L'Agent Zéro . Джек Марс
dans la chaise en face de lui.
“Vous m’avez fait quelque chose,” murmura-t-il.
“Oui,” acquiesça l’interrogateur. “Nous venons de vous libérer de votre prison mentale.” Il se pencha en avant avec un petit sourire narquois, cherchant quelque chose dans les yeux de Reid. “Vous vous souvenez. C’est fascinant à observer. Vous êtes perdu. Vos pupilles sont anormalement dilatées, malgré la lumière. Qu’est-ce qui est réel, ‘Professor Lawson’ ?”
Le Cheikh. Par tous les moyens nécessaires.
“Quand notre mémoire nous fait défaut…”
Dernière cachette connue : une maison sécurisée de Téhéran.
“Qui sommes-nous ?”
Une balle fait le même bruit dans toutes les langues… Qui a dit ça ?
“Qui devenons-nous ?”
C’est toi qui as dit ça.
Reid se sentit de nouveau glisser dans le vide. L’interrogateur lui mit deux gifles, afin qu’il revienne à ce qui se passait dans la pièce. “À présent, nous pouvons nous y remettre sérieusement. Alors, je vous pose de nouveau la question. Quel… est… votre… nom ?”
Tu entres seul dans la salle d’interrogatoire. Le suspect est menotté à un anneau fixé à la table. Tu cherches dans la poche intérieure de ton veston et en sort un badge d’identification en cuir…
“Reid. Lawson.” Sa voix était hésitante. “Je suis professeur… d’histoire de l’Europe…”
L’interrogateur soupira de déception. Il fit un signe de la main à la brute renfrognée. Un lourd poing s’abattit alors contre la joue de Reid. Une de ses molaires ricocha sur le sol dans une giclée de sang frais.
Pendant un moment, il n’y eut même pas de douleur. Son visage était engourdi, palpitant sous l’impact. Puis une nouvelle agonie nébuleuse prit le dessus.
“Arggh…” Il essayait de former des mots, mais ses lèvres refusaient de bouger.
“Je vous le demande encore,” continua l’interrogateur. “Téhéran ?”
Le cheikh se terrait dans une maison sécurisée, camouflée par une usine textile abandonnée.
“Zagreb ?”
Deux iraniens, sur le point de monter dans un avion charter pour Paris, sont appréhendés sur une piste privée.
“Madrid ?”
Le cinquième étage du Ritz : une cellule dormante activée avec une bombe dans une valise. Destination présumée : la Plaza de Cibeles.
“Cheikh Mustafar ?”
Il a négocié pour garder la vie sauve. Il nous a dit tout ce qu’il savait : les noms, les lieux, les plans. Mais il en savait tellement…
“Je sais que vous vous souvenez,” reprit l’interrogateur. “Vos yeux vous trahissent… Zéro.”
Zéro. Un flash lui vint en tête : Un homme portant des lunettes de soleil aviateur et une veste de motard noire. Il est debout, à l’angle d’une rue, dans une ville européenne. Il avance parmi la foule. Personne n’en a conscience. Personne ne sait qu’il est là.
Reid tenta de nouveau de chasser les visions de son esprit. Qu’est-ce qui lui arrivait ? Les images dansaient dans sa tête comme des séquences en stop-motion, mais il refusait de reconnaître qu’il s’agisse de souvenirs. Elles étaient fausses. Implantées, en quelque sorte. Il était professeur à l’université, père de deux adolescentes, vivant dans une humble maison du Bronx…
“Dites-nous ce que vous savez de nos plans,” demanda posément l’interrogateur.
Nous ne parlons pas. Jamais.
Les mots firent écho dans la caverne de son esprit, encore et encore. Nous ne parlons pas. Jamais.
“C’est trop long !” cria le grand iranien. “Force-le.”
L’interrogateur soupira. Il tira à lui le chariot métallique, mais pas pour se tourner vers le détecteur de mensonge. Au lieu de ça, ses doigts s’attardèrent sur le plateau en plastique. “Je suis un homme patient en général,” dit-il à Reid. “Mais je dois admettre que la frustration de mes associés est assez contagieuse.” Il s’empara du scalpel sanglant, l’outil utilisé pour libérer le petit grain d’argent de sa tête, et il appuya doucement la pointe de la lame contre le jean de Reid, environ dix centimètres au-dessus du genou. “Nous voulons simplement savoir ce que vous savez. Les noms. Les dates. À qui vous avez dit ce que vous savez. L’identité des autres agents de votre camp sur le secteur.”
Morris. Reidigger. Johansson. Les noms lui traversèrent l’esprit et, avec eux, des visages qu’il n’avait jamais vus auparavant. Un homme plus jeune aux cheveux noirs et au sourire arrogant. Un gars au visage rond et à l’air sympa, vêtu d’une chemise blanche. Une femme aux cheveux blonds ondulés et aux yeux gris comme l’acier.
“Et qu’est devenu le cheikh ?”
Bizarrement, Reid savait tout à coup que le cheikh en question avait été arrêté et emmené dans un endroit tenu secret, au Maroc. Ce n’était pas une vision. Il le savait, un point c’est tout.
Nous ne parlons pas. Jamais.
Un frisson glacé traversa le dos de Reid, alors qu’il luttait pour ne pas devenir fou.
“Dites-moi,” insista l’interrogateur.
“Je ne sais pas.” Les mots furent étranges, roulant dans sa bouche enflée. Il leva les yeux, alarmé, et vit l’autre homme lui sourire dans un rictus.
Il avait compris la demande prononcée en langue étrangère… et venait d’y répondre dans un arabe parfait.
L’interrogateur enfonça la pointe du scalpel dans la jambe de Reid. Il hurla, alors que la lame atteignait le muscle de sa cuisse. Il tenta instinctivement de retirer sa jambe, mais ses chevilles étaient attachées aux pieds de la chaise.
Il serra fort les dents, faisant presque délibérément souffrir sa mâchoire en guise de protestation. La blessure dans sa jambe lui faisait terriblement mal.
L’interrogateur sourit et inclina légèrement la tête. “Je dois admettre que vous êtes plus résistant que beaucoup d’autres, Zéro,” dit-il en anglais. “Malheureusement pour vous, je suis un professionnel.” Il tendit la main et retira lentement l’un des chaussettes crasseuses de Reid. “Je n’ai pas souvent recours à cette tactique.” Il se redressa et regarda Reid droit dans les yeux. “Voici ce qui va se passer maintenant : Je vais découper des petits morceaux de vous, puis vous les montrer un par un. Nous allons commencer par vos orteils. Ensuite, les doigts. Et après… Nous verrons où nous en sommes.” L’interrogateur se mit à genoux et appuya la lame contre le plus petit orteil de son pied droit.
“Attendez,” supplia Reid. “Attendez, je vous en prie.”
Les deux autres hommes présents dans la pièce se rapprochèrent avec intérêt pour regarder, un de chaque côté.
Désespéré, Reid toucha des doigts les cordes qui maintenaient ses poignets en place. C’était un nœud droit avec deux boucles opposées, serrées par un demi-nœud…
Un frisson énorme partit du bas de son dos jusqu’à ses épaules. Il savait. Peu importe comment, il savait, c’est tout. Il eut une intense sensation de déjà vu, comme s’il s’était déjà retrouvé dans cette situation… ou plutôt, ces visions démentes, implantées dieu sait comment dans sa tête, lui disaient que c’était le cas.
Mais, le plus important est qu’il savait quoi faire.
“Je vais tout vous dire !” haleta Reid. “Je vais vous dire ce que vous voulez