Le Piège Zéro. Джек Марс
ses skis.
Après trois heures à dévaler les pistes, ils retournèrent au chalet et prirent place dans la grande pièce commune, face à une cheminée où crépitait un bon feu de bois, assez grande pour garer une moto à l’intérieur de son foyer. Reid commanda trois tasses de chocolat chaud suisse qu’ils sirotèrent avec contentement auprès du feu.
“Je veux tenter une piste bleue demain,” annonça Sara.
“Tu es sûre, Pouêt-Pouêt ? On vient à peine de retirer ton plâtre,” railla Maya.
“Peut-être qu’on pourrait aller faire un tour en ville cet après-midi,” proposa Reid. “Et repérer un endroit sympa où dîner ?”
“Bonne idée,” acquiesça Sara.
“Bien sûr, tu dis ça maintenant,” dit Maya, “mais tu sais bien qu’il va nous traîner jusqu’à ce monastère.”
“Hé, c’est important d’apprendre à connaître l’histoire d’un endroit,” dit Reid. “C’est par ce monastère qu’a débuté cette ville. Disons, vers milieu du dix-neuvième siècle, quand c’est devenu un lieu de villégiature pour les touristes qui recherchaient ce qu’on appelait des ‘cures d’air frais.’ Vous voyez, à l’époque…”
Maya se pencha en arrière et fit semblant de ronfler très fort.
“Ha, ha,” ricana Reid moqueusement. “J’ai compris, j’arrête ma leçon. Qui en veut encore ? Je reviens tout de suite.” Il attrapa les trois tasses et se dirigea vers le comptoir pour demander une nouvelle tournée.
Alors qu’il attendait sa commande, il ne put s’empêcher d’être content de lui. Pour la première fois depuis un bon moment, peut-être depuis qu’on lui avait retiré le suppresseur de mémoire, il avait l’impression d’avoir fait ce qu’il fallait avec les filles. Ils passaient tous un super moment et les événements du mois précédent semblaient déjà devenir un souvenir lointain. Il espérait que ce ne serait pas juste temporaire et que la création de nouveaux souvenirs heureux pourrait chasser l’anxiété et l’angoisse relatives à ce qui s’était passé.
Bien sûr, il n’était pas naïf au point de croire que les filles allaient simplement oublier l’incident. Il était important de ne pas l’oublier. Tout comme pour l’histoire, il fallait tirer des conclusions afin qu’elle ne se répète pas. Mais si ça pouvait tirer Sara de sa mélancolie et faire en sorte que Maya reprenne le chemin de l’école et réfléchisse à son avenir, alors il aurait l’impression d’avoir accompli sa tâche en tant que parent.
Il retourna à leur place et vit Maya, sur le canapé, en train de pianoter sur son téléphone mobile. Le siège de Sara était vide.
“Elle est allée aux toilettes,” dit Maya avant même qu’il n’ait eu le temps de poser la question.
“Je ne comptais pas le demander” dit-il aussi nonchalamment que possible en posant les trois tasses sur la table.
“Ah ouais ? Y a du progrès,” le taquina Maya.
Reid se tendit quand même en regardant tout autour de lui. Bien sûr qu’il aurait posé la question. Si ça ne tenait qu’à lui, il ne quitterait jamais ses filles des yeux. Il chercha du regard parmi les autres touristes et les skieurs, les locaux profitant d’une boisson chaude, les équipes de service au comptoir et en salle…
Un nœud de panique se serra dans son estomac quand il aperçut dans la salle les cheveux blonds de Sara, de dos. Derrière elle, se trouvait un homme avec une parka noire qui la suivait… ou qui tentait peut-être de l’éloigner.
Il marcha rapidement, poings serrés sur les côtés. Sa première pensée fut immédiatement pour les trafiquants slovaques. Ils nous ont retrouvé. Ses muscles tendus étaient prêts à se battre, prêts à faire mordre la poussière à cet homme devant tout le monde. Quelqu’un nous a retrouvés, ici, dans les montagnes.
“Sara,” dit-il brusquement.
Elle s’arrêta et se retourna, les yeux écarquillés en entendant le ton de commande dans sa voix.
“Tu vas bien ?” Son regard passa de sa fille au type qui l’avait suivie. Il avait des yeux marrons, une barbe de trois jours et des lunettes de ski perchées sur son front. Il n’avait pas l’air slovaque, mais Reid ne voulait prendre aucun risque.
“Tout va bien, Papa. Ce monsieur me demandait juste où se trouvent les toilettes,” lui dit Sara.
Le type mit ses deux mains en avant dans un geste d’apaisement. “Je suis vraiment désolé,” dit-il avec un accent qui paraissait allemand. “Je ne voulais pas causer de souci…”
“Vous n’auriez pas pu demander à un adulte ?” dit sèchement Reid en regardant l’homme de la tête aux pieds.
“J’ai demandé à a première personne que j’ai vue,” protesta le type.
“Et c’était une fille de quatorze ans ?” Reid secoua la tête. “Avec qui êtes-vous ici ?”
“Avec qui ?” demanda le typa, abasourdi. “Je suis ici… avec ma famille.”
“Ah ouais ? Où est-elle ? Montrez-moi,” demanda Reid.
“Je-je ne veux aucun souci.”
“Papa.” Reid sentit un bras lui donner un coup de coude. “Ça suffit, Papa.” Maya l’attrapa par le bras. “C’est juste un touriste.”
Reid plissa les yeux. “Il vaut mieux que je ne vous revoie pas autour de mes filles,” avertit-il, “ou vous aurez des soucis.” Il tourna le dos à l’homme effrayé, tandis que Sara, ahurie, retournait vers le canapé.
Mais Maya se mit en travers de son chemin, mains sur les hanches. “C’était quoi ce bordel ?”
Il fronça les sourcils. “Maya, surveille ton langage…”
“Non, toi, surveille le tien,” répliqua-t-elle. “Papa, tu étais en train de parler en allemand.”
Reid cligna des yeux de surprise. “Ah bon ?” Il ne s’en était pas rendu compte, mais l’homme à la parka noire s’était excusé en allemand… et Reid lui avait répondu dans la même langue, sans réfléchir.
“Tu vas encore faire flipper Sara à faire des trucs comme ça,” l’accusa Maya.
Ses épaules s’affaissèrent. “Tu as raison. Je suis désolé. J’ai juste cru…” Tu as cru que les trafiquants slovaques t’avaient suivi avec tes filles jusqu’en Suisse. Soudain, il se rendit compte à quel point ça paraissait ridicule.
Il était clair que Maya et Sara n’étaient pas les seules qui avaient besoin de se remettre de cette expérience commune. Je devrais peut-être faire quelques séances avec le Dr. Branson, pensa-t-il en rejoignant ses filles.
“Je m’excuse,” dit-il à Sara. “Je crois que je suis juste un peu trop protecteur en ce moment.”
Elle ne répondit rien, mais regarda au sol avec un air absent dans les yeux, les deux mains entourant sa tasse en train de refroidir.
Voir sa réaction et l’entendre crier de colère sur cet allemand avait dû lui rappeler l’incident et, si ces suppositions étaient bonnes, à quel point elle en savait peu sur son propre père.
Génial, pensa-t-il amèrement. On n’est même pas là depuis un jour que j’ai déjà tout gâché. Comment est-ce que je vais réparer ça ? Il s’assit entre les filles et chercha désespérément quelque chose à dire ou faire pour revenir à l’atmosphère joyeuse dans laquelle ils baignaient auparavant.
Mais avant même qu’il n’en ait eu l’occasion, Sara ouvrit la bouche. Elle leva les yeux pour le regarder fixement et, malgré le fait qu’elle ait murmuré et qu’il y ait des conversations autour d’eux, Reid