Marennes et son arrondissement. Antoine Bourricaud
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Antoine Bourricaud
Marennes et son arrondissement
Une étude historique
Publié par Good Press, 2021
EAN 4064066318291
Table des matières
L’ARRONDISSEMENT PENDANT LA DOMINATION ROMAINE.
L’ARRONDISSEMENT PENDANT LE MOYEN-AGE.
L’ARRONDISSEMENT DEPUIS FRANÇOIS I er JUSQU’A NOS JOURS
PREMIÈRE PARTIE
L’ARRONDISSEMENT PENDANT LA DOMINATION ROMAINE.
Lorsque le voyageur, appuyé sur les ruines de la tour carrée qui domine encore le camp retranché dont la double enceinte de fossés couronne le sommet du terrier de Toulon, parcourt de son regard surpris le vaste horizon qui se déroule devant lui, il se prend à réfléchir, et sa pensée, remontant le courant des siècles, s’arrête à l’époque de la fière domination romaine. Remplaçant, alors, par les flots azurés de l’Océan, l’immense nappe de verdure qui se déroule à ses pieds; ravi du magnifique spectacle qu’il contemple, il cherche, à l’aide de ses souvenirs, à reconstruire cet ancien archipel, qui, plus d’une fois, a dû arrêter les regards et fixer l’attention du centurion tenant garnison dans le camp gallo-romain.
Ainsi ferons-nous; et debout, avec le lecteur, sur les débris de la tour carlovingienne, ayant à notre droite la Charente (Canentelos), à notre gauche la Gironde (Garumna), nous aurons en face de nous tout l’arrondissement actuel de Marennes, et nos yeux plongeant à travers les brumes de l’Océan, nous apercevrons dans les horizons lointains cette charmante Oleron (Uliarius), la plus belle assurément de toutes les îles que la France possède dans l’Atlantique.
La première fois que j’ai fait seul le travail que nous allons faire ensemble, je me suis rappelé cette poétique et délicieuse description des Cyclades que Barthélemy place dans la bouche d’Anacharsis:
Je voyais passer, comme dans un songe, tous ces navires à la proue dorée surmontée d’une couronne de laurier, et aux voiles de pourpre gonflées par le vent. J’entendais les théories d’Athènes, de Céos et d’Andros faisant retentir le rivage de leurs chants et montant en foule au temple offrir leur encens au divin Apollon.
Nous aurons quelque chose de semblable à dire, lorsque, après avoir topographiquement décrit l’arrondissement de Marennes, tel qu’il existait il y a dix-huit siècles, nous voudrons animer ce magnifique paysage, nous apparaissant entre le double azur de la mer et des cieux.
A nos pieds se trouve le village de Toulon, près duquel on s’accorde à placer le Portus santonum des Gallo-Romains. Il est évident, d’après Ptolémée, que ce port se trouvait entre la Gironde et la Charente et que c’est avec raison que MM. Fleury, Massiou et Lacurie, s’écartant des opinions émises jusqu’à ces derniers temps par divers auteurs qui placent ce port, les uns à La Rochelle, les autres à Brouage, ceux-ci à la presqu’île d’Arvert, ceux-là à La Tremblade, s’accordent à regarder le village de Toulon comme bâti sur les ruines de l’établissement maritime le plus important qu’eussent les Santons dans ces parages. Pour prouver cette assertion, nous ne pouvons rien faire de mieux que de transcrire ici les raisons qu’en donne le savant abbé Lacurie.
Ce port, dit-il, devait avoir des communications faciles avec les principales villes et surtout avec la métropole. Si donc nous trouvons en deçà de l’embouchure de la Gironde, des pans de mur antiques, répandus çà et là dans les campagnes, des bains, des tombeaux, des inscriptions, des médailles, de vieilles armes, des marbres, des briques, des tuiles; et si ces ruines peuvent se rattacher au souvenir d’une ville ancienne dont la tradition a gardé la mémoire et dont une porte existait encore en un temps peu éloigné de nous, suivant un titre du Pouillé de Sablonceaux; si surtout ces ruines, traversées par une voie antique, ont pu être baignées par les eaux, ne serons-nous pas en droit de conclure avec quelque vraisemblance que l’emplacement du Portus santonum n’est plus un problème? Or, le village de Toulon, dans le nord-est de Saujon, au pied du coteau de Saint-Romain-de-Benet, nous semble réunir les conditions que nous venons d’indiquer, et nous conclurons volontiers, avec MM. Massiou et Fleury, que là a dû se trouver le principal entrepôt du commerce des Santones, le Portus santonum de Ptolémée.
Plusieurs passes conduisaient au port des Santones. Nous allons indiquer les deux principales:
La première était suivie par les navires faisant le cabotage avec les villes maritimes du Nord. Ils entraient dans le golfe par le vaste bassin de Brouage, entre les îles de Hiers et de Beaugeay, longeaient celles de Saint-Just et de Saint-Sornin, côtoyaient le promontorium santonum (presqu’île de Brouë), puis traversant entre l’île de Saint-Sornin et la côte de Cadeuil, là où est maintenant le village de Saint-Nadeau, arrivaient au port gallo-romain, après avoir franchi la nappe d’eau remplacée de nos jours par la partie basse de la commune du Gua.
Cette passe, la plus sûre, paraît aussi avoir été la plus fréquentée, si l’on en juge par les constructions élevées par les Romains, à l’extrémité du promontorium, pour en protéger ou défendre l’entrée suivant les circonstances.
La seconde passe, moins importante, était aussi souvent sillonnée par les navires venant des ports nombreux de la Gironde, Blavia, Burgus, Burdigala, Blaye, Bourg et Bordeaux.
Lès galères romaines, après avoir côtoyé la presqu’île sur laquelle on trouve Saint-Sulpice, Breuillet et Saint-Augustin, doublaient le cap entre l’île d’Armotte et Saint-Augustin, ou bien, passant à l’est d’Oleron, sur Maumusson, alors moins dangereux qu’à présent, arrivaient dans le bassin de la Seudre, après avoir évité les écueils à fleur d’eau que présentait aux navigateurs l’île de Marennes. Longeant ensuite l’île d’Arvert, ils arrivaient au Portus santonum, à peu près comme se fait encore de nos jours la petite navigation de la Seudre qui remonte jusqu’au port de Ribérou.
Il est dans l’arrondissement de Marennes un autre point géographique qui a donné lieu à discussion, nous voulons parler du promontorium santonum que Ptolémée place entre le Portus et l’embouchure du Canentelos.
Quelques auteurs trouvent le promontorium à La Rochelle, d’autres dans l’île d’Oleron, au cap de Chassiron. La première opinion tombe d’elle-même devant l’affirmation de Ptolémée. Quant à la seconde, elle n’est guère plus probable, car, au rapport de Pline, l’île d’Oleron était séparée du continent bien avant la conquête, et nous pensons avec M. Lacurie qu’il faut rechercher le promontorium non dans une île, mais en terre ferme.
Si du haut de notre observatoire (le terrier de Toulon), nous jetons nos regards à notre droite, nous apercevons une immense presqu’île sur laquelle sont bâtis les bourgs de Saint-Sulpice, de Saint-Jean-d’Angle, de Saint-Fort et de Saint-Agnant. La configuration de l’extrémité de cette presqu’île ne nous permet pas d’y placer