Histoire du Canada depuis sa découverte jusqu'à nos jours. Tome I. Garneau François-Xavier

Histoire du Canada depuis sa découverte jusqu'à nos jours. Tome I - Garneau François-Xavier


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en imposa aux mécontens et la paix ne fut plus troublée. 33

Note 33:(retour) Champlain, Lescarbot.

      Le gouverneur avait été revêtu des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire les plus amples, qui passèrent ensuite à ses successeurs. La colonie resta soumise à ce despotisme pur jusqu'en 1663, sans qu'il y fût fait presqu'aucune modification. Alors il fut circonscrit dans son action par des formes qui en limitèrent l'abus. Ces pouvoirs sont consignés dans la commission que le fondateur du Canada reçut du roi en partant pour ce pays, laquelle peut être à ce titre regardée comme la première constitution qu'il ait tenue des Européens. Voici quelques unes des principales dispositions de ce document, que nous reproduisons dans leur vieux style et textuellement.

      «En paix, repos, tranquillité, y commander (le gouverneur) tant par mer que par terre: ordonner, décider, et faire exécuter tout ce que vous jugerez se devoir et pouvoir faire, pour maintenir, garder, et conserver les dits lieux sous notre puissance et autorité, par les formes, voies et moyens prescrits par nos ordonnances. Et pour y avoir égard avec nous, commettre, établir et constituer tous officiers, tant ès affaires de la guerre que de justice et police pour la première fois, et de là en avant nous les nommer et présenter, pour en être par nous disposé, et donner les lettres, titres et provisions tels qu'ils seront nécessaires. Et selon les occurrences des affaires, vous-même avec l'avis de gens prudens et capables, prescrire sous notre bon plaisir, des lois, statuts et ordonnances, autant qu'il se pourra conformes aux nôtres, notamment ès choses et matières, auxquelles n'est pourvu par icelles.»

      Les gouverneurs n'avaient pour tempérer leur volonté, que les avis d'un conseil de leur choix, et qu'ils n'étaient pas tenus de suivre. Tout cela était bien vague et bien fragile. Mais tels sont à peu près les pouvoirs qui ont été délégués à tous les fondateurs de colonies dans l'Amérique septentrionale, sauf quelques rares exceptions dans les provinces anglaises. Ce système avait peu d'inconvéniens dans le commencemens, parce que la plupart des planteurs étaient aux gages d'un gouverneur ou d'une compagnie sous les auspices desquels se formait l'établissement. Mais à mesure que les colonies prenaient de l'extension, leurs institutions se formulaient sur celles de leurs mères-patries respectives, dont elles prenaient plus ou moins la physionomie et le caractère.

Champlain trouva que depuis Jacques Cartier, le Canada avait été bouleversé par des révolutions. Stadaconé et Hochelaga n'existaient plus; et il paraît aussi que ce n'était plus les mêmes habitans qui occupaient le pays. Ces bourgades avaient-elles été renversées par la guerre ou transportées ailleurs par suite des vicissitudes de la chasse ou de la pêche? Colden 34 rapporte que les cinq nations iroquoises avaient occupé autrefois les environs de Montréal, et qu'elles en avaient été chassées par les Algonquins; c'était là, dit-il, une tradition accréditée chez ces nations elles-mêmes. Il est tout probable en effet qu'au moins une partie a possédé cette contrée dans un passé plus ou moins éloigné.

Note 34:(retour) History of the five Indian nations of Canada.

      Les révolutions de cette nature n'étaient pas rares chez les nations indiennes, qui erraient dans leurs vastes forêts sans laisser ni monument de leur existence, ni trace de leur passage.

      D'après les relations de Cartier l'on serait porté à croire cependant, que la lutte entre les Iroquois et les autres Sauvages du Canada n'était pas encore commencée de son temps. Il ne parle que des Toudamens, tribus établies sur les bords de la mer, entre la N. Ecosse et la N. York, lesquels traversaient les Alleghanys pour venir porter leurs ravages dans la vallée du St. – Laurent.

      A l'époque de l'arrivée de Champlain le pays était occupé par des peuplades encore plus barbares que celles qui existaient au temps de Cartier, et qui luttaient avec difficulté contre des ennemis qui leur étaient supérieurs, sinon par le courage du moins par l'habileté et par la prudence. Ces peuples désespérés s'empressèrent d'accourir au devant de lui et de briguer son alliance contre les Iroquois qui occupaient les forêts situées à l'occident du lac Ontario. Ces Sauvages, de la famille des Hurons, formaient cinq nations confédérées; et chacune d'elle était partagée en trois tribus qui portaient les noms allégoriques de la Tortue, de l'Ours et du Loup (Cadwallader Colden.)

      Ignorant la force et le caractère de cette confédération, Champlain accepta peut-être trop précipitamment des offres dont l'effet fut de doter la colonie d'une guerre qui dura plus d'un siècle. Il pensait qu'en ayant pour alliés toutes les tribus du pays, il pourrait subjuguer facilement, non seulement cette confédération, mais encore toutes les peuplades qui voudraient entraver ses projets par la suite. Jusqu'alors les autres nations européennes, n'avaient trouvé que des ennemis dans les Indiens parmi lesquels elles étaient venues s'établir; il dut croire, lui, en les voyant rechercher son amitié, qu'avec leur appui le succès de son entreprise n'était que plus assuré. Il ne savait pas encore que d'autres Européens, rivaux de la France, étaient déjà établis à côté des Iroquois, et prêts à les soutenir dans leurs luttes.

      On explique ainsi l'origine de la guerre entre ces Sauvages et les autres tribus canadiennes, les Algonquins, les Hurons et les Montagnais.

      «Une année, il arriva qu'un parti d'Algonquins, peu adroits ou peu exercés à la chasse, y réussit mal. Les Iroquois qui les suivaient, demandèrent la permission d'essayer s'ils seraient plus heureux. Cette complaisance qu'on avait eue quelquefois, leur fut refusée. Une dureté si déplacée les aigrit. Ils partirent à la dérobée pendant la nuit, et revinrent avec une chasse très abondante. La confusion des Algonquins fut extrême. Pour en effacer jusqu'au souvenir, ils attendirent que les chasseurs iroquois fussent endormis, et leur cassèrent à tous la tête. Cet assassinat fit du bruit. La nation offensée demanda justice. Elle lui fut refusée avec hauteur. On ne lui laissa pas même l'espérance de la plus légère satisfaction.

«Les Iroquois, outrés de ce mépris, jurèrent de périr ou de se venger; mais n'étant pas assez forts pour tenir tête à leur superbe offenseur, ils allèrent au loin s'essayer à s'aguerrir contre des nations moins redoutables. Quand ils eurent appris à venir en renards, à attaquer en lions, à fuir en oiseaux, c'est leur langage, alors ils ne craignirent plus de se mesurer avec l'Algonquin. Ils firent la guerre à ce peuple, avec une férocité proportionnée à leur ressentiment.» (Raynal) 35

Note 35:(retour) Charlevoix: -Journal historique d'un voyage de l'Amérique. Colden.

      Gonflés par des succès inouïs, ils se considérèrent comme supérieurs au reste des hommes, et s'appelèrent orgueilleusement Ongue honwe, c'est-à-dire, hommes qui surpassent les autres hommes.

      Ils devinrent la terreur de toutes les nations de l'Amérique septentrionale. Lorsque les Agniers prenaient les armes contre les tribus de la Nouvelle-Angleterre, un seul de leurs guerriers paraissait-il parmi elles, aussitôt le terrible cri d'alarme s'élevait de colline en colline, un Iroquois! un Iroquois! Et saisies d'épouvante, toutes les tribus, hommes, femmes et enfans, prenaient la fuite comme un timide troupeau de moutons poursuivis par des loups. Cette terreur de leur nom, ils mettaient le plus grand soin à la répandre en cherchant en toutes occasions à persuader aux autres peuples qu'ils étaient invincibles.

      Pontgravé lui ayant amené à Québec deux barques remplies d'hommes, Champlain repartit aussitôt avec ses nouveaux alliés et une douzaine de Français pour marcher contre eux. Il les rencontra sur les bords du lac auquel il a donné son nom. Les deux armées se trouvèrent en présence le 29 Juillet (1609) et se préparèrent au combat. Les Sauvages passèrent toute la nuit à danser, à chanter et à se provoquer d'un camp à l'autre à la façon des Grecs et des Troyens d'Homère. Les Français pour qui les usages des Indigènes étaient nouveaux, regardaient tout cela avec une curiosité mêlée de surprise.

      Le lendemain matin, les Indiens sortirent de leurs retranchemens et se rangèrent en bataille. Les Iroquois au nombre de 200 s'avancèrent au petit pas avec beaucoup de gravité et d'assurance, sous la conduite de trois


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