Histoire abrégée de la liberté individuelle chez les principaux peuples anciens et modernes. Louis Nigon De Berty

Histoire abrégée de la liberté individuelle chez les principaux peuples anciens et modernes - Louis Nigon De Berty


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alors exploitée que comme un instrument de déception.

      Toutefois la religion exerce sur la destinée des peuples un empire encore plus marqué ; tantôt elle contribue à leur oppression, en réunissant dans les mains des sultans l’autorité spirituelle et temporelle; tantôt elle améliore leur sort en opposant aux rois ses préceptes et ses ministres. Chez les payens, elle tolérait la servitude; chez les sauvages, elle immole des victimes humaines. Dans l’histoire moderne, partout ou régnent le mahométisme et l’idolâtrie, les hommes condamnés à l’ignorance, leurs compagnes réduites à une dépendance perpétuelle, languissent abrutis sous le poids d’une domination tyrannique. Honneur au christianisme! il a détruit l’esclavage, proclamé l’égalité, et, réparant les longues injustices de l’homme, il a rendu à la femme le rang qui lui appartient dans la société ; mais dénaturé par les passions, il n’a que trop souvent servi de prétexte aux tortures de l’inquisition, et de voile aux vengeances de l’hypocrisie.

      Enfin il existe dans presque toutes les lois civiles un droit qui porte atteinte à la liberté individuelle, c’est la contrainte par corps; elle arrache un débiteur à ses affaires et à sa famille, le plonge dans une prison et l’y retient captif plusieurs années pour le forcer à remplir ses engagemens; elle hypothèque la liberté comme un arpent de terre, et la jette pour de modiques sommes dans le commerce. Cependant la plupart des législateurs ont pensé que ce grand sacrifice était dû à l’intérêt non moins sacré de la propriété ; seulement ils y ont apporté des restrictions plus ou moins philantropiques selon les principes qui les dirigeaient. Il importera donc de rechercher comment les lois, qui ont autorisé l’exercice de la contrainte par corps, en ont atténué la rigueur.

      Ainsi la constitution de chaque peuple, son gouvernement, sa législation criminelle et civile, son caractère, ses mœurs, sa religion, telles sont les causes dont nous essaierons de déterminer les effets sur la liberté individuelle .

      Nous ne croyons devoir nous occuper que des principaux peuples qui ont brillé sur la terre; quant aux autres, leurs lois sont tellement incomplètes, les documens transmis sur leurs institutions si incertains, qu’il serait difficile de ne point hasarder des conjectures.

      Jusqu’à ce jour, les habiles jurisconsultes qui ont traité cette matière, se sont contentés d’établir les droits et les devoirs des fonctionnaires et des citoyens; nous venons aujourd’hui envisager la liberté individuelle sous un point de vue plus étendu; notre but est de constater, de prouver par des faits sa puissante influence, et sur le bonheur des citoyens, et sur la prospérité des Etats. Nous déduirons les importantes conséquences de ces faits dans un dernier chapitre, résumé de tout notre travail.

      La situation actuelle de la France donnera peut-être à cet écrit un nouveau degré d’utilité. Dans les tems calmes où les partis semblent avoir replié leurs drapeaux, la liberté individuelle est pour le citoyen paisible ce qu’est la santé pour l’homme robuste; il en jouit sans s’en apercevoir, avec une sorte d’indifférence; il ne commence réellement à en sentir le prix qu’au moment où il en est privé. Un mois d’emprisonnement la lui fait mieux connaitre qu’une vie entière de théories ; mais il n’en peut être ainsi dans ces jours d’agitations et d’effervescence qui suivent inévitablement une grande révolution. Les intérêts froissés, les ambitions déçues, les passions exaspérées multiplient les délits politiques, et par suite les arrestations. Il n’est personne alors qui ne s’attache à la liberté individuelle; qu’y a-t il de plus propre à mettre en lumière tous ses avantages, qu’un tableau historique représentant, d’un côté ses inestimables bienfaits, de l’autre le malheureux sort des peuples qui en ont été dépouillés, et les sanglans efforts de ceux qui l’ont enfin obtenue? Il faut savoir combien elle coûte à conquérir pour comprendre combien elle est précieuse à garder.

      Non, les leçons de l’expérience ne seront point perdues pour ma patrie; on n’oubliera pas que les lois d’exception furent toujours des armes funestes aux mains qui s’en servirent; la liberté individuelle restera irrévocablement fixée en France. Désormais, que tous les fonctionnaires de l’ordre administratif et judiciaire mettent journellement en pratique cette maxime si juste, si morale: Ne faites pas à autrui ce que vous ne voudriez pas qu’on vous fît; que chaque citoyen soit aussi indigné d’une arrestation arbitraire que celui qui en est victime, et le respect pour la liberté individuelle, partout inviolable, deviendra un véritable culte.

       Table des matières

      DE LA LIBERTÉ INDIVIDUELLE CHEZ LES ÉGYPTIENS.

      LES Egyptiens sont à la fois l’un des peuples les plus célèbres de l’antiquité et l’un des premiers qui aient reçu un gouvernement et des lois; à ce double titre, ils méritent la première place dans cet ouvrage. Leur histoire, dont les commencemens sont demeurés fort obscurs, peut se diviser en deux parties: l’Egypte ancienne et l’Egypte moderne.

      De l’Egypte ancienne.

      L’Egypte ancienne avait un gouvernement absolu, tempéré par la théocratie; aucune loi ne limitait l’autorité du monarque. Entouré d’une garde nombreuse et de tout l’appareil du despotisme, il se fesait appeler le roi des rois, pouvait rendre lui-même la justice, et disposait à son gré des biens et de la liberté de ses sujets; mais ce pouvoir si étendu, si arbitraire, trouvait un contre-poids dans celui des prêtres. Le privilège d’élever la jeunesse, l’honneur d’instruire les enfans des rois et de composer leur conseil, le monopole de la science, d’immenses richesses, la multiplicité de leurs fonctions, leur profession héréditaire dans leurs familles, tout concourait à perpétuer l’ascendant des ministres de la religion; chaque jour, les souverains allaient dans les temples entendre leurs discours, quelquefois même leurs remontrances sur l’accomplissement des devoirs de la royauté, et la crainte du sacerdoce modérait ainsi la puissance des rois.

      Les Egyptiens étaient partagés en trois castes qui représentaient l’intelligence, la force, et la matière, c’est-à-dire, les prêtres, les guerriers, et le peuple. La caste sacerdotale, qui occupait, après le monarque, le premier rang dans l’état, domina la caste des guerriers, et conquit une si haute influence par ses lumières qu’elle tint plusieurs rois sous sa dépendance; elle renversa l’Ethiopien Sabacon qui s’était rendu maître de l’Egypte, et le prêtre Séthon monta sur le trône. Le peuple, éloigné dans tous les tems des honneurs et des emplois, n’eut jamais aucun droit politique, aucune part directe ni indirecte au gouvernement; il ne possédait même pas de propriétés immobilières; les laboureurs, réduits à l’état de fermiers des terres, qui appartenaient aux rois, aux prêtres et aux soldats, étalent rangés, comme les artisans, parmi les mercenaires. Si cependant les prêtres avaient usé de leur prépondérance dans l’intérêt général, le peuple aurait connu peut-être la liberté ; mais tel ne fut, à aucune époque, le but de leur infatigable ambition.

      Jamais nation, dit Rollin , n’a été plus crédule ni plus superstitieuse que les Egyptiens. Des hommes, qui se prosternaient devant un chat, et adoraient des légumes, pouvaient-ils être libres!.....

      Il existait dans ce pays diverses espèces de servitudes; parmi les esclaves, dont la plupart étaient des étrangers achetés ou faits prisonniers, les uns servaient dans les maisons, les autres étaient employés aux travaux extérieurs; dans aucun cas, la loi ne permettait à leurs maîtres de disposer de leur vie.

      L’histoire ne nous a transmis que des renseignemens très succints sur la procédure criminelle des Egyptiens; Hérodote ne cite qu’un seul fait qui puisse nous en donner une idée; encore est-il relatif à un étranger. Pâris, ravisseur de la belle Hélène, est jeté par la tempête sur les rivages de l’Egypte; ses esclaves dénoncent son crime aux prêtres; il se réfugie dans un temple. Le roi Protée, instruit de cette accusation, envoie aussitôt un ordre ainsi conçu: «Arrêtez


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