Corneille expliqué aux enfants. Faguet Émile

Corneille expliqué aux enfants - Faguet Émile


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à son tour commence à craindre un sort contraire;

      Elle crie au second qu'il secoure son frère:

      Il se hâte et s'épuise en efforts superflus;

      Il trouve en les joignant que son frère n'est plus.

      Encor tout hors d'haleine, il prend pourtant sa place,

      Et redouble bientôt la victoire d'Horace:

      Son courage sans force est un débile appui;

      Voulant venger son frère, il tombe auprès de lui.

      L'air résonne des cris qu'au ciel chacun envoie;

      Albe en jette d'angoisse, et les Romains de joie.

      Comme notre héros se voit près d'achever,

      C'est peu pour lui de vaincre, il veut encor braver:

      «J'en viens d'immoler deux aux mânes de mes frères;

      Rome aura le dernier de mes trois adversaires:

      C'est à ses intérêts que je vais l'immoler»,

      Dit-il; et tout d'un temps on le voit y voler.

      La victoire entre eux deux n'était pas incertaine;

      L'Albain percé de coups ne se traînait qu'à peine,

      Et, comme une victime aux marches de l'autel,

      Il semblait présenter sa gorge au coup mortel:

      Aussi le reçoit-il, peu s'en faut, sans défense,

      Et son trépas de Rome établit la puissance.

      Rome est victorieuse, Albe est sujette. Le vieil Horace éclate en transports de joie et d'orgueil.

      O mon fils! ô ma joie! ô l'honneur de nos jours!

      O d'un Etat penchant l'inespéré secours!

      Vertu digne de Rome, et sang digne d'Horace!

      Appui de ton pays, et gloire de ta race!

      Quand pourrai-je étouffer dans tes embrassements

      L'erreur dont j'ai formé de si faux sentiments?

      Quand pourra mon amour baigner avec tendresse

      Ton front victorieux de larmes d'allégresse?

      Hélas! il n'est pas au bout de ses peines.

      Camille, sa fille, a perdu son fiancé, tué par son frère. Quand celui-ci revient vainqueur, elle pleure devant lui cette victoire funeste, et peu à peu en vient à l'insulter. Le jeune Horace, tout chaud encore de la bataille et du triomphe, s'emporte, perd l'esprit, et frappe mortellement sa sœur.

      Voilà le vieil Horace, en un seul jour, privé de trois de ses enfants par suite de la guerre qu'a faite sa patrie. Eh bien, il ne la maudit pas pour cela, il ne s'en plaint pas, il sait qu'on lui doit tout; il l'aime encore.

      Son dernier fils passe en jugement pour avoir tué sa sœur; il le défend devant le roi et les Romains.

      Savez-vous comme il le défend? Il ne supplie pas le roi de lui conserver ce dernier enfant, ce soutien de sa vieillesse. Il le conjure de le conserver à Rome, qui peut avoir encore besoin de ce bras et de ce sang. Il dit au roi:

      Un premier mouvement ne fut jamais un crime;

      Et la louange est due, au lieu du châtiment,

      Quand la vertu produit ce premier mouvement.

      Aimer nos ennemis avec idolâtrie,

      De rage en leur trépas maudire la patrie,

      Souhaiter à l'Etat un malheur infini,

      C'est ce qu'on nomme crime, et ce qu'il a puni.

      Le seul amour de Rome a sa main animée;

      Il serait innocent s'il l'avait moins aimée.

      Qu'ai-je dit, Sire? il l'est, et ce bras paternel

      L'aurait déjà puni s'il était criminel;

      J'aurais su mieux user de l'entière puissance

      Que me donnent sur lui les droits de la naissance;

      J'aime trop l'honneur, Sire, et ne suis point de rang

      A souffrir ni d'affront ni de crime en mon sang.

      C'est dont je ne veux point de témoin que Valère6;

      Il a vu quel accueil lui gardait ma colère,

      Lorsqu'ignorant encor la moitié du combat,

      Je croyais que sa fuite avait trahi l'Etat.

      Qui le fait se charger des soins de ma famille?

      Qui le fait, malgré moi, vouloir venger ma fille?

      Et par quelle raison, dans son juste trépas,

      Prend-il un intérêt qu'un père ne prend pas?

      On craint qu'après sa sœur il n'en maltraite d'autres!

      Sire, nous n'avons part qu'à la honte des nôtres.

      Et de quelque façon qu'un autre puisse agir,

      Qui ne nous touche point ne nous fait point rougir.

      Et puis le crime ne disparaît-il pas dans la grandeur du service rendu à la Patrie? La Patrie peut-elle permettre qu'on la prive ainsi de ses défenseurs?

      Romains, souffrirez-vous qu'on vous immole un homme

      Sans qui Rome aujourd'hui cesserait d'être Rome,

      Et qu'un Romain s'efforce à tacher le renom

      D'un guerrier à qui tous doivent un si beau nom?

      Dis, Valère, dis-nous, si tu veux qu'il périsse,

      Où tu penses choisir un lieu pour son supplice:

      Sera-ce entre ces murs que mille et mille voix

      Font résonner encor du bruit de ses exploits?

      Sera-ce hors des murs, au milieu de ces places

      Qu'on voit fumer encor du sang des Curiaces,

      Entre leurs trois tombeaux, et dans ce champ d'honneur

      Témoin de sa vaillance et de notre bonheur?

      Tu ne saurais cacher sa peine à sa victoire;

      Dans les murs, hors des murs, tout parle de sa gloire,

      Tout s'oppose à l'effort de ton injuste amour,

      Qui veut d'un si bon sang souiller un si beau jour.

      Albe ne pourra pas souffrir un tel spectacle,

      Et Rome par ses pleurs y mettra trop d'obstacle.

      Vous les préviendrez, Sire: et par un juste arrêt

      Vous saurez embrasser bien mieux son intérêt.

      Ce qu'il a fait pour elle, il peut encor le faire;

      Il peut la garantir encor d'un sort contraire.

      Sire, ne donnez rien à mes débiles ans;

      Rome aujourd'hui m'a vu père de quatre enfants;

      Trois en ce même jour sont morts pour sa querelle:

      Il m'en reste encore un, conservez-le pour elle:

      N'ôtez pas à ses murs un si puissant appui;

      Et souffrez, pour finir, que je m'adresse à lui.

      Horace, ne crois pas que le peuple stupide

      Soit le maître absolu d'un renom bien solide.

      Sa voix tumultueuse assez souvent fait bruit

      Mais un moment l'élève, un moment le détruit;

      Et ce qu'il contribue à notre renommée

      Toujours en moins de rien se dissipe en fumée.

      C'est aux rois, c'est aux grands, c'est


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<p>6</p>

Celui qui accuse le jeune Horace, parce qu'il aimait Camille qu'Horace a tué.