L'Anneau des Dragons. Морган Райс

L'Anneau des Dragons - Морган Райс


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ordres exprès de Greave.

      Aurelle sentit son cœur se briser alors qu'elle s'accrochait au bastingage du bateau de pêche. Elle savait qu'elle aimait plus Greave qu'elle ne l'aurait dû, plus que de raison ou ce qu'il était permis, et pourtant… perdre quelqu'un qu'on aimait plus que tout au monde était indubitablement douloureux. Aurelle supposait que c'était le cas du moins ; elle n'avait jamais aimé quelqu'un de la sorte.

      A la Maison des Soupirs, Aurelle s'était toujours enorgueillie de ne jamais se laisser envahir par l'émotion. Elle avait vu la façon dont les individus essayaient d'utiliser leurs semblables, elle se considérait comme honnête dans ses actes et agissait avec son cœur, même si d'autres essayaient de créer des besoins ou des sentiments stupides qui se dressaient par la suite en travers du chemin. Elle avait été choisie pour espionner et agir dans l'ombre, Aurelle trouvait ça facile. Elle n'avait pas l'impression d'être trahie sans amour en retour.

      Mais elle avait désormais l'impression d'avoir trahi sur toute la ligne. Trahi Greave en l'espionnant en premier lieu, trahi ce qu'elle était censée représenter en osant tomber amoureuse de lui. Aurelle ne savait que faire.

      Elle regarda le port en flammes et sentit son cœur faire de même, se consumer, de sorte qu'il n'en resterait bientôt que des cendres. Aurelle imaginait que ce genre de dégâts contrecarrerait l'invasion du Royaume du Sud, mais n'était en rien matière à consolation. Quoiqu'il advienne, la bataille d'Astare était terminée ; la ville était entre leurs mains.

      Le pire étant que ses commanditaires seraient probablement ravis de la tournure des évènements. Elle imaginait le sourire du Duc Viris lorsqu'elle lui annoncerait que la bibliothèque contenant le remède contre la maladie de l'homme de pierre avait brûlé, que le prince à sa recherche avait péri, emportant avec lui la page des ingrédients.

      Même si elle essayait de lui dire qu'elle n'était en rien responsable, le duc imaginerait probablement qu'elle avait simplement usé de prudence, et se montrerait plus que satisfait de la façon dont avaient tourné les choses. Aurelle imaginait déjà comment il célèbrerait l'évènement, un homme tel que lui ne la verrait jamais autrement que comme une courtisane, quel que soit le mal qu'elle se donne.

      Meredith… Aurelle savait que la patronne de la Maison des Soupirs agissait toujours afin de préserver l'équilibre du royaume et de la Maison, qu'elle veillait toujours à protéger les hommes et femmes à son service. Aurelle ne pouvait lui reprocher d'avoir accepté l'argent du duc, sachant que la Maison des Soupirs serait récompensée si Aurelle réussissait.

      Elle en voulait cependant au Duc Viris et son fils. Il croyait probablement Aurelle stupide, et n'avait pu percer son plan à jour. Le désir de déstabiliser la famille royale tout en poussant Finnal au plus haut était flagrant, quand on savait ce qui se tramait. Que des hommes tels que lui le croient était au moins une des raisons de la renommée de la Maison des Soupirs.

      Greave ne … Greave n’avait pas pensé de la sorte, et cette seule pensée suffit à accabler Aurelle de douleur. Il était le seul à l’avoir jamais aimée pour ce qu'elle était, et non pour ce qu'elle faisait. Le seul à l’avoir jamais aimée, et il était mort.

      Aurelle se tenait là, complètement démunie tandis qu'Astare s’éloignait peu à peu. Elle ne savait plus que faire maintenant, ni où aller, une fois rendue à Royalsport. Elle ne voulait pas se contenter de dire au Duc Viris qu'il avait réussi, que tous ses plans se concrétisaient.

      Elle fit ce qu'elle voulait faire, un acte stupide et dangereux, qui lui causerait probablement plus d'ennuis qu'elle l’imaginait si elle survivait. Si elle revenait et prétendait avoir effectué sa mission parfaitement, elle serait grassement rétribuée, serait probablement même en mesure d’accéder à une position influente.

      Aurelle ne voulait rien de tout cela. Elle ne supportait pas l'idée d'un monde sans Greave à ses côtés, mais songer à un monde dans lequel Finnal remportait le pouvoir tandis que le duc Viris ricanait dans son coin lui faisait l’effet d’ongles lacérant sa peau. Elle ne le supporterait pas… alors pourquoi n'y remédiait-elle pas ?

      Ce qu'elle envisageait de faire ne ramènerait pas Greave. Ne réparerait aucun dégât qu'elle avait contribué à causer, ne rétablirait pas l’ordre des choses, mais contribuerait peut-être à rendre le monde meilleur.

      Elle les tuerait tous les deux.

      CHAPITRE HUIT

      Le courant malmenait Renard, le bousculait tel un mari rentré plus tôt que prévu, de sorte qu'il semblait comme jailli de l'eau. Cet homme robuste se retrouvait ballotté comme un vulgaire jouet, son poids devenu presque plume par la force de l’eau.

      L’eau s’engouffra dans le manteau de Renard, l’habit se fit plus pesant qu’une chape de plomb sur ses épaules. Renard déchira et arracha son pardessus mais la boucle se prit dans sa tignasse rousse, l’immobilisait alors qu'il s'accrochait à un rocher. Renard arracha une épaisse mèche de cheveux et parvint ainsi à se dégager, projeté en avant par le courant.

      Renard se débattait pour rester à la surface, essayant de se rappeler pourquoi se jeter à l’eau lui avait semblé à la base une si bonne idée. Il émergea, réussit à prendre une goulée d’air et se souvint avoir aperçu au loin la grosse masse rouge du dragon. Un petit séjour dans l’eau valait mieux qu'être brûlé vif, n’est-ce pas ?

      La rivière apporta la réponse à sa question en l'entraînant à nouveau sous les flots, le propulsant à une vitesse comparable à celle d’un cheval au galop. Renard se heurta aux rochers qui écrasèrent ses côtes et dut user de ses bras et jambes pour repousser les pires écueils avant de les percuter à nouveau.

      La situation ne pouvait pas être pire.

      Il remonta à la surface et le regretta aussitôt. Devant lui, l'eau céda la place à l’écume et aux embruns, tandis que la rivière semblait tout bonnement disparaître par-delà les rochers déchiquetés. Une chute ou un barrage attendaient Renard, il tomberait bientôt de Charybde en Scylla.

      Il nagea vers le rivage, ne voulant pas combattre la rivière de front mais l’affronter de biais. Renard comprit dès ses premières brasses que son idée ne fonctionnerait pas. La rivière était trop puissante, le courant l’entraînait trop vite. Renard devrait choisir entre passer en force ou s'écraser contre les rochers en vue – sa vie se résumait à des choix draconiens depuis ces derniers temps.

      Renard supposa que la plupart des gens auraient choisi les rochers, auraient essayé de s'y cramponner pour éviter de terminer dans la cascade. Ils se seraient probablement fracassés contre et Renard n'était pas du genre à choisir la facilité. Il nagea jusqu’à un espace libre entre eux, eut le temps de contempler le vide trente mètres plus bas, si ce n’est plus, dans la rivière en contrebas puis, ce fut la chute.

      Renard fit en sorte que sa chute se mue en plongeon et quand bien même, l'élégance n'était pas de mise vue la façon dont il fit son entrée dans l'eau. Une vasque attendait Renard, il n’avait plus qu’à espérer qu'elle soit assez profonde, faute de quoi cette chute sonnerait son trépas.

      Il tendit les mains droit devant lui, fendant et battant l'eau avec une force qui l’ébranlait jusqu’aux os. Renard s’arcbouta afin de pénétrer moins profondément dans l’eau mais il heurta le fond de la vasque suffisamment violemment pour perdre le peu de souffle qui lui restait.

      Renard apercevait la surface au-dessus, tel un cercle de lumière bien trop éloigné pour qu'il soit en mesure de l'atteindre et le toucher. Mais déjà ses poumons le brûlaient, il dut lutter pour retenir sa respiration alors qu'il remontait vers la lumière.

      La remontée lui parut une éternité. La vue de Renard s’obscurcissait peu à peu, la pression allait crescendo sous son crâne qui lui semblait à deux doigts d’exploser. Il respirerait bientôt, qu'il le veuille ou non, l'eau s’engouffrerait dans ses poumons, il mourrait noyé…

      Renard surgit à la surface, en manque d’air. Il leva les yeux, vit la chute d'eau qui se fracassait au-dessus, elle paraissait encore plus haute vue de là que lors de sa descente. L'eau martelait tout


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