Les aventures complètes d'Arsène Lupin. Морис Леблан

Les aventures complètes d'Arsène Lupin - Морис Леблан


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la moindre hésitation, il se rendit à l’hôtel, dont la porte n’était pas fermée, et, passant devant la concierge qui surveillait les alentours, il dit du ton pressé de quelqu’un que l’on attend :

      – Ces messieurs sont là ?

      – Oui, dans le cabinet de travail.

      Son plan était simple : rencontré, il se présentait comme fournisseur. Prétexte inutile. Il put, après avoir franchi un vestibule désert, entrer dans la salle à manger où il n’y avait personne, mais d’où il aperçut par les carreaux d’une baie vitrée qui séparait la salle du cabinet de travail, Prasville et ses cinq compagnons.

      Prasville, à l’aide de fausses clefs, forçait tous les tiroirs. Puis il compulsait tous les dossiers, pendant que ses quatre compagnons extrayaient de la bibliothèque chacun des volumes, secouaient les pages et vérifiaient l’intérieur des reliures.

      « Décidément, se dit Lupin, c’est un papier que l’on cherche… des billets de banque, peut-être… »

      Prasville s’exclama :

      – Quelle bêtise ! Nous ne trouvons rien…

      Mais sans doute ne renonçait-il pas à trouver, car il saisit tout à coup les quatre flacons d’une cave à liqueur ancienne, ôta les quatre bouchons et les examina.

      « Allons bon pensa Lupin, le voilà qui s’attaque, lui aussi, à des bouchons de carafe. Il ne s’agit donc pas d’un papier ? Vrai, je n’y comprends plus rien. »

      Ensuite Prasville souleva et scruta divers objets, et il dit :

      – Combien de fois êtes-vous venus ici ?

      – Six fois l’hiver dernier, lui fut-il répondu.

      – Et vous avez visité à fond ? Chacune des pièces, et pendant des jours entiers, puisqu’il était en tournée électorale.

      – Cependant… cependant…

      Et il reprit :

      – Il n’a donc pas de domestique, pour l’instant ?

      – Non, il en cherche. Il mange au restaurant, et la concierge entretient le ménage tant bien que mal. Cette femme nous est toute dévouée…

      Durant près d’une heure et demie, Prasville s’obstina dans ses investigations, dérangeant et palpant tous les bibelots, mais en ayant soin de reposer chacun d’eux à la place exacte qu’il occupait. À neuf heures, les deux agents qui avaient suivi Daubrecq firent irruption.

      – Le voilà qui revient…

      – À pied ?

      – À pied.

      – Nous avons le temps ?

      – Oh ! Oui !

      Sans trop se hâter, Prasville et les hommes de la Préfecture, après avoir jeté un dernier coup d’œil sur la pièce et s’être assurés que rien ne trahissait leur visite, se retirèrent.

      La situation devenait critique pour Lupin. Il risquait, en partant, de se heurter à Daubrecq, en demeurant, de ne plus pouvoir sortir. Mais ayant constaté que les fenêtres de la salle à manger lui offraient une sortie directe sur le square, il résolut de rester. D’ailleurs, l’occasion de voir Daubrecq d’un peu près était trop bonne pour qu’il n’en profitât point, et, puisque Daubrecq venait de dîner, il y avait peu de chance pour qu’il entrât dans cette salle.

      Il attendit donc, prêt à se dissimuler derrière un rideau de velours qui se tirait au besoin sur la baie vitrée.

      Il perçut le bruit des portes. Quelqu’un entra dans le cabinet de travail et ralluma l’électricité. Il reconnut Daubrecq.

      C’était un gros homme, trapu, court d’encolure, avec un collier de barbe grise, presque chauve, et qui portait toujours – car il avait les yeux très fatigués – un binocle à verres noirs par dessus ses lunettes.

      Lupin remarqua l’énergie du visage, le menton carré, la saillie des os. Les poings étaient velus et massifs, les jambes torses, et il marchait, le dos voûté, en pesant alternativement sur l’une et sur l’autre hanche, ce qui lui donnait un peu l’allure d’un quadrumane. Mais un front énorme, tourmenté, creusé de vallons, hérissé de bosses, surmontait la face.

      L’ensemble avait quelque chose de bestial, de répugnant, de sauvage. Lupin se rappela que, à la Chambre, on appelait Daubrecq « l’homme des Bois », et on l’appelait ainsi non pas seulement parce qu’il se tenait à l’écart et ne frayait guère avec ses collègues, mais aussi à cause de son aspect même, de ses façons, de sa démarche, de sa musculature puissante.

      Il s’assit devant son bureau, tira de sa poche une pipe en écume, choisit parmi plusieurs paquets de tabac qui séchaient dans un vase, un paquet de maryland, déchira la bande, bourra sa pipe et l’alluma. Puis il se mit à écrire des lettres.

      Au bout d’un moment, il suspendit sa besogne et demeura songeur, l’attention fixée sur un point de son bureau.

      Vivement il prit une petite boîte à timbres qu’il examina. Ensuite, il vérifia la position de certains objets que Prasville avait touchés et replacés et il les scrutait du regard, les palpait de la main, se penchait sur eux, comme si certains signes, connus de lui seul, eussent pu le renseigner.

      À la fin, il saisit la poire d’une sonnerie électrique et pressa le bouton.

      Une minute après, la concierge se présentait.

      Il lui dit :

      – Ils sont venus, n’est-ce pas ?

      Et, comme la femme hésitait, il insista :

      – Voyons, Clémence, est-ce vous qui avez ouvert cette petite boîte à timbres ?

      – Non, monsieur.

      – Eh bien, j’en avais cacheté le couvercle avec une bande étroite de papier gommé. Cette bande a été brisée.

      – Je peux pourtant certifier, commença la femme…

      – Pourquoi mentir, dit-il, puisque je vous ai dit, moi-même, de vous prêter à toutes ces visites ?

      – C’est que…

      – C’est que vous aimez bien manger aux deux râteliers… Soit… Il lui tendit un billet de cinquante francs et répéta :

      – Ils sont venus ?

      – Oui, monsieur.

      – Les mêmes qu’au printemps ?

      – Oui, tous les cinq… avec un autre… qui les commandait.

      – Un grand ?… brun ?…

      – Oui.

      Lupin vit la mâchoire de Daubrecq qui se contractait, et Daubrecq poursuivit :

      – C’est tout ?

      – Il en est venu un autre, après eux, qui les a rejoints… et puis, tout à l’heure, deux autres, les deux qui montent ordinairement la faction devant l’hôtel.

      – Ils sont restés dans ce cabinet ?

      – Oui, monsieur.

      – Et ils sont repartis comme j’arrivais ? Quelques minutes avant, peut-être ?

      – Oui, monsieur.

      – C’est bien.

      La femme s’en alla. Daubrecq se remit à sa correspondance. Puis, allongeant le bras, il inscrivit des signes sur un cahier de papier blanc qui se trouvait à l’extrémité de son bureau, et qu’il dressa ensuite, comme s’il eût voulu ne point le perdre de vue.

      C’étaient des chiffres. Lupin put lire cette formule de soustraction :

      9-8=1

      Et


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