Histoire du Canada depuis sa découverte jusqu'à nos jours. Tome I. Garneau François-Xavier

Histoire du Canada depuis sa découverte jusqu'à nos jours. Tome I - Garneau François-Xavier


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les côtes jusqu'à 20 lieues au sud du cap Cod. – De Monts, ou plutôt le baron de Poutrincourt fonde Port-Royal; il retourne en France. – Port-Royal concédé au baron de Poutrincourt. – Lescarbot. – Progrès de Port-Royal. – Retrait du privilége accordé à de Monts. – Dissolution de la société des pelleteries. – Abandon temporaire de Port Royal. – Poutrincourt y retourne en 1610. – Il refuse d'y mener des Jésuites. – Assassinat de Henri IV. – La marquise de Guercheville achète les droits des associés de de Monts pour envoyer des Jésuites en Acadie. – Difficultés entre les colons et les Jésuites. – Mde. de Guercheville les envoie fonder St. – Sauveur sur la rivière Penobscot. – Les Anglais de la Virginie détruisent St. – Sauveur et Port-Royal, en pleine paix. – Le gouvernement français ne s'intéresse point au sort de ces deux colonies qui n'était que des entreprises particulières.

      Nous sommes enfin parvenu à l'époque à laquelle on peut fixer le commencement des succès permanens de la colonisation française. Bien des obstacles et bien des calamités en arrêteront encore le cours, paraîtront même l'interrompre; mais ils ne cesseront pas d'être réels; ils seront comme la lumière qui paraît et disparaît vacillante au souffle du vent; elle brûle toujours quoiqu'elle semble quelquefois s'éteindre.

      Cette époque correspond au règne d'Henri IV, l'un des plus grands rois qu'ait eus la France, et à celui de son successeur, Louis XIII. La guerre civile avait fait place à la guerre étrangère; et Richelieu achevait l'abaissement de la maison d'Autriche, et de la noblesse du royaume que les guerres de religion avaient divisée et affaiblie. Le caractère national s'était retrempé dans ces longues et sanglantes disputes; son énergie s'était réveillée. Rendue à la paix, la France eut besoin de nouvelles carrières pour donner cours à son activité.

      La marche de la civilisation ne s'était pas ralentie en Europe. La grande lutte religieuse où le principe protestant avait triomphé, avait donné, si je puis m'exprimer ainsi, plus de ressort et plus d'étendue à l'esprit humain, en agrandissant le champ de son expérience et en détruisant ses préjugés.

      La France, l'Angleterre et les Provinces-Unies avaient pris un accroissement rapide de population, de richesse et de grandeur.

      Henri IV police et fait fleurir son royaume, rétablit l'ordre dans les finances, réforme la justice, oblige les deux religions de vivre en paix; encourage l'agriculture et le commerce, établit des manufactures de drap d'or et d'argent, de tapisseries, de glaces. C'est aussi sous lui que les vers à soie sont introduits en France et qu'on y creuse le canal de Briare.

      Le commerce établissait déjà des communications entre tous les pays, mettait en regard leurs moeurs et leurs usages. L'imprimerie qui se propageait, en généralisant les connaissances, appelait les hommes de génie à éclairer leurs concitoyens prêts à recevoir l'impulsion qui leur serait donnée et à marcher dans la voie des progrès. Les classes moyennes ayant acquis par l'industrie de l'importance, de la liberté et des richesses, reprenaient le rang qu'elles doivent occuper dans la société dont elles sont la principale force. En repoussant du poste qu'elle occupait depuis des siècles cette noblesse guerrière qui ne s'était distinguée que par la destruction et l'effusion du sang, elles allaient introduire dans l'Etat des principes plus favorables à sa puissance et à la liberté des peuples. «Tout progrès, en effet, dit Lamennais, se résout dans l'extension de la liberté, car le progrès ne peut être conçu que comme un développement plus libre ou plus complet des puissances propres des êtres. Or, dans l'ordre social, nulle liberté sans propriété: elle seule affranchit pleinement l'homme de toute dépendance.»

      La découverte du Nouveau-Monde avait activé ce grand mouvement. Les nations s'étaient mises à coloniser, les unes pour se débarrasser de sectaires remuans, d'autres pour ouvrir un champ aux travaux des prédicateurs chrétiens, toutes pour se créer des sources de richesse et de puissance. La France s'est surtout distinguée par ses efforts pour convertir les infidèles, et l'on peut dire à l'honneur de sa foi, qu'aucun autre peuple n'a tant fait pour cette cause toute de sainteté et de philantropie. C'est par cela probablement que l'on peut expliquer l'estime que toutes les nations indiennes ont eue dans tous les temps pour elle sur tous les autres peuples.

      Cette conduite de la France, envisagée sous le rapport politique, ne mérite pas les mêmes louanges, surtout à cause de la pernicieuse influence qu'elle exerça sur la police des colonies. En Canada, par exemple, de peur de scandaliser les Sauvages par le spectacle de plusieurs religions, l'on persuada au gouvernement de n'y laisser passer que des émigrans catholiques. Ainsi le catholicisme forcé de laisser subsister la religion protestante à côté de lui dans la métropole, eut encore assez de force cependant pour le faire exclure dans les plantations d'outre-mer, exclusion qui annonce déjà l'arrière pensée qui devait se manifester plus tard par la révocation de l'édit de Nantes, et qui devait aussi altérer le système de gouvernement intérieur adopté par Henri IV et Sully. Les tendances libérales et quelque peu républicaines des Huguenots, les rendirent d'ailleurs redoutables à la cour, qui voyait d'un tout autre oeil la soumission des catholiques et du haut clergé aussi hostile pour le moins que le pouvoir royal aux libertés populaires.

      Tel était l'état de l'Europe et particulièrement celui de la France, lorsque s'ouvrit le dix-septième siècle.

      Le commerce de pelleteries et la pêche de la morue prenant de jour en jour plus de développement, il devenait aussi d'une grande importance pour cette nation de s'assurer de la possession des pays où se faisaient ces deux négoces si avantageux pour sa marine. D'ailleurs le système colonial de l'Espagne s'agrandissait rapidement; l'Angleterre persistait à s'établir dans la Floride en dépit de ses échecs. Elle ne pouvait donc rester tranquille en Europe, pendant que ses ennemis ou ses rivaux cherchaient à se fortifier en Amérique. Elle se mit aussi en frais plus sérieusement qu'elle ne l'avait fait jusque là, d'y avoir au moins un pied à terre. Mais les premiers hommes à qui elle confia cette tâche après la mort du marquis de la Roche, en firent simplement un objet de spéculation.

      Pontgravé l'un des principaux négocians de St. – Malo, forma le vaste projet d'accaparer la traite des fourrures en Canada et en Acadie. Pour le réaliser, il jeta les yeux sur un capitaine de vaisseau nommé Chauvin, qui avait des amis puissans à la cour, et qui se recommandait en outre par les services qu'il avait rendus au roi dans les dernières guerres. Cet officier obtint facilement les pouvoirs qui avaient été accordés à la Roche. Mais il mourut après avoir débarqué à Tadoussac une douzaine de colons qui seraient morts de faim dans l'hiver sans les Sauvages qui les recueillirent dans leurs cabanes.

      Le commandeur de Chaste, gouverneur de Dieppe, succéda à ses priviléges. Il paraît que le commerce n'était pour lui qu'un objet secondaire; mais Pontgravé, qui n'entrait dans ces entreprises que pour s'enrichir, lui démontra la nécessité de la traite pour subvenir aux dépenses de premier établissement toujours si considérables. Le nouveau gouverneur forma, à sa suggestion, une société dans laquelle entrèrent plusieurs personnes de qualité et les principaux marchands de Rouen.

      Sur ces entrefaites, Samuel de Champlain, capitaine de vaisseau, officier distingué, nouvellement arrivé des Indes occidentales, se trouva à la cour où Henri IV le retenait près de lui. A la demande du commandeur il voulut bien accompagner l'expédition qu'on envoyait en Canada.

      La petite flotte qui consistait en barques de douze à quinze tonneaux seulement, fit voile en 1603. Champlain remonta le St. – Laurent avec Pontgravé jusqu'au Sault-St. – Louis, et de retour en France, il montra au roi la carte et la relation de son voyage. Henri en fut si content qu'il promit de favoriser l'entreprise de tout son pouvoir; et le commandeur étant mort pendant ce temps-là, il donna sur le champ sa commission à Pierre Dugua, sieur de Monts, de la province de Saintonge, gentilhomme ordinaire de sa chambre et gouverneur de Pons, avec le privilége exclusif de faire la traite depuis le cap de Raze, en Terreneuve, jusqu'au 50e degré de latitude nord. Les Huguenots eurent la liberté de professer leur religion dans les colonies qu'on établirait tout comme en France; mais les Indigènes devaient être instruits dans la foi catholique.

      On attendait beaucoup des talens et de l'expérience de M. de Monts, qui avait toujours montré un grand zèle pour la gloire de son pays.

      La


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