Ah ! Non, il ne mourra pas ! Non, mille fois non, je n’aurai pas ça sur la conscience ! C’est assez d’avoir été le jouet de cette femme et d’être tombé dans le panneau comme un collégien… Halte-là ! Plus de gaffes ! J’ai fait prendre ce malheureux… Je l’ai fait condamner à mort, je l’ai mené au pied même de l’échafaud… Mais il n’y montera pas ! Ça, non ! S’il y montait, je n’aurais plus qu’à me fiche une balle dans la tête !

      On approchait de la barrière. Il se pencha :

      – Vingt francs de plus, chauffeur, si tu ne t’arrêtes pas.

      Et il cria devant l’octroi :

      – Service de la Sûreté !

      On passa.

      – Mais ne ralentis pas, crebleu ! hurla Lupin… Plus vite ! Encore plus vite ! Tu as peur d’écharper les vieilles femmes ? écrase-les donc. Je paie les frais.

      En quelques minutes, ils arrivaient au ministère de la place Beauvau. Lupin franchit la cour en hâte et monta les marches de l’escalier d’honneur. L’antichambre était pleine de monde. Il inscrivit sur une feuille de papier : « Prince Sernine », et, poussant un huissier dans un coin, il lui dit :

      – C’est moi, Lupin. Tu me reconnais, n’est-ce pas ? Je t’ai procuré cette place, une bonne retraite, hein ? Seulement, tu vas m’introduire tout de suite. Va, passe mon nom. Je ne te demande que ça. Le Président te remerciera, tu peux en être sûr… Moi aussi… Mais marche donc, idiot ! Valenglay m’attend…

      Dix secondes après, Valenglay lui-même passait la tête au seuil de son bureau et prononçait :

      – Faites entrer « le prince ».

      Lupin se précipita, ferma vivement la porte, et, coupant la parole au Président :

      – Non, pas de phrases, vous ne pouvez pas m’arrêter… Ce serait vous perdre et compromettre l’Empereur… Non… il ne s’agit pas de ça. Voilà. Malreich est innocent. J’ai découvert le vrai coupable… C’est Dolorès Kesselbach. Elle est morte. Son cadavre est là-bas. J’ai des preuves irrécusables. Le doute n’est pas possible. C’est elle…

      Il s’interrompit. Valenglay ne paraissait pas comprendre.

      – Mais, voyons, monsieur le Président, il faut sauver Malreich… Pensez donc… une erreur judiciaire !… la tête d’un innocent qui tombe !… Donnez des ordres… un supplément d’information… est-ce que je sais ?… Mais vite, le temps presse.

      Valenglay le regarda attentivement, puis s’approcha d’une table, prit un journal et le lui tendit, en soulignant du doigt un article.

      Lupin jeta les yeux sur le titre et lut :

       L’exécution du monstre. Ce matin, Louis de Malreich a subi le dernier supplice…

      Il n’acheva pas. Assommé, anéanti, il s’écroula dans un fauteuil avec un gémissement de désespoir.

      Combien de temps resta-t-il ainsi ? Quand il se retrouva dehors, il n’en aurait su rien dire. Il se souvenait d’un grand silence, puis il revoyait Valenglay incliné sur lui et l’aspergeant d’eau froide, et il se rappelait surtout la voix sourde du Président qui chuchotait :

      – écoutez… il ne faut rien dire de cela, n’est-ce pas ? Innocent, ça se peut, je ne dis pas le contraire… Mais à quoi bon des révélations ? Un scandale ? Une erreur judiciaire peut avoir de grosses conséquences. Est-ce bien la peine ? Une réhabilitation ? Pour quoi faire ? Il n’a même pas été condamné sous son nom. C’est le nom de Malreich qui est voué à l’exécration publique, précisément le nom de la coupable… Alors ?

      Et, poussant peu à peu Lupin vers la porte, il lui avait dit :

      – Allez… Retournez là-bas… Faites disparaître le cadavre… Et qu’il n’y ait pas de traces, hein ? Pas la moindre trace de toute cette histoire… Je compte sur vous, n’est-ce pas ?

      Et Lupin retournait là-bas. Il y retournait comme un automate, parce qu’on lui avait ordonné d’agir ainsi, et qu’il n’avait plus de volonté par lui-même.

      Des heures, il attendit à la gare. Machinalement il mangea, prit son billet et s’installa dans un compartiment.

      Il dormit mal, la tête brûlante, avec des cauchemars et avec des intervalles d’éveil confus où il cherchait à comprendre pourquoi Massier ne s’était pas défendu.

      « C’était un fou… sûrement… un demi-fou… Il l’a connue autrefois… et elle a empoisonné sa vie… elle l’a détraqué… Alors, autant mourir… Pourquoi se défendre ? »

      L’explication ne le satisfaisait qu’à moitié, et il se promettait bien, un jour ou l’autre, d’éclaircir cette énigme et de savoir le rôle exact que Massier avait tenu dans l’existence de Dolorès. Mais qu’importait pour l’instant ! Un seul fait apparaissait nettement : la folie de Massier, et il se répétait avec obstination :

      « C’était un fou… ce Massier était certainement fou… D’ailleurs, tous ces Massier, une famille de fous… »

      Il délirait, embrouillant les noms, le cerveau affaibli.

      Mais, en descendant à la gare de Bruggen, il eut, au grand air frais du matin, un sursaut de conscience. Brusquement les choses prenaient un autre aspect. Et il s’écria :

      –


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