Histoire abrégée de la liberté individuelle chez les principaux peuples anciens et modernes. Louis Nigon De Berty

Histoire abrégée de la liberté individuelle chez les principaux peuples anciens et modernes - Louis Nigon De Berty


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» dieux, et qu’il introduit parmi nous des divinités

      » nouvelles sous le nom de génies; Socrate

       » est coupable en ce qu’il corrompt la jeunesse

       » d’Athènes; pour peine, la mort .»

      Pendant l’instruction, les témoins sont gagnés. Anytus et Lycon, orateurs d’état, en possession d’un grand crédit sur la multitude, unissent leurs efforts à ceux de Mélitus pour la séduire. Socrate est jeté dans une prison; cependant l’archonte saisit de l’affaire le tribunal des héliastes. Le vertueux accusé est assigné à comparaitre devant ses juges, au nombre d’environ 500. Après les insidieuses plaidoiries de ses adversaires, il prend lui-même la parole. Son discours est simple comme la vérité, noble comme l’innocence. Un premier jugement, rendu à une très faible majorité, le déclare coupable; à ce moment, il lui était libre, suivant la loi, de choisir entre une amende et une prison perpétuelle; il pouvait se condamner lui-même à l’exil. Seulement, dans ce dernier cas, ses biens auraient été confisqués et vendus; mais Socrate, dédaignant un privilège dont l’usage suppose l’aveu du crime, expose sa vie passée et les services qu’il a rendus à son pays. Le peuple irrité, dans un second arrêt, prononce contre lui la peine capitale; et le plus sage des hommes, condamné à mort, est reconduit dans sa prison; là, entouré de sa famille et de ses disciples, il continue ses leçons jusqu’au moment où les undécemvirs viennent lui annoncer qu’il doit boire la ciguë.

      Ainsi que l’apprend la détention préalable de ce philosophe, l’accusé pouvait être arrêté avant son jugement, même hors le cas de flagrant délit; mais il avait le droit d’obtenir sa liberté en présentant des cautions, à moins qu’il ne fût inculpé de certains crimes graves, comme d’une conspiration contre le gouvernement. Ce droit si précieux de donner caution rencontrait une nouvelle garantie dans le serment des sénateurs; ils juraient, en commençant leurs fonctions, de ne jamais faire incarcérer aucun Athénien qui offrirait trois répondans possédant le même revenu que lui; dans tous les cas, l’accusateur discutait l’admission de ceux qui étaient proposés.

      La loi autorisait encore l’emprisonnement des débiteurs de l’Etat insolvables, tels que les condamnés à l’amende, les dépositaires infidèles des revenus publics jusqu’au jour où ils pouvaient se libérer. Elle consacrait l’hérédité des peines, principe souverainement injuste. Hors d’état de payer l’amende de 50 talens prononcée contre Miltiade, Cimon fut envoyé dans une prison; on n’avait à lui reprocher que d’être le fils d’un grand homme; il remplaça son père qui venait d’y mourir couronné des lauriers de Marathon, et ne recouvra sa liberté qu’aux dépens de son bonheur. Cet illustre capitaine fut obligé de céder en mariage Elpinice, sa sœur et sa femme, au riche Callias qui acquitta sa dette .

      Les lois pénales de Solon, quoique plus douces que celles de Dracon, ne se firent point cependant remarquer par leur indulgence. Elles infligèrent la peine capitale aux vols qualifiés, aux attentats contre la religion, le gouvernement et la liberté des citoyens; mais elles tolérèrent, même en cas d’assassinat, les compositions pécuniaires.

      L’homicide cessa d’être un crime quand il fut exécuté sur un tyran; c’était alors un acte conservateur de la liberté nationale. Le meurtrier recevait et transmettait à ses descendans les témoignages de la reconnaissance publique. Il était même permis d’ôter la vie à l’ambitieux, seulement soupçonné de vouloir renverser le gouvernement populaire .

      La mort, la déportation, l’emprisonnement, la dégradation, voilà les châtimens que subissaient les hommes libres. La mutilation, le fouet, les stigmates, les fers furent, hors quelques cas rares, réservés aux esclaves . Devant les tribunaux, les dépositions des hommes libres étaient affirmées par des sermens; celles des esclaves, par des tortures. Cruauté d’autant plus inexplicable que, malgré la puissance illimitée des maîtres, les esclaves étaient ordinairement traités avec douceur à Athènes , que la loi se plaisait même, dans certaines circonstances, à protéger leur sureté ! Ainsi un esclave, frappé par un autre que son maître, avait le droit de l’appeler en justice, et l’on punissait rigoureusement le coupable. Etait-il mécontent des traitemens de son propre maître? il pouvait le citer devant le magistrat, et obtenir l’autorisation d’être vendu à un autre plus humain. Toutefois, il lui fut interdit de repousser la violence par la violence; s’il tuait, en se défendant, un homme libre, on le considérait comme un parricide.

      Le goût des plaisirs, si prononcé chez les Athéniens, profita du moins aux prisonniers qui prenaient part à leurs nombreuses fêtes; certains détenus étaient rendus à la liberté aux Thesmophories; tous voyaient leur captivité suspendue pendant les Bacchanales.

      Cette législation criminelle pouvait sans doute garantir sur plusieurs points la liberté individuelle des Athéniens; mais que sont les meilleures lois, si elles sont mal appliquées! Aristote a critiqué avec raison l’organisation judiciaire de ce peuple. Outre l’aréopage, tribunal permanent, il existait dix tribunaux, renouvelés tous les ans par la voie du sort, et composés d’un grand nombre de juges. Quatre étaient chargés de statuer sur les meurtres, et les six derniers de prononcer sur les affaires civiles et criminelles. Trente ans d’âge, une conduite sans reproche, ne rien devoir au trésor public, telles étaient les seules qualités requises pour exercer les fonctions de juge.

      Solon avait divisé les Athéniens en quatre classes; les trois premières renfermaient les propriétaires distribués suivant la quotité de leur fortune. La quatrième, uniquement composée d’artisans, ne put long-tems aspirer à aucun emploi public, ni assister aux assemblées du peuple; mais par une inconcevable bizarrerie, les membres de cette dernière classe, dès qu’ils remplissaient les conditions exigées pour faire partie d’un tribunal, pouvaient disposer de l’honneur, de la liberté, et de la vie de leurs concitoyens. On donnait à chaque juge trois oboles par séance. L’appât du gain redoubla l’assiduité de ces hommes, trop souvent sans argent et sans lumières. Avec de tels magistrats, faut-il s’étonner que la balance de la justice ait été tant de fois agitée par les passions!

      Les lois de Solon éprouvèrent des modifications généralement peu favorables à la liberté ; l’une des plus remarquables fut l’ostracisme. Tous les cinq ans, le peuple, réuni au nombre de 6000 votans, pouvait, à la simple majorité, condamner un citoyen illustre à un exil de dix années. Cette peine honorable ne lui enlevait ni la considération publique ni la jouissance de ses biens; on punissait en lui, non son crime, mais ses talens qui fesaient redouter sa puissance; l’ostracisme était le privilége des grandes renommées et le châtiment de leur gloire; il ne fut prononcé qu’une seule fois contre un homme méprisé, contre Hyperbolus; honteux de l’avoir avili, les Athéniens l’abolirent .

      Ainsi l’ostracisme, les vices d’une constitution trop démocratique et de l’organisation judiciaire, la continuelle surveillance de l’aréopage, les troubles fréquens de la république s’opposèrent à l’entière et paisible possession de la liberté individuelle; néanmoins il est certain qu’elle fut connue et souvent respectée à Athènes.

      Depuis le siècle de Périclès, cette ville perdit chaque jour une partie de sa puissance et de sa liberté ; l’aréopage cessa d’exister comme corps politique et influent; le sénat fut successivement dépouillé de ses prérogatives, la palce publique resta seule souveraine; le pouvoir populaire l’emporta sur les deux autres; mais les triomphes de la démocratie, toujours turbulente et passionnée, ne sont jamais d’une longue durée. A peine échappée aux discordes civiles, Athènes se soumit, malgré l’éloquence de Démosthènes, à la domination des Macédoniens. Plus tard, elle se laissa prendre et ravager par Sylla; dès ce moment, l’Attique devint province romaine. Cependant ses habitans conservèrent long-tems encore leur esprit audacieux et frivole, leurs lois et leurs magistrats; on les vit rendre des honneurs divins à Démétrius Poliorcète qui proclama dans le Pirée la liberté du peuple, se ranger du parti de Pompée et de Brutus, et dresser des statues aux assassins de César.

      En 323, Constantin transforma la république de Solon en une principauté


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