Les Aventures d'Arsène Lupin (La collection complète). Морис Леблан

Les Aventures d'Arsène Lupin (La collection complète) - Морис Леблан


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      – Neuf heures, sans nous presser.

      – Vous en mettrez onze. Il ne faut pas que vous touchiez terre avant le départ du paquebot qui laisse Southampton à minuit et qui arrive au Havre à huit heures du matin. Vous entendez, n’est-ce pas, capitaine ? Je me répète : comme il serait infiniment dangereux pour nous tous que Monsieur revînt en France par ce bateau, il ne faut pas que vous arriviez à Southampton avant une heure du matin.

      – C’est compris.

      – Je vous salue, Maître. À l’année prochaine, dans ce monde ou dans l’autre.

      – À demain.

      Quelques minutes plus tard Sholmès entendit l’automobile qui s’éloignait, et tout de suite, aux profondeurs de L’Hirondelle, la vapeur haleta plus violemment. Le bateau démarrait.

      Vers trois heures on avait franchi l’estuaire de la Seine et l’on entrait en pleine mer. À ce moment, étendu sur la couchette où il était lié, Herlock Sholmès dormait profondément.

      Le lendemain matin, dixième et dernier jour de la guerre engagée par les deux grands rivaux, l’Écho de France publiait ce délicieux entrefilet :

      « Hier un décret d’expulsion a été pris par Arsène Lupin contre Herlock Sholmès, détective anglais. Signifié à midi, le décret était exécuté le jour même. À une heure du matin, Sholmès a été débarqué à Southampton. »

      6

       La seconde arrestation d’Arsène Lupin

      Table des matières

      Dès huit heures, douze voitures de déménagement encombrèrent la rue Crevaux, entre l’avenue du Bois-de-Boulogne et l’avenue Bugeaud. M. Félix Davey quittait l’appartement qu’il occupait au quatrième étage du n° 8. Et M. Dubreuil, expert, qui avait réuni en un seul appartement le cinquième étage de la même maison et le cinquième étage des deux maisons contiguës, expédiait le même jour – pure coïncidence, puisque ces messieurs ne se connaissaient pas – les collections de meubles pour lesquelles tant de correspondants étrangers lui rendaient quotidiennement visite.

      Détail qui fut remarqué dans le quartier, mais dont on ne parla que plus tard, aucune des douze voitures ne portait le nom et l’adresse du déménageur, et aucun des hommes qui les accompagnaient ne s’attarda dans les débits avoisinants. Ils travaillèrent si bien qu’à onze heures tout était fini. Il ne restait plus rien que ces monceaux de papiers et de chiffons qu’on laisse derrière soi, aux coins des chambres vides.

      M. Félix Davey, jeune homme élégant, vêtu selon la mode la plus raffinée, mais qui portait à la main une canne d’entraînement dont le poids indiquait chez son possesseur un biceps peu ordinaire, M. Félix Davey s’en alla tranquillement et s’assit sur le banc de l’allée transversale qui coupe l’avenue du Bois, en face de la rue Pergolèse. Près de lui, une femme, en tenue de petite bourgeoise, lisait son journal, tandis qu’un enfant jouait à creuser avec sa pelle un tas de sable.

      Au bout d’un instant Félix Davey dit à la femme, sans tourner la tête :

      – Ganimard ?

      – Parti depuis ce matin neuf heures.

      – Où ?

      – À la Préfecture de police.

      – Seul ?

      – Seul.

      – Pas de dépêche cette nuit ?

      – Aucune.

      – On a toujours confiance en vous dans la maison ?

      – Toujours. Je rends de petits services à Mme Ganimard, et elle me raconte tout ce que fait son mari… nous avons passé la matinée ensemble.

      – C’est bien. Jusqu’à nouvel ordre, continuez à venir ici, chaque jour, à onze heures.

      Il se leva et se rendit, près de la porte Dauphine, au Pavillon chinois où il prit un repas frugal, deux œufs, des légumes et des fruits. Puis il retourna rue Crevaux et dit à la concierge :

      – Je jette un coup d’œil là-haut, et je vous rends les clefs.

      Il termina son inspection par la pièce qui lui servait de cabinet de travail. Là, il saisit l’extrémité d’un tuyau de gaz dont le coude était articulé et qui pendait le long de la cheminée enleva le bouchon de cuivre qui le fermait, adapta un petit appareil en forme de cornet, et souffla.

      Un léger coup de sifflet lui répondit. Portant le tuyau à sa bouche, il murmura :

      – Personne, Dubreuil ?

      – Personne.

      – Je peux monter ?

      – Oui.

      Il remit le tuyau à sa place, tout en se disant :

      « Jusqu’où va le progrès ? Notre siècle fourmille de petites inventions qui rendent vraiment la vie charmante et pittoresque. Et si amusante ! … Surtout quand on sait jouer à la vie comme moi. »

      Il fit pivoter une des moulures de marbre de la cheminée. La plaque de marbre elle-même bougea, et la glace qui la surmontait glissa sur d’invisibles rainures, démasquant une ouverture béante où reposaient les premières marches d’un escalier construit dans le corps même de la cheminée ; tout cela bien propre, en fonte soigneusement astiquée et en carreaux de porcelaine blanche.

      Il monta. Au cinquième étage, même orifice au-dessus de la cheminée. M. Dubreuil attendait.

      – C’est fini, chez vous ?

      – C’est fini.

      – Tout est débarrassé ?

      – Entièrement.

      – Le personnel ?

      – Il n’y a plus que les trois hommes de garde.

      – Allons-y.

      L’un après l’autre ils montèrent par le même chemin jusqu’à l’étage des domestiques, et débouchèrent dans une mansarde où se trouvaient trois individus dont l’un regardait par la fenêtre.

      – Rien de nouveau ?

      – Rien, patron.

      – La rue est calme ?

      – Absolument.

      – Encore dix minutes et je pars définitivement… vous partirez aussi. D’ici là, au moindre mouvement suspect dans la rue, avertissez-moi.

      – J’ai toujours le doigt sur la sonnerie d’alarme, patron.

      – Dubreuil, vous aviez recommandé à nos déménageurs de ne pas toucher aux fils de cette sonnerie ?

      – Certes, elle fonctionne à merveille.

      – Alors je suis tranquille.

      Ces deux messieurs redescendirent jusqu’à l’appartement de Félix Davey. Et celui-ci, après avoir rajusté la moulure de marbre, s’exclama joyeusement :

      – Dubreuil, je voudrais voir la tête de ceux qui découvriront tous ces admirables trucs, timbres d’avertissement, réseau de fils électriques et de tuyaux acoustiques, passages invisibles, lames de parquets qui glissent, escaliers dérobés… une vraie machination pour féerie !

      – Quelle réclame pour Arsène Lupin !

      – Une réclame dont on se serait bien passé. Dommage de quitter une pareille installation. Tout est à recommencer, Dubreuil… et sur un nouveau modèle, évidemment, car il ne faut jamais se répéter. Peste soit du Sholmès !

      – Toujours pas revenu,


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