Les aventures complètes d'Arsène Lupin. Морис Леблан

Les aventures complètes d'Arsène Lupin - Морис Леблан


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Assez ! Ordonna-t-il. Pour les quelques rossignols qui restent, nous n’allons pas gâcher l’affaire et laisser l’auto en station. J’embarque.

      Ils se trouvaient alors au bord de l’eau, et Lupin descendait l’escalier. Gilbert le retint.

      – Écoutez, patron, il nous faut un voyage de plus… cinq minutes, pas davantage.

      – Mais pourquoi, que diantre !

      – Voilà… On nous a parlé d’un reliquaire ancien… quelque chose d’épatant…

      – Eh bien ?

      – Impossible de mettre la main dessus. Et je pense à l’office… Il y a là un placard à grosse serrure… vous comprenez bien que nous ne pouvons pas…

      Il retournait déjà vers le perron. Vaucheray s’élança également.

      – Dix minutes… pas une de plus, leur cria Lupin. Dans dix minutes, moi, je me défile.

      Mais les dix minutes s’écoulèrent, et il attendait encore.

      Il consulta sa montre.

      – Neuf heures et quart… c’est de la folie, se dit-il.

      En outre, il songeait que, durant tout ce déménagement, Gilbert et Vaucheray s’étaient conduits de façon assez bizarre, ne se quittant pas et semblant se surveiller l’un l’autre. Que se passait-il donc ?

      Insensiblement, Lupin retournait à la maison, poussé par une inquiétude qu’il ne s’expliquait pas, et, en même temps, il écoutait une rumeur sourde qui s’élevait au loin, du côté d’Enghien, et qui paraissait se rapprocher… Des promeneurs sans doute…

      Vivement il donna un coup de sifflet, puis il se dirigea vers la grille principale, pour jeter un coup d’œil aux environs de l’avenue. Mais soudain, comme il tirait le battant, une détonation retentit, suivie d’un hurlement de douleur. Il revint en courant, fit le tour de la maison, escalada le perron et se rua vers la salle à manger.

      – Sacré tonnerre ! Qu’est-ce que vous fichez là, tous les deux ?

      Gilbert et Vaucheray, mêlés dans un corps à corps furieux, roulaient sur le parquet avec des cris de rage. Leurs habits dégouttaient de sang. Lupin bondit. Mais déjà Gilbert avait terrassé son adversaire et lui arrachait de la main un objet que Lupin n’eut pas le temps de distinguer. Vaucheray, d’ailleurs, qui perdait du sang par une blessure à l’épaule, s’évanouit.

      – Qui l’a blessé ? Toi, Gilbert ? demanda Lupin exaspéré.

      – Non… Léonard.

      – Léonard ! Il était attaché…

      – Il avait défait ses liens et repris son revolver.

      – La canaille ! Où est-il ?

      Lupin saisit la lampe et passa dans l’office.

      Le domestique gisait sur le dos, les bras en croix, un poignard planté dans la gorge, la face livide. Un filet rouge coulait de sa bouche.

      – Ah ! balbutia Lupin, après l’avoir examiné… il est mort !

      – Vous croyez… Vous croyez… fit Gilbert, d’une voix tremblante.

      – Mort, je te dis.

      Gilbert bredouilla :

      – C’est Vaucheray… qui l’a frappé…

      Pâle de colère, Lupin l’empoigna.

      – C’est Vaucheray… et toi aussi, gredin puisque tu étais là, et que tu as laissé faire… Du sang ! Du sang ! Vous savez bien que je n’en veux pas. On se laisse tuer, plutôt. Ah ! Tant pis pour vous, les gaillards… vous paierez la casse s’il y a lieu. Et ça coûte cher… Gare la Veuve !

      La vue du cadavre le bouleversait et, secouant brutalement Gilbert :

      – Pourquoi ?… pourquoi Vaucheray l’a-t-il tué ?

      – Il voulait le fouiller et lui prendre la clef du placard. Quand il s’est penché sur lui, il a vu que l’autre s’était délié les bras… Il a eu peur… et il a frappé.

      – Mais le coup de revolver ?

      – C’est Léonard… il avait l’arme à la main… Avant de mourir il a encore eu la force de viser…

      – Et la clef du placard ?

      – Vaucheray l’a prise…

      – Il a ouvert ?

      – Oui.

      – Et il a trouvé ?

      – Oui.

      – Et toi, tu as voulu lui arracher l’objet ?… Le reliquaire ? Non, c’était plus petit… Alors, quoi ? Réponds donc…

      Au silence, à l’expression résolue de Gilbert, il comprit qu’il n’obtiendrait pas de réponse. Avec un geste de menace, il articula :

      – Tu causeras, mon bonhomme. Foi de Lupin, je te ferai cracher ta confession. Mais, pour l’instant, il s’agit de déguerpir. Tiens, aide-moi… nous allons embarquer Vaucheray…

      Ils étaient revenus vers la salle, et Gilbert se penchait au-dessus du blessé, quand Lupin l’arrêta :

      – Écoute !

      Ils échangèrent un même regard d’inquiétude. On parlait dans l’office… une voix très basse, étrange, très lointaine… Pourtant, ils s’en assurèrent aussitôt, il n’y avait personne dans la pièce, personne que le mort dont ils voyaient la silhouette sombre.

      Et la voix parla de nouveau, tour à tour aiguë, étouffée, chevrotante, inégale, criarde, terrifiante. Elle prononçait des mots indistincts, des syllabes interrompues.

      Lupin sentit que son crâne se couvrait de sueur. Qu’était-ce que cette voix incohérente, mystérieuse comme une voix d’outre-tombe ?

      Il s’était baissé sur le domestique. La voix se tut, puis recommença. Éclairé-nous mieux, dit-il à Gilbert.

      Il tremblait un peu, agité par une peur nerveuse qu’il ne pouvait dominer, car aucun doute n’était possible : Gilbert ayant enlevé l’abat-jour, il constata que la voix sortait du cadavre même, sans qu’un soubresaut en remuât la masse inerte, sans que la bouche sanglante eût un frémissement.

      – Patron, j’ai la frousse, bégaya Gilbert.

      Le même bruit encore, le même chuchotement nasillard.

      Lupin éclata de rire, et rapidement, il saisit le cadavre et le déplaça.

      – Parfait dit-il en apercevant un objet de métal brillant… Parfait nous y sommes… Eh bien, vrai, j’y ai mis le temps !

      C’était, à la place même qu’il avait découverte, le cornet récepteur d’un appareil téléphonique dont le fil remontait jusqu’au poste fixé dans le mur, à la hauteur habituelle.

      Lupin appliqua ce récepteur contre son oreille. Presque aussitôt le bruit recommença, mais un bruit multiple, composé d’appels divers, d’interjections, de clameurs entrecroisées, le bruit que font plusieurs personnes qui s’interpellent.

      – Êtes-vous là ?… Il ne répond plus… C’est horrible… On l’aura tué… Êtes-vous là ?… Qu’y a-t-il ?… Du courage… Le secours est en marche… des agents… des soldats…

      – Crédieu ! fit Lupin, qui lâcha le récepteur.

      En une vision effrayante, la vérité lui apparaissait. Tout au début, et tandis que le déménagement s’effectuait, Léonard, dont les liens n’étaient pas rigides, avait réussi à se dresser, à décrocher le récepteur, probablement avec ses dents, à le faire tomber et à demander du secours


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