Les Aventures d'Arsène Lupin (La collection complète). Морис Леблан

Les Aventures d'Arsène Lupin (La collection complète) - Морис Леблан


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      – Ainsi tu es bien sûr d’avoir vu le député Daubrecq ?

      – De mes yeux vu, patron.

      – Et tu sais qu’il a un rendez-vous à Paris ?

      – Il va au théâtre.

      – Bien, mais ses domestiques sont restés à sa villa d’Enghien…

      – La cuisinière est renvoyée. Quant au valet de chambre Léonard qui est l’homme de confiance du député Daubrecq, il attend son maître à Paris, d’où ils ne peuvent pas revenir avant une heure du matin. Mais…

      – Mais ?

      – Nous devons compter sur un caprice possible de Daubrecq, sur un changement d’humeur, sur un retour inopiné et, par conséquent, prendre nos dispositions pour avoir tout fini dans une heure.

      Et tu possèdes ces renseignements ?…

      – Depuis ce matin. Aussitôt, Vaucheray et moi nous avons pensé que le moment était favorable. J’ai choisi comme point de départ le jardin de cette maison en construction que nous venons de quitter et qui n’est pas gardée la nuit. J’ai averti deux camarades pour conduire les barques, et je vous ai téléphoné. Voilà toute l’histoire.

      – Tu as les clefs ?

      – Celles du perron.

      – C’est bien la villa qu’on discerne là-bas, entourée d’un parc ?

      – Oui, la villa Marie-Thérèse, et comme les deux autres, dont les jardins l’encadrent, ne sont plus habitées depuis une semaine, nous avons tout le temps de déménager ce qu’il nous plaît, et je vous jure, patron, que ça en vaut la peine.

      Lupin marmotta :

      – Beaucoup trop commode, l’aventure. Aucun charme.

      Ils abordèrent dans une petite anse d’où s’élevaient, à l’abri d’un toit vermoulu, quelques marches de pierre. Lupin jugea que le transbordement des meubles serait facile. Mais il dit soudain :

      Il y a du monde à la villa. Tenez… une lumière.

      – C’est un bec de gaz, patron… la lumière ne bouge pas…

      Grognard resta près des barques, avec mission de faire le guet, tandis que Le Ballu, l’autre rameur, se rendait à la grille de l’avenue de Ceinture et que Lupin et ses deux compagnons rampaient dans l’ombre jusqu’au bas du perron.

      Gilbert monta le premier. Ayant cherché à tâtons, il introduisit d’abord la clef de la serrure, puis celle du verrou de sûreté. Toutes deux fonctionnèrent aisément, de sorte que le battant put être entrebâillé et livra passage aux trois hommes.

      Dans le vestibule, un bec de gaz flambait.

      – Vous voyez, patron…. dit Gilbert.

      – Oui, oui…, dit Lupin, à voix basse, mais il me semble que la lumière qui brillait ne venait pas de là.

      – D’où alors ?

      – Ma foi, je n’en sais rien… Le salon est ici ?

      – Non, répondit Gilbert, qui ne craignait pas de parler un peu fort non, par précaution il a tout réuni au premier étage, dans sa chambre et dans les chambres voisines.

      – Et l’escalier ?

      – À droite, derrière le rideau.

      Lupin se dirigea vers ce rideau, et déjà, il écartait l’étoffe quand, tout à coup, à quatre pas sur la gauche, une porte s’ouvrit, et une tête apparut, une tête d’homme blême, avec des yeux d’épouvante.

      – Au secours ! à l’assassin hurla-t-il.

      Et précipitamment, il rentra dans la pièce.

      – C’est Léonard ! Le domestique cria Gilbert.

      – S’il fait des manières, je l’abats, gronda Vaucheray.

      – Tu vas nous fiche la paix, Vaucheray, hein ? ordonna Lupin, qui s’élançait à la poursuite du domestique.

      Il traversa d’abord une salle à manger, où il y avait encore, auprès d’une lampe, des assiettes et une bouteille, et il retrouva Léonard au fond d’un office dont il essayait vainement d’ouvrir la fenêtre.

      – Ne bouge pas, l’artiste ! Pas de blague !… Ah ! La brute !

      Il s’était abattu à terre, d’un geste, en voyant Léonard lever le bras vers lui. Trois détonations furent jetées dans la pénombre de l’office, puis le domestique bascula, saisi aux jambes par Lupin qui lui arracha son arme et l’étreignit à la gorge.

      – Sacrée brute, va ! grogna-t-il… Un peu plus, il me démolissait… Vaucheray, ligote-moi ce gentilhomme.

      Avec sa lanterne de poche, il éclaira le visage du domestique et ricana :

      – Pas joli, le monsieur… Tu ne dois pas avoir la conscience très nette, Léonard ; d’ailleurs, pour être le larbin du député Daubrecq… Tu as fini, Vaucheray ? Je voudrais bien ne pas moisir ici !

      – Aucun danger, patron, dit Gilbert.

      – Ah ! Vraiment… et le coup de feu, tu crois que ça ne s’entend pas ?…

      – Absolument impossible.

      – N’importe ! Il s’agit de faire vite. Vaucheray, prends la lampe et montons.

      Il empoigna le bras de Gilbert, et l’entraînant vers le premier étage :

      – Imbécile ! C’est comme ça que tu t’informes ? Avais-je raison de me méfier ?

      – Voyons, patron, je ne pouvais pas savoir qu’il changerait d’avis et reviendrait dîner.

      – On doit tout savoir, quand on a l’honneur de cambrioler les gens. Mazette, je vous retiens, Vaucheray et toi… Vous avez le chic…

      La vue des meubles, au premier étage, apaisa Lupin, et, commençant l’inventaire avec une satisfaction d’amateur qui vient de s’offrir quelques objets d’art :

      – Bigre ! Peu de chose, mais du nanan. Ce représentant du peuple ne manque pas de goût… Quatre fauteuils d’Aubusson… un secrétaire signé, je gage, Percier-Fontaine… deux appliques de Gouttières… un vrai Fragonard, et un faux Nattier qu’un milliardaire américain avalerait tout cru… Bref, une fortune. Et il y a des grincheux qui prétendent qu’on ne trouve plus rien d’authentique. Crebleu ! Qu’ils fassent comme moi ! Qu’ils cherchent !

      Gilbert et Vaucheray, sur l’ordre de Lupin, et d’après ses indications, procédèrent aussitôt à l’enlèvement méthodique des plus gros meubles. Au bout d’une demi-heure, la première barque étant remplie, il fut décidé que Grognard et Le Ballu partiraient en avant et commenceraient le chargement de l’auto.

      Lupin surveilla leur départ. En revenant à la maison, il lui sembla, comme il passait dans le vestibule, entendre un bruit de paroles, du côté de l’office. Il s’y rendit. Léonard était bien seul, couché à plat ventre, et les mains liées derrière le dos.

      – C’est donc toi qui grognes, larbin de confiance ? T’émeus pas. C’est presque fini. Seulement, si tu criais trop fort, tu nous obligerais à prendre des mesures plus sévères… Aimes-tu les poires ? On t’en collerait une, d’angoisse…

      Au moment de remonter, il entendit de nouveau le même bruit de paroles et, ayant prêté l’oreille, il perçut ces mots prononcés d’une voix rauque et gémissante et qui venaient, en toute certitude, de l’office.

      – Au secours !… à l’assassin !… au secours !… on va me tuer… qu’on avertisse le commissaire !…

      – Complètement loufoque, le bonhomme murmura Lupin. Sapristi… déranger


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