La Pire Espèce. Chiara Zaccardi

La Pire Espèce - Chiara Zaccardi


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que, lui aussi, la fréquentait... Donc s’infiltrer doit être plutôt facile... Il essaie d’observer son image d’un point de vue extérieur et de voir s’il fait vingt ans. Il a les cheveux châtains, coupés courts, les yeux verts et un joli nez droit. Sa silhouette est mince et, même s’il ne pratique pas une activité régulière, à part le sexe, faire du surf à l’océan lui permet de se maintenir.

      « Mais oui. Si je me sape bien, je peux même en faire vingt-deux » se réjouit-il.

      Maintenant, il ne lui reste plus qu’à se souvenir de ce qu’il a raconté à la blonde. Ce qu’il a raconté comme mensonge, évidemment. Car, pour accoster ses amies, il doit s’assurer que l’histoire soit crédible, qu’elle tienne debout. Se contredire signifierait donner une mauvaise image et perdre toute occasion.

      « Qu’est-ce que Keira m’avait conseillé de manger pour la mémoire ? » se demande-t-il. « Des carottes ? Du poisson ? Peut-être des trucs avec des légumes ? »

      Un autre blanc. La barbe. Voilà pourquoi il doit écrire les choses vraiment importantes sur un bloc-notes, rangé dans le dernier tiroir de son bureau. Le carnet de ses conquêtes.

      Là-dedans, il y a les noms de toutes les filles avec qui il a été au moins une fois. Elles sont quatre-vingt-six. Quatre-vingt-sept, avec celle-là, mais sans le nom il ne peut pas la rajouter à la liste. Il lui faut faire un effort mental pour une juste cause. Bientôt, il dépassera Casanova, il en est certain.

      Il retourne dans sa chambre et trouve les slips sur le radiateur. Il en enfile un.

      « Je suis prêt ! » réfléchit-il en ouvrant les rideaux, l’obligeant à cligner des yeux pour s’habituer au soleil aveuglant. « Il y a deux semaines, je m’étais incrusté à une fête universitaire ! C’est là que je l’ai connue ! Et, pour la ramener avec moi en voiture, je lui ai dit qu’on fréquentait le même cours de je ne sais plus quoi... » il enfile un jean et récupère la chemise sous le lit. « ... Parfait. Je dois me souvenir de quel cours c’était et me pointer là-bas pour rencontrer ses copines » .

      Il ramasse le coussin par terre, esquissant une grimace à la pensée de la dernière entrée de sa mère, et lorsqu’il le pose sur le lit, il aperçoit le sachet abandonné dans les draps. Il le prend dans ses mains : il est transparent et contient une petite quantité de poudre blanche.

      C’est donc vrai : la blonde lui a laissé un cadeau. Et il ne s’agit même pas des habituelles culottes en dentelles, ou de son énorme soutien-gorge.

      Il vient tout juste de devenir détenteur de cocaïne.

      Génial.

      Que doit-il en faire ? La vendre, non, il n’a pas besoin d’argent et il n’en tirerait pas grand chose, car la quantité est minime. Il pourrait appeler quelqu’un avec qui la tester. Son ami Rich, par exemple : même si, à le voir, il semble être un garçon élégant et bien éduqué, en réalité il est le fidèle fournisseur d’une grande partie des lycées de la ville. Il saurait tirer un truc même d’un bonbon moisi, pour récupérer un peu de blé.

      Certainement que lui serait partant pour se faire un rail, mais Lake, après quelques secondes de réflexion, renonce à l’appeler : Rich connaît Keira et, à long terme, s’ils faisaient ça ensemble, l’histoire pourrait se savoir. Alors, Keira sortirait de ses gonds, elle le traquerait, elle lui filerait des coups et puis elle lui ferait la gueule pendant des décennies, étant donné qu’elle est opposée aux drogues dures.

      « Excuse-moi, mais c’est quoi la différence ? » lui a-t-il demandé un jour, durant une discussion sur le sujet. « Se défoncer avec du shit et des cachetons pendant des années te ramollit le cerveau presque qu’autant qu’une drogue dure, non ? Alors, autant en essayer une, une fois ou deux » .

      Keira lui a donné un coup de poing sur le bras lui passant un savon, qui lui a paru une éternité, sur la dépendance créée par les stupéfiants, et sur comment cette dépendance pouvait te tuer, te détruire physiquement et mentalement, et cetera, et cetera. Sa devise est “ Peu et peu souvent ”.

      Il sourit en s’étalant sur le lit. C’est une vraie casse-couilles, Keira. Mais, c’est en quelque sorte une façon adorable de s’inquiéter pour lui.

      “ Le peu et peu souvent ”, ils l’ont presque toujours respecté, sauf avec l’alcool. Nombreux ont été les week-ends où est resté seul le “ souvent ”, avec l’ajout du “ beaucoup ”, et où ils ont dû se traîner jusqu’à chez eux tour à tour, après des pauses répétées pour vomir.

      Au fond, personne n’est parfait.

      Lui, il se laisse surtout trop influencer par cette fille. Et elle, qui n’est même pas sur sa précieuse liste, lui détruit les neurones du cerveau plus que n’importe quelle autre drogue ou boisson, et ce n’est absolument pas normal. S’il arrive le moindre problème, il prend de plein fouet sa voix qui lui explose les tympans, elle lui rentre dedans et lui fait son procès, lui donnant toujours l’impression d’être un gros incapable. Il n’entend pas la voix de la raison en lui, il a la voix de Keira qui résonne dans sa tête, et c’est absurde qu’il se laisse manipuler comme un gamin, alors que normalement il se fout royalement de ce que pensent les filles.

      « Keira est mon exception » pense-t-il, tout en installant l’oreiller sous sa tête.

      Il prend le téléphone dans la poche du pantalon, à l’endroit où il l’avait laissé avant les acrobaties avec la blonde inconnue, et écrit un message : J’ai un nouveau surnom pour toi. The Exception.

      Il l’envoie. Il s’étire pour attraper la télécommande de la tv sur la table de nuit et allume l’écran qui se trouve en face de son lit. Il attend.

      Le téléphone vibre, signalant l’arrivée de la réponse.

      Arrête d’inventer des conneries et ramène ton cul à l’école demain.

      « J’adore sa gentillesse... » pense Lake en souriant. Et, alors qu’il réfléchit à la réponse la plus adaptée à envoyer, il s’endort.

      Une odeur de nourriture le réveille. Il ouvre les yeux, il bâille et il s’étire, se rendant compte que sa chemise était froissée. Quelle plaie ! Maintenant, il va devoir passer une demi-heure à en choisir une repassée parmi la centaine de chemises qui se trouve dans sa garde-robe.

      Le soleil est descendu et il fait déjà noir. Il cherche le plateau-repas déposé, comme chaque soir, par la philippine de service, et le trouve sur une petite table portable au pied du lit. Il s’assoit et le tire vers lui, jetant un oeil au portable : il est en stand-by et il n’a plus reçu aucun autre appel ni message. C’est mauvais signe. Il doit plus s’investir dans les relations interpersonnelles. Il vérifie ses comptes. La semaine dernière, il a dépensé seulement quarante dollars en appels et sms, alors il doit absolument se rattraper s’il ne veut pas risquer de devenir un asocial sans fréquentations.

      Il soulève le couvercle du plateau qui se trouve devant lui et se crispe à la vue de la côtelette accompagnée de légumes qui se présente à lui depuis l’assiette. Son père a décrété une alimentation saine et équilibrée pour tout le monde, ce qui, évidemment, pour le cuisinier signifie servir un truc infecte sans aucune saveur. Comme si sa mère pouvait aller mieux grâce à ça : en mangeant moins, elle arrive juste à se soûler plus rapidement.

      Il se met à jurer et laisse tomber le dîner. Il ouvre son frigo personnel, en sort un tas de cochonneries à base de chocolat et il envoie mentalement se faire foutre tous les idiots qui sont convaincus que le chocolat améliore l’humeur. Ce n’est pas tout à fait ça. Ça améliore la digestion, à la limite, mais de toute façon ça ne le concerne pas, heureusement ; ça le stresserait trop de devoir se préoccuper aussi de ça.

      Après un demi bac de glace, deux sachets de chips et trois bières, il est suffisamment repu et réveillé pour prendre la meilleure décision : sniffer la coke tout seul.

      Au moins, pendant un


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