Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 2 - (A suite - C). Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc

Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 2 - (A suite - C) - Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc


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bahuts, décorés d'une assise de damiers sous les sablières, sont en outre percés d'ajours pour éclairer et aérer la charpente du comble. Plus tard, vers le milieu du XIIIe siècle, les bahuts furent pourvus d'une dernière assise formant larmier pour éviter que les eaux descendant de la couverture ne dégradassent les parements de pierre et pour les faire tomber directement dans le chéneau (2).

      On trouve à Amiens, à Beauvais, à la Sainte-Chapelle du Palais, des bahuts ainsi couronnés. Ce profil saillant permettait d'ailleurs d'établir des coyaux A, et en laissant une circulation d'air entre les pieds des chevrons, les sablières et la couverture, il préservait ces pièces de bois de la pourriture. Les bahuts des grands combles n'ont guère que 0,40 ou 0,60 centimètres d'épaisseur et portent sur les formerets des voûtes hautes (voy. CONSTRUCTION, CHARPENTE), en laissant le plus de largeur possible à la tête des murs pour l'établissement des chéneaux. Quelquefois même les bahuts des combles sont établis sur des arcs de décharge reportant le poids de la charpente sur les sommiers des voûtes intérieures; alors toute l'épaisseur des murs est réservée pour le placement des chéneaux. Les colonnes des galeries intérieures, pendant l'époque romane et au commencement de la période ogivale, sont souvent dressées sur de petits murs d'appui qui sont de véritables bahuts. Les colonnettes du triforium du porche de l'église de Vézelay sont ainsi disposées. Dans la nef et le choeur de la cathédrale d'Amiens même, c'est encore sur un bahut que sont posées les colonnes du triforium (voy. TRIFORIUM).

       BAINS, s. m. (Voy. ÉTUVE.)

       BAIN DE MORTIER. On désigne ainsi, dans les ouvrages de maçonnerie, le lit de mortier sur lequel on pose une pierre de taille ou des moellons. À Paris, depuis le commencement du XVIIe siècle, on pose les pierres de taille sur des cales de bois et on les fiche au mortier, c'est-à-dire que l'on fait entrer du mortier dans l'espace vide laissé entre ces deux pierres par l'exhaussement des cales, au moyen de lames de fer mince découpées en dents de scie. Ce procédé a l'inconvénient de ne jamais remplir les lits d'un mortier assez compacte pour résister à la pression. Les ficheurs étant obligés, pour introduire le mortier entre les pierres par une fente étroite, de le délayer beaucoup, lorsque la dessiccation a lieu, ce mortier diminue de volume et les pierres ne portent plus que sur leurs cales. Heureusement pour nos édifices modernes qu'on a le soin de mettre en oeuvre un cube de pierre trois ou quatre fois plus fort qu'il n'est besoin, et que, grâce à cet excès de force, chaque pierre ne subit qu'une faible pression; mais lorsqu'on bâtissait au moyen âge, les architectes étaient portés à mettre en oeuvre un cube de pierre plutôt trop faible que trop fort; il devenait donc nécessaire de faire poser ces pierres sur toute la surface de leur lit, afin de profiter de toute leur force de résistance. On posait alors les pierres à bain de mortier, c'est-à-dire qu'après avoir étendu sur le lit supérieur d'une première assise de pierre une épaisse couche de mortier peu délayé, on asseyait la seconde assise sur cette couche, en ayant le soin de la bien appuyer au moyen de masses de bois jusqu'au refus, ce qui, en terme de maçons, veut dire jusqu'à ce que le mortier, après avoir débordé sous les coups de la masse, refuse de se comprimer davantage. On obtenait ainsi des constructions résistant à une pression considérable sans craindre de voir les pierres s'épauffrer, et on évitait des tassements qui, dans des édifices très-élevés sur des points d'appui légers, eussent eu des conséquences désastreuses (voy. CONSTRUCTION).

       BALCON, s. m. (Voy. BRETÈCHE.)

       BALUSTRADE, s. f. Chancel, Gariol. Le nom de balustrade est seul employé aujourd'hui pour désigner les garde-corps à hauteur d'appui, le plus souvent à jour, qui couronnent les chéneaux à la chute des combles, qui sont disposés le long de galeries ou de terrasses élevées, pour garantir des chutes. On ne trouve pas de balustrades extérieures surmontant les corniches des édifices avant la période ogivale, par la raison que jusqu'à cette époque les combles ne versaient pas leurs eaux dans des chéneaux, mais les laissaient égoutter directement sur le sol. Sans affirmer qu'il n'y ait eu des balustrades sur les monuments romans, ne connaissant aucun exemple à citer, nous nous abstiendrons. Mais il convient de diviser les balustrades en balustrades intérieures, qui sont destinées à garnir le devant des galeries, des tribunes, et en balustrades extérieures, disposées, sur les chéneaux des combles ou à l'extrémité des terrasses dallées des édifices.

      Ce n'est guère que de 1220 à 1230 que l'on établit à l'extérieur des grands édifices une circulation facile, à tous les étages, au moyen de chéneaux ou de galeries, et que l'on sentit, par conséquent, la nécessité de parer au danger que présentaient ces coursières, étroites souvent, en les garnissant de balustrades; mais avant cette époque, dans les intérieurs des églises ou de grandes salles, on établissait des galeries, des tribunes, dont l'accès était public, et qu'il fallait par conséquent munir de garde-corps. Il est certain que ces garde-corps furent souvent, pendant l'époque romane, faits en bois; lorsqu'ils étaient de pierre, c'était plutôt des murs d'appui que des balustrades. La tribune du porche de l'église abbatiale de Vézelay (porche dont la construction peut être comprise entre 1150 et 1160), est munie d'un mur d'appui que nous pouvons à la rigueur classer parmi les balustrades, ce mur d'appui étant décoré de grandes dents de scie qui lui donnent l'aspect d'un couronnement plus léger que le reste de la construction (1). Les galeries intérieures des deux pignons du transept de la même église, construit pendant les dernières années du XIIe siècle ou au commencement du XIIIe, possèdent de belles balustrades pleines ou bahuts décorés d'arcatures, sur lesquels sont posées les colonnettes de ce triforium. Nous donnons ici (2) la balustrade de la galerie sud, dont le dessin produit un grand effet.

      Mais on ne tarda pas, lorsque l'architecture prit des formes plus légères, à évider les balustrades; un reste des traditions romanes fit que l'on conserva pendant un certain temps les colonnettes avec chapiteaux dans leur composition. Les balustrades n'étaient que des arcatures à jour, construites au moyen de colonnettes ou petits piliers espacés, sur lesquels venait poser une assise évidée par des arcs en tiers-point. Les restes du triforium primitif de la nef de la cathédrale de Rouen (1220 à 1230) présentent à l'intérieur une balustrade ainsi combinée, se reliant aux colonnes portant la grande arcature formant galerie, afin d'offrir une plus grande résistance (3). On concevra facilement, en effet, qu'une claire-voie reposant sur des points d'appui aussi grêles, ne pouvait se maintenir sur une grande longueur, sans quelques renforts qui pussent lui donner de la rigidité. Mais c'est surtout à l'extérieur des monuments que les balustrades jouent un rôle important à partir du XIIIe siècle, car, ainsi que nous l'avons dit plus haut, c'est à dater du commencement de ce siècle que l'on établit des chéneaux et des galeries de circulation à tous les étages. Les balustrades exécutées pendant cette période présentent une extrême variété de formes et de constructions. La nature de la pierre influe beaucoup sur leur composition. Là où les matériaux étaient durs et résistants, mais d'un grain fin et faciles à tailler, les balustrades sont légères et très-ajourées; là où la pierre est tendre, au contraire, les vides sont moins larges, les pleins plus épais. Leur dimension est également soumise aux dimensions des matériaux, car on renonça bientôt aux balustrades composées de plusieurs morceaux de pierre placés les uns sur les autres, comme n'offrant pas assez d'assiette, et on les évida dans une dalle posée en délit. En Normandie, en Champagne, où la pierre ne s'extrait généralement qu'en morceaux d'une petite dimension, les balustrades sont basses et n'atteignent pas la hauteur d'appui (1 m,00 au moins). Dans les parties de la Bourgogne où la pierre est très-dure, difficile à tailler, et ne s'extrait pas facilement en bancs minces, les balustrades sont rares et n'apparaissent que fort tard, lorsque l'architecture imposa les formes qu'elle avait adoptées dans le domaine royal, à toutes les provinces environnantes, c'est-à-dire vers la fin du XIIIe siècle. Les bassins de la Seine et de l'Oise offraient aux constructeurs des qualités de matériaux très-propres à faire des balustrades; aussi est-ce dans ces contrées qu'on trouve des exemples variés de cette partie importante


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