L'Anneau des Dragons. Морган Райс

L'Anneau des Dragons - Морган Райс


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bout du quai lorsque le brasier éclata. Quelques secondes suffirent pour que le quai prenne des allures de torche. Les soldats qui ne purent s’enfuir assez vite tombèrent en hurlant, essayant d'éteindre le brasier qui les dévorait.

      Le feu se propagea le long du quai, s’étendit à la majeure partie des barils de goudron. Greave sentit comme un vrombissement alors que tout explosait sous l'effet de la chaleur, de hautes flammes s'élevèrent. Le quai se mit à osciller tandis que ses lattes se fendaient sous l’effet de la poussée, Greave conserva à grand peine son équilibre.

      La chaleur du feu était intense, semblable au rugissement d'une forge un jour d'été. Il dévorait les cargaisons entreposées le long du quai avec l'avidité que seul le feu possédait, Greave se remémora tout ce qu'il avait lu sur les propriétés des flammes, sur les théories des lettrés, à savoir que ces phénomènes d’aspiration pouvaient se produire par l’action conjuguée d’un combustible au contact d’étincelles. Rien de tout cela n’était suffisant pour expliquer la propagation exponentielle du feu sur le port d'Astare, qui s’étendaient maintenant en direction des autres quais, se répandait à une vitesse folle, Greave vit des soldats pris au piège.

      Le feu sur le quai ne faiblissait pas, les poutres se désolidariseraient au fur et à mesure que les flammes rongeaient la poix et la corde qui les retenaient. Greave songea un bref instant à ce plan hasardeux qui s’était avéré au final le plus réfléchi, avant de tomber dans l’eau glaciale.

      Une pluie de longerons et madriers s’abattit dans l'eau autour de Greave, il pouvait se faire assommer à tout moment, mais ce ne fut heureusement pas le cas. Greave retint sa respiration, tentant d’oublier la crainte qu’il avait des bêtes marines embusquées. Il avait vu de ses propres yeux à quel point les créatures des profondeurs pouvaient s’avérer dangereuses, et ne pouvait qu'espérer que nulle créature ne peuple la proximité des quais. La chaleur des flammes était palpable même sous l’eau, il apercevait la lumière tremblotante du feu qui semblait s'étendre pour dévaster le monde.

      Greave refit surface alors que ses poumons menaçaient d’exploser.

      Le port était devenu un enfer, Greave ne voyait plus que des flammes, même les grands navires à quai durent manœuvrer et partir au large pour éviter les dégâts. L'un d'eux ne fut pas assez rapide, Greave vit le feu lécher et dévorer son gréement comme une chandelle, les voiles enflammées se consumaient. Il regarda autour de lui, essayant de trouver comment sortir de cet enfer.

      Une section entière du quai avait atterri sur l'eau tel un radeau, un carré de planches de bois environ deux fois plus longues qu'un homme. Des barils abandonnés flottaient tout autour. Greave nagea vers eux, réfléchissant, essayant de déterminer la quantité dont il aurait besoin. Lentement, avec mille précautions, il les fit passer sous la portion de quai détruite, les attacha avec la corde existante.

      La manœuvre nécessita de longues minutes, mais personne ne s'occupait de Greave. Lorsqu'il fut certain d'avoir fait tout ce qui était en son pouvoir, il grimpa sur le radeau de fortune, s'empara d'un bout de bois qui ferait usage de rame. Le radeau tangua mais tint bon, Greave se mit à pagayer et quitta le port. Il ignorait jusqu'où il irait comme ça, ni comment il maîtriserait l'embarcation dès lors que les courants l'emmèneraient vers le large mais c'était toujours mieux que demeurer sur place. Il détenait la méthode pour fabriquer le remède, ne restait plus qu'à se procurer les ingrédients.

      Greave quitta la cité d'Astare en proie aux flammes, le cœur malgré tout rempli d'espoir.

      CHAPITRE SEPT

      "Ramenez-moi !" insistait Aurelle auprès du capitaine du petit bateau qui l'emmenait loin d'Astare. "Je vous en prie, je ne peux pas laisser Greave seul. Il mourra."

      Sans succès, comme ses autres suppliques d'ailleurs. Le capitaine était un grand bonhomme au visage imperturbable, fermé, mais voilà qu'il souriait.

      "Il mourra parce que vous n'êtes pas là pour le protéger ?"

      L'équipage autour d'Aurelle se mit à rire, ce qui ne fit qu'accentuer la douleur et la honte qui la terrassaient. Elle savait bien sûr ce qu'ils avaient en tête en la voyant, chose qu'elle avait projeté avec le plus grand soin depuis sa rencontre avec Greave. Ses cheveux roux défaits n'étaient certes plus tressés en une élégante coiffure élaborée, mais ils remarquèrent malgré tout ses riches vêtements, l'élégance de ses traits, la finesse de son visage, une femme, tout simplement. Ils en déduisaient certainement qu'elle était une faible femme sans défense.

      Elle s'éloigna de lui, essayant de trouver un moyen de parvenir à ses fins, de rejoindre Greave, simplement lui expliquer les choses. Tout se passerait bien si seulement elle pouvait lui prouver… lui prouver qu'elle l'aimait.

      Elle s'agrippa au bastingage, essaya de voir comment rejoindre Greave à la nage, mais ils étaient trop loin désormais, et de toute façon, les grands navires du Royaume du Sud l'arrêteraient probablement chemin faisant.

      Elle devait trouver un autre moyen, ceux appris à la Maison des Soupirs lui seraient certainement secourables.

      Elle regardait comment manœuvrait le bateau, essayait de comprendre comment provoquer un incident. Elle observait une demi-douzaine d'hommes se déplacer de concert pour essayer de le manœuvrer sans à-coups, mais n'avait aucun moyen de faire demi-tour sans leur aide. Et après ?

      Elle attendit un instant que le capitaine descende sur le pont inférieur avant de se glisser derrière lui et le suive, essayait de réfléchir comment faire. Jusqu'où irait-elle pour retrouver Greave ? Ou plutôt, jusqu'où n'irait-elle pas ?

      "Seriez-vous en train d'essayer de me faire faire demi-tour ?" demanda le capitaine en s'approchant.

      "Oui. Je dois retourner auprès de mon prince. Je suis prête à tout pour le rejoindre. Tout."

      Elle s'approcha du capitaine.

      "Vous croyez que je vais marcher dans votre combine ?"

      Aurelle sortit un couteau qu'elle pressa prestement sur la gorge du capitaine.

      "Ramenez-moi immédiatement."

      "Si vous me tuez, mes hommes vous tueront," dit le capitaine. Le pire, c'est que c'était probablement vrai. Si elle avait disposé d'endroits pour se cacher, Aurelle aurait pu éliminer tous les hommes à bord mais elle aurait dû se battre contre six hommes dans l'espace restreint du navire. Même un Chevalier d'Argent aurait probablement échoué et elle n'était pas chevalier. Mieux valait poignarder dans le dos que se battre ouvertement.

      Qu'elle parvienne à les tuer tous ne lui laisserait aucune chance de faire demi-tour. Aurelle ne pourrait pas ramener le navire à bon port seule.

      "Pourquoi ne pas faire demi-tour ?"

      Le capitaine haussa les épaules. "Je suis fidèle à la couronne, et loyal dès lors que j'ai été rétribué. Le Prince Greave m'a payé pour vous emmener jusqu'à Royalsport, et c'est ce que je vais faire."

      "Mais il va mourir. Nous devons le sauver. Je… je l'aime."

      "Mes hommes n'ont probablement pas entendu votre discussion avec le prince, moi, si. Je sais qui vous êtes. Je sais quel genre de femme vous êtes, madame, et je n'ai pas de temps à perdre dans cette supercherie. Je vais vous ramener, et estimez-vous heureuse que nous ne vous tranchions pas la gorge et ne vous jetions par-dessus bord pour avoir trahi le prince."

      Il remonta sur le pont, Aurelle mit un moment avant d'être capable de le suivre, visiblement pétrifiée par son échec retentissant. Elle était tellement persuadée de trouver un moyen de faire faire demi-tour à ce bateau, convaincue qu'elle trouverait un moyen de manipuler son monde pour parvenir à ses fins. Elle se retrouvait coincée et remonta sur le pont en soupirant.

      Elle aperçut de là les quais d'Astare en feu.

      "Non !" s'écria Aurelle en contemplant les bateaux en flammes, le ponton le plus proche était en feu. Elle vit une silhouette solitaire à l'extrémité d'un des quais incendiés, le vit s'effondrer sous ses pieds, le feu brûlait tout sur son passage. "Non, par pitié, non."

      Aurelle


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